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SCHOPENHAUER Le Monde comme Volonté et comme Représentation - Livre IV, §. 57, tr. fr. A. Burdeau

Publié le 14/12/2010

Extrait du document

schopenhauer

Entre les désirs et leurs réalisations s'écoule toute la vie humaine. Le désir, de sa nature, est souffrance ; la satisfaction engendre bien vite la satiété : le but était illusoire : la possession lui enlève son attrait ; le désir renaît sous une forme nouvelle, et avec lui le besoin : sinon, c'est le dégoût, le vide, l'ennui, ennemis plus rudes encore que le besoin. — Quand le désir et la satisfaction se suivent à des intervalles qui ne sont ni trop longs, ni trop courts, la souffrance, résultat commun de l'un et de l'autre, descend à son minimum : et c'est là la plus heureuse vie. Car il est bien d'autres moments, qu'on nommerait les plus beaux de la vie, des joies qu'on appellerait les plus pures ; mais elles nous enlèvent au monde réel et nous transforment en spectateurs désintéressés de ce monde : c'est la connaissance pure, pure de tout vouloir, la jouissance du beau, le vrai plaisir artistique ; encore ces joies, pour être senties, demandent-elles des aptitudes bien rares : elles sont donc permises à bien peu, et, pour ceux-là même, elles sont comme un rêve qui passe ; au reste, ils les doivent, ces joies, à une intelligence supérieure, qui les rend accessibles à bien des douleurs inconnues du vulgaire plus grossier, et fait d'eux, en somme, des solitaires au milieu d'une foule toute différente d'eux : ainsi se rétablit l'équilibre. Quant à la grande majorité des hommes, les joies de la pure intelligence leur sont interdites, le plaisir de la connaissance désintéressée les dépasse : ils sont réduits au simple vouloir.

Arthur Schopenhauer est un philosophe allemand du XIXème siècle. Dans cet extrait de « Le Monde comme volonté et comme représentation «, l'auteur explique l'impossibilité pour l'Homme d'atteindre le bonheur absolu par le biais de la satisfaction du désir. Il aborde également les raisons qui font la nature du désir douloureuse et donne des conseils pour souffrir le moins possible. Il évoque également d'autres formes de joie plus puissantes que la satisfaction de nos désirs, des êtres capables de subir des joies profondes et des souffrances tout aussi fortes. Ce texte soulève un problème suivant : le désir est-il toujours synonyme de souffrance comme l'affirme l'auteur, ou au contraire, la satisfaction des désirs de l'homme pourraient conduire au bonheur ?

schopenhauer

« désir-satisfaction.

Il existecertainsêtredotés «d'aptitudes bien rares » et « d'une intelligence supérieure » capabled'obtenir de la joie bien plus forte que toute satisfaction sans pour autant exaucer une envie.

Ils parviennent à cetétat d'allégresse en acquérant des connaissances dénuées de tout désir comme « la jouissance du beau, le vraiplaisir artistique ».

Ces personnes sont les poètes, les peintres, les artistes.

Néanmoins, on peut alors se demandersi ces êtres capables de faire abstraction de leurs désirs et donc ne subissant pas les souffrances qu'ils engendrenttelsque le dégout et le besoin sont, eux, capables d'atteindre le bonheur absolu ?La réponse n'est pas si évidente.

Même si on admet le fait que la joie de la connaissance pure soit bien pluspuissante que celle de la satisfaction des désirs, il semblerait qu'elles soientmalgré tout,toutes deux apparentées carelles sont spontanées et immédiates.

En effet, Schopenhauer dit de la joie des artistes qu'elle est «comme un rêvequi passe » c'est-à-dire qu'elle ne peut durer indéfiniment.

De plus, Schopenhauer explique également que ces êtresqui se distinguent par leurs aptitudes sont particulièrement sensibles à des souffrances inconnues de la plupart dumonde.

Ces souffrances sont issues de leurs aptitudes hors du commun et ont pour conséquence d'altérer leurvisions du monde : « mais elle nous enlève du monde réel […] transforme en spectateur désintéresser de cemonde ».

Ces souffrances sont aussi dues au fait qu'ils représentent une minorité ce qui les rend incompris desautres, êtres solitaires et marginalisés du vulgaire.

L'auteur ajoute aussi la phrase : «ainsi cela rétablit l'équilibre »,ce qui démontre bien que même ces êtres exceptionnels subissent des douleurs certes différentes que « ceux quisont réduits au simple vouloir »évoqués dans la première partie de l'extrait, mais sujets à des souffrances tout demême.

En conséquence, Schopenhauer cherche ainsi à prouver que n'importe quel homme doué d'une intelligence,supérieure ou non, est destiné à souffrir d'une manière ou d'une autre et ne peut atteindre le bonheur absolu.

C'estle pessimisme de Schopenhauer qui laisse à penser qu'il désire le néant pour ne plus souffrir.Ainsi donc, grâce à cette explication du texte, nous avons vuque,selon Schopenhauer, le désir mène à la souffrance: « de sa nature est souffrance » et même ce que l'auteur nomme les joies « les plus pures » conduisent elles-aussiau supplice de l'être.

