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Spinoza ou l'anti-Descartes

Publié le 27/10/2009

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spinoza

Qu'il y ait eu avant Spinoza des philosophes, et de très grands, qu'il y en ait après lui, non moins grands, cela est incontestable, mais qu'on ait pu, en parlant de lui et de son système, évoquer la figure du Philosophe tel qu'en lui-même enfin la Philosophie s'incarnerait, donne la mesure et de la visibilité hymalayenne de son discours géométrique et de l'interminable révolution qu'il produit.  Baruch Spinoza naquit à Amsterdam — ville aussi florissante par son commerce que tolérante aux sectes et aux hétérodoxes, malgré ses propres querelles religieuses et politiques — dans une famille juive appartenant à la communauté «portugaise«, composée de ceux dont les ancêtres avaient fui l'Espagne ou le Portugal au moment de l'édit d'expulsion de 1492.

spinoza

« consiste d'ailleurs pas dans cette seule imagination, mais dans le fait que, en imaginant ainsi le soleil, nous ignoronssa vraie distance et la cause de cette imagination.

Car, plus tard, encore que nous sachions que le soleil est éloignéde nous de plus de six cents fois le diamètre de la terre, nous n'imaginerons pas moins qu'il est près de nous. C'est d'ailleurs grâce à «la mathématique qui s'occupe non des fins mais des essences et des propriétés des figures»que l'homme dispose d'une «règle de vérité» qui lui permet d'abandonner préjugés et illusions. L'homme-désir Prendre la mesure de Dieu, c'est prendre la mesure de la Nature comme substance infinie, nécessaire et suffisante.Cela étant, tout est en quelque sorte comme un rapport de forces, comme s'il y avait plus de force, de puissancedans une idée adéquate que dans une image ou une illusion, plus de force dans la raison que dans la passion, et commenous le verrons plus loin, plus de force dans un Etat démocratique que dans la tyrannie ou l'anarchie. En effet, tout être, toute chose «veut» — non par vouloir propre, par libre arbitre, mais par nécessité, du fait mêmede ses propriétés — persévérer dans son être essentiel, dans sa force, dans sa puissance.

Si bien que l'homme estessentiellement désir, non un ensemble de facultés ou de capacités. Chaque chose, selon sa puissance d'être, s'efforce de persévérer dans son être. J'entends ...

sous le nom de Désir tous les efforts, impulsions, appétits et volitions de l'homme...

Le désir estl'essence même de l'homme, c'est-à-dire l'effort par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans son être. A telle enseigne que c'est le désir qui est au fondement de nos actes et non l'illusoire jugement moral (bien/mal) etle libre arbitre.

Il y a là, chez Spinoza, un étonnant renversement de nos raisonnements habituels.

Tout se passecomme si — ce qui est d'ailleurs vrai — j'«aime» la vie parce que je vis, et non l'inverse : je vis parce que j'aime lavie.

De même — ce qui est tout aussi vrai mais moins reconnu — j'aime cette femme parce que je vis avec elle, etnon : je vis avec cette femme parce que je l'aime.

Car, c'est la passion et non la raison qui nous donne l'illusion dechoisir. Nous ne faisons effort vers aucune chose ...

parce que nous jugeons qu'elle est bonne; c'est l'inverse : nousjugeons qu'une chose est bonne parce que nous faisons effort vers elle, que nous la voulons et tendons vers ellepar appétit ou désir.

Ce désir, inscrit en moi comme essence nécessaire, déborde non seulement ma penséeconsciente (de mon désir, mais ignorante de ses causes — et c'est déjà en quelque sorte toute la psychanalyse!),mais encore les passions qui en manifestent la force : force croissante de la joie, force décroissante de la tristesse;l'une, la joie, culminant dans l'homme raisonnable vainqueur des contraintes extérieures dont il accepte la nécessitéau même titre que sa nature propre, l'autre, la tristesse, culminant dans «l'homme entièrement vaincu par descauses extérieures qui sont contraires à sa nature propre» et qui, partant, se suicide. Donc la raison «corrige» la passion, comme le concept corrige l'image, et au lieu de pâtir sous la contrainteextérieure, nous agissons avec plus de force, d'effet, de productivité en assumant notre essence nécessaire.

Si bienqu'être de désir d'être «un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort ; et sa sagesse est uneméditation non de la mort, mais de la vie», même si «la force, en vertu de laquelle l'homme persévère dansl'existence, est limitée, et est infiniment surpassée par la puissance des causes extérieures». La fin de l'Etat est la liberté Pour que chacun et tous puissent persévérer dans l'être et produire tous les effets nécessaires d'une puissancemultipliée, «à l'homme rien de plus utile que l'homme».

Mais pour que cela soit autre chose qu'une vue de l'esprit,encore faut-il que la loi décide du juste et de l'injuste. Il n'y a rien dans la nature que l'on puisse dire appartenir de droit à l'un et non à l'autre, mais tout est à tous, c'est-à-dire que chacun a droit dans la mesure où il a pouvoir.

Dans un Etat au contraire, où la loi commune décide ce quiest à l'un et ce qui est à l'autre, celui-là est appelé juste, qui a une volonté constante d'attribuer à chacun le sien,injuste au contraire celui qui s'efforce de faire sien ce qui est à un autre. Instituant cette justice, c'est-à-dire au fond une règle ordonnant la puissance de chacun, l'Etat donne àl'enchevêtrement des désirs la liberté de se produire pour le bien de chacun et de tous.

Il ne moralise pas, maisexerce sa puissance, sa fonction : assurer l'ordre raisonnable qui est liberté bien comprise. Non, je le répète, la fin de l'Etat n'est pas de faire passer les hommes de la condition d'êtres raisonnables à celle debêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûretéde toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une Raison libre, pour qu'ils ne luttent point de haine, decolère ou de ruse, pour qu'ils se supportent sans malveillance les uns les autres.

La fin de l'Etat est donc en réalitéla liberté.. »

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