Devoir de Philosophie

Philosophie du progrès

Publié le 23/03/2015

Extrait du document

philosophie

Je dis là les choses de manière volontairement naïve, mais si on les formule de façon plus abstraite, vous voyez bien que cette analyse signifie que, comme dans la vie et l'amour, la beauté est dans cette perspective romantique réconciliation de la matière et de l'esprit, de l'âme et du corps, du sensible et de l'intelligible, du particulier et de l'universel ; bref, réconciliation de tous ces contraires qu'aux yeux des romantiques le judaïsme et la philosophie des Lumières, tout particulièrement celle de Kant, opposent à tort.

 

Considérons par exemple la sphère du droit ---puisque nous avons évoqué la fameuse distinction, si chère aux philosophes des Lumières, entre le droit naturel et le droit positif.

 

Un très grand juriste romantique (auquel j'ai consacré mes premiers travaux quand j'étais chercheur au CNRS), Karl Friedrich von Savigny, publie sur ce thème, en 1814, un livre très important dans l'histoire du romantisme allemand : Vom Beruf unserer Zeit für Gesetzgebung und Rechtswis-senschaft (De la vocation qu'a notre temps pour la législation et la science du droit).

 

Ce qu'explique Savigny dans ce texte, qui est un peu la charte du romantisme juri-dico-politique, c'est que le droit authentique, le droit vraiment vivant --- on retrouve toujours la même idée de vie ---, n'est ni le droit positif, qui peut être mort et qu'il faut dans ce cas couper comme on coupe une branche morte, ni le prétendu droit naturel des Aufkld-rer, les philosophes des Lumières, qui veulent toujours, comme dans la Révolution française ou dans l'art classique à la Boileau, imposer au sensible, en l'occurrence à la sensibilité du peuple, des codes rationalistes tels que le code Napoléon.

 

Donc, le droit véritable n'est ni le droit positif ni le droit naturel imposé au peuple de manière impérieuse, mais c'est bien sûr la coutume, la tradition vivante.

 

Où l'on retrouve à nouveau le principe vitaliste, l'idée de vie.

 

Deuxième grand trait de la philosophie romantique : la réhabilitation du préjugé.

 

C'est une réhabilitation de l'Histoire et de la tradition vivantes contre cette prétention du sujet cartésien à s'arracher à l'historicité pour la juger de l'extérieur.

 

C'est une pure fiction, il n'y a pas de «métalangage«, personne ne peut se sortir de son histoire, s'arracher à sa tradition, car la tradition est un organisme vivant et nous en sommes les membres.

 

Une philosophie vivante peut-elle jamais être autre chose qu'histoire?

 

Si tout cela est vrai, il en résulte que l'on ne doit pas tant déduire les actes des hommes de leur philosophie, que leur philosophie de leurs actes.

 

Que leur histoire ne naît point de leur manière de penser, mais leur manière de penser de leur histoire.

 

De même que la philosophie vivante ou la manière de penser d'un peuple résulte de son histoire ou de sa manière de vivre, de même son histoire ou sa manière de vivre résulte de son origine, des institutions et des lois qui sont nées ainsi [c'est-à-dire de la coutume et de la tradition].

 

Vous voyez là une illustration parfaite de la réhabilitation du préjugé contre la prétention à la critique.

 

Toute la question étant de savoir, comme pour le droit chez Savigny, quels sont les préjugés qui sont vivants et ceux qui sont morts.

 

Il faut parfois, là aussi, savoir couper les branches sèches.

 

Troisième exemple de cette critique, mais cette fois-ci sur le plan politique : l'État n'est nullement un «instrument«, pas d'avantage l'objet d'un contrat.

 

L'État doit être l'expression de l «âme« du peuple, du Volksgeist, de l'esprit du peuple, et il doit pour cette raison être exprimé par un Führer, un monarque qui est l'incarnation de cet esprit.

 

C'est en ce point que les romantiques annoncent la théorie de la «démocratie« qu'on retrouvera dans le nazisme : je mets le mot démocratie entre guillemets parce qu'il n'a évidemment pas ici le sens que nous lui donnons d'ordinaire.

 

pourtant bien là une forme de démocratie au sens où le monarque, le Führer, même s'il n'est pas élu sur un modèle contractualiste, est bien censé, malgré tout, incarner l'esprit du peuple, le démos tout entier.

 

Le nazisme reprendra pour une large part cet héritage romantique.

 

Le Führer, c'est celui qui incarne l'organi-cité vivante de la Gemeinschafi-.

 

Là aussi, je pourrais vous donner de nombreuses citations, chez Adam Müller notamment, dont l'ouvrage est tout entier consacré à critiquer l'idée de l'État-instrument, objet d'un contrat social.

 

On trouvera cette conception de l'éducation exposée de manière quasi parfaite dans Les Déracinés de Barrès, notamment dans ce fameux passage de l «arbre de Taine« où Taine, l'un des maîtres de Barrès, montre en quel sens l'arbre est à ses yeux une «leçon de morale vivante«.

 

Sur le plan scientifique encore, l'opposition du romantisme aux Lumières est tout aussi radicale.

 

Je ne vais pas développer davantage ce point, mais vous comprenez bien que la pensée romantique s'attachera à une réhabilitation du vitalisme contre le mécanisme, du vivant contre la rationalité cartésienne qui dissèque et dissout toujours la réalité du réel.

 

Pour adopter un vocabulaire contemporain, on pourrait dire que c'est une réhabilitation du finalisme contre le matérialisme de la biologie moléculaire.

 

Et, là aussi, les textes abondent pour critiquer cette prétention qu'a le mécanisme hérité de Descartes à tout expliquer, à éradiquer le mystère de la nature.

 

Contrairement à ce que croient les philosophes des Lumières, qui s'imaginent rompre avec la tradition historique, la critique est un préjugé parmi d'autres, lié lui aussi à une histoire et produite par elle.

 

Apel commence à réfléchir à partir des différents types de contradictions qui peuvent traverser le discours, la communication humaine.

 

C'est une contradiction sémantique, dans le sens lui-même.

 

C'est donc, notez bien cela, une contradiction qui se situe pour ainsi dire à l'intérieur même de l'énoncé, à l'intérieur de la proposition.

 

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles