ROUSSEAU: La liberté est un bien inaliénable de l'homme.
Publié le 29/04/2005
Extrait du document
• Ce texte est d'une grande richesse et met en scène les protagonistes préférés - si l'on peut dire - de Rousseau, à savoir Hobbes et Pufendorf, ainsi que Grotius. Bref, les juristes du droit naturel dont Rousseau reprend en partie les acquis. • - La théorie du droit naturel : les hommes sont libres et égaux dans l'état de nature. L'autorité politique n'a pas d'origine naturelle : c'est une convention, un « contrat «, consenti ou forcé. Conséquence = l'école du droit naturel ruine la doctrine du droit divin pour qui « il n'est point de pouvoir qui ne vienne de Dieu «. - Mais Rousseau refuse la conception de Hobbes et la conception de Pufendorf quant à l'état de nature. Pour le premier, cet état est un état de guerre permanent. Pour le second, les hommes à l'état de nature sont doués de raison et sociables et c'est pourquoi ils vont pouvoir sortir de cet état indigne de l'homme.
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Qu'est-ce qu'« offenser à la fois la nature et la raison » ? Dans la seconde sous-partie du texte, Rousseau veutmontrer qu'il est contradictoire pour un homme de renoncer à sa liberté.
Ni la vie ni la liberté ne sont des biens quel'on a acquis et que l'on pourrait donc perdre.
On n'en dispose pas, on en jouit en sa qualité d'homme.
II s'agit donclà d'un argument de fait : l'homme est fait de telle sorte que supprimer en lui la vie ou la liberté, c'est le faire cesserd'être homme.
L'esclave servile, c'est-à-dire qui consent à son sort, est déjà, d'une certaine façon, un homme mort,déchu de sa véritable condition.
En un mot donc, la liberté est, comme la vie, une condition naturelle.
Y renoncerest contre nature.Mais ne pouvons-nous pas vouloir quelque chose qui soit contre nature ? Si, bien sûr.
Mais il faut alors que cettevolonté soit motivée par un intérêt.
Que peut-on attendre d'une telle décision ? Quel gain peut-on espérer dureniement de sa nature ? Perdre sa qualité d'agent libre, c'est perdre son être même de sujet conscient etresponsable.
C'est devenir une mécanique.
Rien d'équivalent ne pourra jamais compenser cette perte.
Un teléchange ne peut pas être à l'avantage de celui qui cède sa liberté.
C'est donc un acte hautement déraisonnable.
Question 3
Dans ce texte, le mot « liberté » est pris au sens social de la condition de celui qui est maître et responsable de sesactes, par opposition à l'esclave.
Cette condition est conçue par Rousseau comme un bien naturel et c'est à ce titrequ'elle est considérée comme inaliénable.
Mais la liberté est-elle un « bien » ? On peut contester la positionrousseauiste en voyant dans la liberté une condition sinon mauvaise au moins difficile pour l'homme.Mais commençons par montrer en quel sens on peut envisager la liberté comme un bien.
Elle ne saurait être unepropriété, c'est-à-dire une chose possédée légitimement au nom d'un droit (comme quand on dit de quelqu'un deriche qu'il a « du bien ») ; elle est un bien dans la mesure où elle convient aux hommes, où elle est bonne pour eux.Ce qui peut s'établir assez facilement si on admet que tout homme aspire à faire ce qu'il désire.
Plus il sera libre,indépendant, plus il accroîtra ses chances d'être satisfait.
Il vaut mieux compter sur soi-même que sur la chance ousur autrui pour obtenir de la vie ce qu'on en attend.
Dans cette perspective, la liberté est un bien suprême : elle estle meilleur moyen d'être heureux.Mais s'en tenir à cette considération serait superficiel.
C'est en effet un postulat naïf de croire que tout hommecherche à faire ce qu'il veut.
D'une part, il n'est pas toujours facile de savoir ce que l'on veut et par conséquent devouloir.
D'autre part, il arrive que l'on désire s'en remettre à l'autorité d'un autre, que l'on préfère abdiquerservilement sa liberté plutôt que d'en assumer pleinement la responsabilité.
Le plaisir de la soumission est unetentation qu'on ne saurait surestimer chez les hommes toujours avides de croyances et de cultes, cultes qui ne sontpas nécessairement religieux.
Mais surtout, il y a quelque chose de terrible dans le fait d'être prêt à répondre de sesactes (« responsabilité » vient du latin respondere) et les Anciens l'avaient compris : l'homme libre en effet, dansl'Antiquité, était un homme prêt à mourir pour rester libre.
Au contraire l'esclave préférait sauver sa vie en échangede sa liberté.
La lâcheté, la peur de mourir, le désir de vivre sont les véritables menaces pour la liberté.
Il faut pourainsi dire avoir fait le deuil de sa propre mort pour pouvoir être libre.Est-ce à dire que l'exigence de liberté se fonde sur une aspiration à mourir ? Prenons garde, pour commencer, à nepas confondre la revendication politique des libertés — qui correspond à une expansion de la vie, à une affirmationdes désirs — avec l'exigence éthique de la liberté-responsabilité.
Cette dernière, seule, engage intérieurement enconfrontant le sujet à la perspective de sa mort.
Elle n'est pas désir de mourir, mais au contraire aspiration à vivreune vie qui ne soit ni anonyme ni mécanique mais pleinement vécue et assumée par le sujet en son nom propre.
Unevie libre est une vie dont on s'efforce de répondre et qui jouit d'autant plus d'elle-même qu'elle n'est plus subie maisagie, décidée, acceptée.
La liberté n'est pas tragique ; elle n'apparaît telle qu'à celui qui tient à la vie à tout prix etqui, ce faisant, s'interdit de se poser la véritable question : non pas « vivre ou ne pas vivre ? » mais « quelle vie ai-je envie de vivre ? » Vivre libre, c'est faire le difficile choix de vivre, de vivre sa vie.La liberté, entendue au sens de la responsabilité assumée, est donc un bien mais il ne semble pas qu'elle apparaissecomme telle à tous, ni qu'elle soit forcément désirable et facile à atteindre.
La notion de liberté, au-delà desformules militantes et des abstractions philosophiques, confronte l'homme à la question angoissante de sa mort.C'est en réalité une question, question libératrice si elle est sincèrement posée, question qui conduit l'homme àrépondre de lui-même, à dire oui à la vie, question qui d'une certaine manière force à faire de son existence unchoix.
ROUSSEAU (Jean-Jacques). Né à Genève en 1712, mort à Ermenonville en 1778..
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