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pouvoirs et contre-pouvoirs chez Montesquieu

Publié le 23/03/2015

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Il y a toujours dans un État des gens distingués par la naissance, les richesses ou les honneurs ; mais s'ils étaient confondus parmi le peuple, et s'ils n'y avaient qu'une voix comme les autres, la liberté commune serait leur esclavage, et ils n'auraient aucun intérêt à la défendre, parce que la plupart des résolutions seraient contre eux. La part qu'ils ont à la législation doit être proportionnée aux autres avantages qu'ils ont dans l'État : ce qui arrivera s'ils forment un corps qui ait droit d'arrêter les entreprises du peuple, comme le peuple a droit d'arrêter les leurs.

Ainsi, la puissance législative sera confiée, et au corps des nobles, et au corps qui sera choisi pour représenter le peuple, qui auront chacun leurs assemblées et leurs délibérations à part, et des vues et des intérêts séparés.

Des trois puissances dont nous avons parlé, celle de juger est en quelque façon nulle. Il n'en reste que deux ; et comme elles ont besoin d'une puissance réglante pour les tempérer, la partie du corps législatif qui est composée de nobles est très propre à produire cet effet.

Le corps des nobles doit être héréditaire [...] Mais comme une puissance héréditaire pourrait être induite à suivre ses intérêts particuliers et à oublier ceux du peuple, il faut que [...] elle n'ait de part à la législation que par sa faculté d'empêcher, et non par sa faculté de statuer.

J'appelle faculté de statuer, le droit d'ordonner par soi-même, ou de corriger ce qui a été ordonné par un autre. J'appelle faculté d'empêcher, le droit de rendre nulle une résolution prise par un autre ; ce qui était la puissance des tribuns de Rome. Et quoique celui qui a la faculté d'empêcher puisse avoir aussi le droit d'approuver, pour lors cette approbation n'est autre chose qu'une déclaration qu'il ne fait point usage de sa faculté d'empêcher, et dérive de cette faculté.

(E.L., XI, 6)

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« Textes commentés 49 Tous les citoyens doivent être représentés par les Chambres.

Mais Montesquieu a toujours souligné, au cœur de la société, l'existence « des rangs et des différences » ; selon lui, l'uniformité ne peut pas régner entre le peuple et les nobles.

C'est pourquoi le Parlement -c'est-à-dire la puissance législative -doit être composé, comme l'enseigne l'exemple anglais, de deux Chambres : une Chambre haute, où siègent les représentants de la noblesse que distinguent la naissance, la richesse ou les honneurs ; une Chambre basse, composée des députés du peuple.

Chacune d'elles a, sans aucun doute, des intérêts différents, ce qui explique que leurs délibérations ne leur soient point communes.

Mais, dans ce bicamérisme, l'essentiel n'est pas la distinction -encore moins la « séparation » -des assemblées car « toutes les parties, quelque opposées qu'elles paraissent, concourent au bien général de la société » (Considérations sur les Romains, IX).

L'important est que, par leur fonctionnalité, elles réalisent l'équilibre de leurs compétences et de leurs pouvoirs.

Leur coexistence au sein de la puissance législative doit permettre, par le libre jeu de leurs intérêts, voire de leurs passions spécifiques, une auto­ régulation et une harmonie qui naissent en quelque sorte de leurs dissonances mêmes.

La question politique révèle en cela sa véritable nature : quand se pose le problème des pouvoirs en l'État, il ne s'agit pas de savoir comment les séparer ou les diviser; il s'agit d'obtenir que, grâce à l'auto-limitation qui en tempère les forces respectives, ils aillent« de concert».

Cela est fondamental et répond 1 à la nature des choses : en politique comme dans l'univers tout entier, toutes les parties sont « éternellement liées par l'action des unes et la réaction des autres» (Pensées, 657).

Donc, l'aménagement de la puissance législative correspond à l'équilibre des pouvoirs et des contre-pouvoirs des deux Chambres : il faut que le corps des nobles « ait droit d'arrêter les entreprises du peuple, comme le peuple a droit d'arrêter les leurs».

La faculté de statuer, c'est-à-dire d'établir des règles législatives, et la/acuité d'empêcher, c'est-à­ dire un droit de veto qui arrête les dérives de la législation doivent se contreba­ lancer au sein de la puissance législative.

La liberté de tous les citoyens exige cette « balance » en quoi devrait s'exprimer, par leur contrôle mutuel, sinon réciproque, la pondération des deux Chambres représentatives de la nation.. »

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