Ce qui nous amène à nous demander si désirs et satisfactions de ces désirs sont toujourssynonymes de souffrance ? Nous allons, dans une première partie,émettre une réponse en accord avec la thèse del'auteur.

Puis dans une seconde partie évoquer les limites de cette thèse.Dans le texte de l'auteur, les désirs et lessatisfactions sont des facteurs de souffrance chez l'homme.

Une première raison invoquée est que le désir, si il esttrop intense ou ne fait pas l'objet d'une satisfaction, devient besoin ce qui entraine la souffrance.

Une deuxièmeraisonest que si les satisfactions sont trop fréquentes, elles perdent de leur valeurs et l'individu ressent de ladéception qui s'apparente également à de la souffrance.Voici d'autres exemples qui viennent étayer la thèse de l'auteur.

Parfois, la satisfaction de certains désirs peutentrainer aussi des effets non-désiréschez la personne concernée.

Cela se produit majoritairement en cas d'abus,ces satisfactions sont donc une réponse à des désirs non-nécessaire.

Par exemple, la gourmandise peut avoircomme conséquence la surcharge pondérale et les maux qu'elle engendre, le jeu peut mener à la ruineetc.…Pour les religieux, le désir est détestable car l'homme qui a été créé à l'image de Dieu se doit decontrôler ses désirs.

Ainsi, un croyant, qui obtient satisfaction, est pris d'inquiétude et de crainte permanente carque le désir et la satisfaction constituent un cycle nuisible pour la plupart des mortels.

De même, le désir peutgénérer de la violence, car celle-ci semble être dans certains cas extrêmes la seule façon pour l'homme d'obtenir cequ'il désire.

René Girard dit même que ce type de réaction est fréquente lorsque le désir est mimétique, terme queGirard définit comme le fait de vouloir ce que l'autre possède, et il en résulte le désir de lui nuire.

Enfin, nouspouvons évoquer un type de désir dont le but propre est de se faire souffrir soi-même.

Freud le nomme la pulsion demort ou Thanatos qui s'oppose à la pulsion de vie (Eros).

Il s'agit d'un désir refouléqui consiste en la reconstitutiond'un traumatisme.

C'est le cas, par exemple, chez les soldats qui revivent des scènes de guerre dans leurs rêves.Certes, la thèse de l'auteur est justifiée mais elle a ses limites.

Tout d'abord, l'auteur affirme qu'une vie dont l'uniquebut serait de ne pas souffrir et qui par conséquent ne serait consacréequ'à la satisfaction de ses désirs serait unéchec.

Or Callicles qui est celui qui tient ce discours original, nous apprend qu'en réalité, son bonheur est double : ilest, d'une part, dû aux multiples désirs qu'il satisfait indéfiniment (« tonneau des Danaïdes ») et que Schopenhauerqualifie lui de désirs déçus et d'autre part,dû à la sensation d'une vie remplie de désirs comblés.

Et que c'est cettesensation n'est aucunement liée à la souffrance et laisse même envisager le bonheur.De cette façon, Callicles nouspermet de mettre le doigt sur une autre limite du texte de Schopenhauer.

En effet, l'auteur affirme que lasatisfaction ou la sensation de joie ne sont que momentanées : « comme un rêve qui passe ».

Or si Callicles obtientde la satisfaction rien qu'en se rappelant de sa vie remplie, il semble donc possible d'obtenir de la joie en serappelant d'un désir comblé par le passé.

Certes, cette sensation ne serait pas aussi puissante que celle reçueinitialement mais elle pourra constituer une part de bonheur.

Et, cette part de bonheur est consultable parl'intermédiaire d'un désir anciennement satisfait et de la mémoire elle ne constitue donc pas de souffrance pourl'esprit.Enfin, Aristote nous dit : « L'homme recherche le souverain bien » c'est-à-dire qu'il recherche le bonheur,c'est la doctrine appelée eudémonisme.

Il ne recherche donc pas la souffrance.

L'homme,par nature, suit donc leprincipe de Fechner.

De plus, Spinoza affirme que le désir est humain, il est donc également dans la nature del'homme de rechercher à satisfaire ses désirs.

Il est donc impossible que le désir ne soit que souffrance étant donnéque l'homme fuit la douleur.

Cela vient donc contredire la définition de Schopenhauer du désir qui s'avère êtreerronée.En conclusion, même si le désir, dans la plupart des cas, est synonyme de souffrance pour l'homme, celle-ci n'estpas toujours systématique.

En effet, par le souvenir de situations de satisfaction, l'homme peut obtenir de la joiesans souffrir.

De plus, si l'homme continue à avoir des désirs c'est peut-être que les joies qui en résultent sont plusfortes que les souffrances rencontrées.

Et ainsi, on pourrait tendre vers une vie plus heureuse pleine de bonheur. Sujet désiré en échange :Une oeuvre d'art peut-elle nous instruire ?. »

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