Devoir de Philosophie

Sciences & Techniques: Une brève histoire de l'infiniment petit

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

histoire
Le gnomon de Thalès, la lunette de Galilée, le prisme de Newton, dans chaque récit de la fondation d'une science, la géométrie, la mécanique céleste ou l'optique, on trouve l'association d'un nom et d'un instrument. La biologie a la sienne : Leeuwenhoek et son microscope. Galilée, à travers sa lunette, a vu tourner les satellites de Jupiter, Newton, à travers son prisme, voit se décomposer la lumière... Sous son objectif, Leeuwenhoek, lui, contemple une goutte d'eau qui vient d'un étang. Elle grouille d'une féerie d'animaux minuscules, d' " animalcules ". Ce beau jour de 1674, la vie, pour nous, vient sans doute de changer d'échelle. Quant à la biologie, vue d'aujourd'hui, elle vient, peut-être, de naître. Peut-être, car cette découverte soudaine ne change pas véritablement les représentations de l'époque. Ecoutons Michel Morange, chercheur au laboratoire de génétique moléculaire de l'ENS et historien de la biologie : " Ces animalcules n'apportent pas de nouvelle clé pour comprendre ce qui distingue le vivant du non-vivant ".
histoire

« Retournons quelques décennies en arrière.

En 1892, un jeune phytopathologiste russe, D.

Ivanovski, met le premier en évidencel'originalité du germe responsable d'une maladie des plants de Tabac.

Elle est connue sous le nom de mosaïque du Tabac car lesfeuilles atteintes présentent des taches colorées, jaunes ou brunes.

En utilisant des filtres de porosités différentes, qui lui permettentd'évaluer la taille des corpuscules qui les traversent, Ivanovski s'aperçoit que le virus de la mosaïque du tabac (VMT) passe à traversles plus fins.

Pour cette raison, il parle de " virus filtrant " ou d'ultravirus.

De quoi peut-il s'agir ? Il n'y a, estime-t-il, que deuxpossibilités : soit une bactérie de taille particulièrement petite, soit une toxine. Un microbiologiste hollandais, M.

W.

Beijerinck, tranche apparemment la question en 1898 et 1899.

Reprenant les travaux d'Ivanovski,il démontre que c'est l'agent infectieux lui-même qui traverse le filtre, et non une toxine.

Il soutient aussi que cet agent est de natureparticulière.

Car s'il est vrai que, comme une bactérie, il se multiplie à l'intérieur des cellules de la plante malade, il est aussi solublecomme une molécule. Ce constat aurait pu être décisif.

Il ne le fut pas.

La plupart des microbiologistes de l'époque soutirent en effet la thèse d'Ivanovski,selon laquelle ce virus filtrant n'était rien d'autre qu'une bactérie, simplement d'une taille inférieure au pouvoir séparateur du microscopeoptique (0,1 m m).

A la même époque, de très nombreux ultravirus sont découverts comme agents pathogènes chez l'animal et l'Homme. Cette erreur de jugement peut se comprendre : on ne connaît alors les virus qu'en " négatif " ! Pour le biologiste de laboratoire, ils n'ontpour seule réalité que de traverser ses filtres.

Il ne peut les voir sous son microscope et encore moins les cultiver.

Du coup, le statutdes virus est encore plus obscur que celui des bactéries.

Sont-ils vivants ou non ? On pense qu'ils représentent la " dernière frontière", le niveau le plus élémentaire de la vie. Leur nature va se clarifier au cours de ce que le microbiologiste Claude Chastel, de la faculté de médecine de Brest, appelle la "révolution virologique ".

Entre 1935 et 1965, en effet, la définition " en négatif " des virus cède peu à peu la place à leur caractérisation" en positif ". La première étape de cette caractérisation est leur cristallisation.

C'est Stanley qui, en 1935, la réussit sur le VMT, après l'avoirpurifiée.

Et qui se trompe sur sa nature ! Il croit en effet avoir affaire à une molécule protéique, capable de se reproduire elle-mêmeaprès avoir infecté des cellules vivantes.

Dès l'année suivante, on réalise qu'en fait la " protéine " en question contient aussi de l'acideribonucléique (ARN).

La même année, Schlesinger montre que le bactériophage, un virus parasite des bactéries, contient, lui, del'ADN.

A partir de là, se constitue, en Californie, l' " école du bactériophage ", dirigée par Max Delbrück, qui érige ce tueur de bactériesen modèle.

Cette équipe élucide les mécanismes de réplication du bactériophage, en constatant la part qu'y prend l'ADN, elledémontre que les gènes en sont probablement formés.

Elle réalise ensuite toute une série de découvertes sur la structure du virus quiseront très utiles à l'école française de biologie moléculaire (les Monod, Jacob, Lwoff...) pour mettre en évidence les processus de régulation de l'expression des gènes.

Les virus, considérés comme des modèles réduits de cellules plus complexes, vont ainsi jouerun rôle important dans l'étude du fonctionnement des gènes chez les organismes supérieurs. Entre-temps, le microscope électronique, construit en 1932 par Ernst Ruska, permet enfin de voir les virus.

Les premièresphotographies sont publiées en 1939.

Elles montrent le VMT et le bactériophage.

Le premier apparaît sous la forme de bâtonnets de300 nm de long.

Le second révèle une forme de têtard avec une grosse tête ronde et une queue se fixant sur la paroi des bactéries. L'étude de l'ultrastructure des virus s'accélère dans les décennies suivantes.

En 1957, André Lwoff peutdonner la définition moderne du concept de virus : il s'agit d'un élément de matériel génétique incapable parlui-même d'exprimer cette information et de la reproduire et qui a, pour cela, besoin de cellules vivantes. Aujourd'hui, les virus ne sont plus considérés comme des êtres vivants.

On lesregarde comme des molécules d'information génétique pratiquement pure.

Et,jusque récemment, on pensait tenir avec eux les porteurs d'information les plussimples.

C'était sans compter avec une dimension encore inférieure : lesprions. La tremblante du mouton et de la chèvre est connue de longue date : depuis 1730.

La description des encéphalopathies transmissibles du chat et du vison, ainsi que la " maladie des vaches folles " qui frappeces ruminants en Angleterre est beaucoup plus récente.

Chez l'homme, on connaît depuis le début des années 1920 la maladie deCreutzfeld-Jakob ou le kuru, transmis par cannibalisme chez les Fore de Papouasie Nouvelle-Guinée.

Toutes ces affectionsprovoquent des dégénérescences du système nerveux central que les médecins classent dans la catégorie des " encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles " (ESST). Comment, dans le cas de ces ESST, en est-on venu à formuler l'hypothèse du prion , c'est-à-dire d'un agent pathogène uniquement constitué d'une protéine ? De la taille de petits virus (15 à 40 nm), les prionsrésistent à peu près à tout, et notamment, aux traitements qui détruisent les acides nucléiques.

Seulscertains produits altérant les protéines arrivent à limiter leur caractère infectieux.

Il était logique d'endéduire que cet agent infectieux ne contient ni ADN ni ARN, et qu'il est donc de nature protéique.

Laquestion de savoir où et comment les prions portent et transmettent l'information nécessaire à leurmultiplication restait cependant entière, jusqu'à ce qu'on découvre que la protéine du prion était en fait une protéine du cerveau de l'hôte !. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles