Pourquoi les sciences humaines ne sont pas encore des sciences objectives ?
Publié le 10/05/2012
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Le psychologue, le sociologue, l'historien, l'économiste ... diffèrent essentiellement des machines que la cybernétique met à la disposition des savants : celles-ci enregistrent passivement et fidèlement les faits ; à condition qu'on leur fournisse des données identiques, elles en tirent automatiquement les mêmes conséquences. Leur objectivité est parfaite, parce qu'eHes sont dépourvues de toute subjectivité, de toute conscience. Le savant, au contraire, tout comme les travailleurs qui se pressent dans la rue à l'heure de l'ouverture des bureaux ....
«
172 DIFFÉRENTS DOMAINES DE LA CONNAISSANCE
A.
Or la vie psychique est essentiellement subjective.
On
ne l'atteint en elle-même que par une introspection dans
laquelle le
sujet connaissant se prend lui-même pour objet.
Dédoublement possible, sans doute, mais qui
n'est jamais radi
cal : quelque précaution qu'il prenne, bien plus du fait de ces
précautions mêmes, l'observateur
agit sur le phénomène observé
et perturbe plus ou moins son déroulement naturel.
Aussi les
données de la psychologie
introspective ou subjective sont-elles
loin de répondre aux exigences d'une recherche
vraiment scien
tifique: inutile d'insister sur cette affirmation que personne ne
discute aujourd'hui.
Depuis près d'un siècle, il
est vrai, se constitue une "psy
chologie objective , dont le titre qu'on lui donne porterait à
croire qu'il n'est pas impossible, pour la science de l'homme
et par conséquent pour les sciences humaines, d'atteindre
l'objectivité.
Effectivement, l'homme, et à plus forte raison ses œuvres,
peuvent
être et sont effectivement étudiées comme des objets
au sens ordinaire du mot, c'est-à-dire comme aes
réalités aussi
essentiellement distinctes de celui qui les observe que le sont
les phénomènes
dont le physicien se rend compte d'après la
situation d'une aiguille sur le cadran d'un appareil de mesure.
D'ailleurs de tels appareils ne manquent pas dans les labora
toires de psychologie.
C'est vrai.
Néanmoins les efforts pour obtenir une connais
sance vraiment objective des faits psychiques se heurtent tou
jours à de très graves obstacles.
Il en est un d'insurmontable: J'introspection écartée, il est
impossible d'observer en lui-même l'objet propre de la psycho
logie, l'activité intérieure attribuée à l'esprit ou à l'âme (on dit
aussi, de nos jours, à la "psychè») ; l'observateur n'en atteint
jamais que des effets extérieurs, des signes de cette activité
intérieure ; il doit interpréter ces signes d'après son expé
rience personnelle, ce qui nous ramène à la subjectivité de la
psychologie introspective.
En voici un second dont, souvent, les efforts tendant à Je
neutraliser augmentent plutôt l'action.
L'individu que j'observe
sans
qu'il s'en rende compte réalise bien la notion d'objet.
Mais
dès qu'il a conscience d'être observé, il s'établit entre nous
des relations de
sujet à sujet ; nous ne nous comportons plus
comme si nous étions seuls, nous sommes dans une
certaine
mesure en représentation.
Les mutations de ce genre sont plus.
»
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