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Suis-je victime ou coupable de mes fautes ?

Publié le 27/02/2005

Extrait du document

Il est donc impossible d'être victime de ses fautes. La mauvaise conscience me pose à la fois en juge et partie ; et en ce cas, je subis une peine mais que je ne nie pas avoir mérité - autrement je suis de mauvaise foi (dans ce cas, le dédoublement de la conscience ne consiste pas à se condamner, à agir et pâtir au sein d'une accusation, mais à se cacher ce que l'on sait être une faute). Au contraire, d'un tribunal concret où je peux très bien être accusé d'un crime que je n'ai pas commis, la mauvaise conscience ne se trompe pas : lors d'un procès, je suis coupable désigné, et je peux ainsi, du fait de cette extériorité de l'attribution, être victime si celle-ci est infondée ; alors que dans mon « for intérieur » nul dissimulation n'est possible (sauf, une nouvelle fois, à vouloir être de mauvaise foi) .   Transition : ·         Etre coupable signifie être fautif, et réciproquement, la faute fonde la culpabilité. Je suis donc bien coupable et non victime de mes fautes, sauf si je suis accusé d'une faute que je n'ai pas commise. ·         Mais justement, cette structure d'attribution propre aux erreurs judiciaires, aux jugements moraux infondés, ne pourrait-elle pas être valable dans le cas de la mauvaise conscience voire même dans le cas de tout verdict en général ? Cette hypothèse pour deux raisons : Ø  Lorsque je me donne tort à moi-même, il se pourrait que ce juge ne soit rien d'autres que la version intériorisée de normes qui me sont extérieures [Freud définit d'ailleurs le surmoi, instance de la censure et générateur de la mauvaise conscience par l'intériorisation des interdits sociaux et parentaux depuis la petite enfance]. Ø  Les déterminations, que Kant exclut pour fonder la morale et la possibilité de la justice via l'attribution des actes à un acteur unique (ma spontanéité), n'ont-elles aucun poids ? De quel droit rejeter ainsi l'inscription dans l'ordre phénoménal de mes actions ? ·         En somme, la faute dont je suis déclaré coupable (que ce soit par des lois ou par moi-même) pourrait très bien être la mienne seulement au sens où je l'aurai accompli mais non au sens où je l'aurais pleinement voulu, planifié.

La culpabilité et la faute ne font qu’un : je commet une faute, je suis coupable et je suis coupable parce que j’ai commis une faute. Pourtant, peut-on réellement vouloir mal agir, commettre sciemment des fautes ? auquel, cas, comment être tenu pour coupable de ce que l’on a pas voulu ? Ne serais-je pas plutôt victime de mes fautes au sens où je serais dans l’erreur et non auteur d’un mal volontaire ?

« Pour Platon, il n'y a pas de mauvaise volonté : je ne peux vouloir ce que je sais être mal.

Comment se fait-il alors que nous ne sommes pas tous et toujours bons ? Parce que, selon Platon, nous ne voulons pas le mal ou même le faux,mais nous voulons mal ou voulons « de travers ».

En fait, la volonté s'égare au sens où elle prend pour objet un bien apparent .

En effet, quand nous nous égarons dans l'espace, nous perdons notre chemin parce que nous avons, à un moment, cru de bonne foi être dans la bonne direction.

En ce sens, nous n'avons pas voulu nous perdre.

L'erreur me portant à fauter n'est donc pas au sens strict volontaire et du coup, comment pourrais-je en être coupable ? De plus, Platon, en explicitant les causes de l'erreur semble même concéder que l'on puisse être victime de ses erreurs.

En effet, l'âme humaine est par essence exposée à des interférences : nous sommes inévitablement liés ànotre corps.

Or celui-ci est composé de passions et d'appétits qui peuvent venir déranger le travail rationnel.

Ainsi, les déterminations pathologiques dont parle Kant ne peuvent pas être totalement ni éludées ni contournées : « aussi longtemps que nous aurons notre âme pétrit avec cette chose mauvaise [le corps, siège des passions et despenchants sensibles], jamais nous ne possèderons comme il faut l'objet que nous désirons » (=le bien dont la natureest purement intellectuelle).

b) Le concept de faute s'enracine dans le plaisir de faire souffrir § qu'est-ce qu'être victime ? Etre victime désigne d'abord le fait de subir un mal, la condition de celui pâtit.

Mais surtout, la victime subit un châtiment injuste.

En effet, la souffrance est ici gratuite, être victime c'est souffrir sans raison .

Celui qui subit un juste châtiment ne sera pas appelée victime : sa douleur ne nous scandalise pas.

Il y a donc, dans le fait d'être victime, une part d' arbitraire propre à la provenance du mal subi. Telle est ce que Nietzsche met en évidence en analysant l'origine du concept de faute. § La faute n'est qu'un terme pour désigner ma dette Pour Nietzsche, établir la « généalogie de la morale » consiste à déterminer quel type d'instinct est à l'origine de la construction de tel concept moral.

Ainsi, le concept de faute « tire son origine de l'idée toute matérielle de dette » . La liberté, l'imputabilité d'une action, le « gré » … sont des concepts postérieurs , sont issus d'un raffinement de ce rapport contractuel primitif entre un créancier et un débiteur : « on n'admettait pas que seul le coupable devait êtrepuni » ; la culpabilité est « en réalité une forme très tardive ». En effet, l'obligation n'est pas du tout un postulat de la raison pure pratique mais elle est une notion économique : l'obligation n'est rien d'autres qu'un rapport de contrat entre individus. Or Nietzsche fait remarquer qu'en guise de remboursement, « il est accordé au créancier la satisfaction d'exercer en toute sécurité sa puissance sur un être réduità l'impuissance, la volupté de faire le mal … » ; on donne au créancier un droit à la cruauté.

Dès lors, être fautif = être redevable = être victime car il y a dans cette équation une aberration, une forme totale d'arbitraire : « comment la souffrance [tant physique que morale] peut-elle être la compensation de la « dette » ? , pourquoi le « mal » que je commets n'est-il pas le même que celui que je subis.

Transition :· Je suis victime de mes fautes parce que 1- elles ne sont pas miennes (j'ai fauté sans le vouloir) et 2- elles résultent d'un contrat frauduleux (la souffrance en guise de compensation est un échange non rationnel puisque baséesur le seul plaisir de faire souffir).· Cependant, si je suis victime, c'est que d'autre que moi sont coupables du mal que je subis.

Or on vient de poser que la faute posait toujours en victime celui qui la commet.

D'où une sorte de cercle vicieux : je souffre donc je peux faire souffrir, mais ce faisant, je deviens coupable et dois donc de nouveau souffrir pour ensuite réclamerréparation, et redevenir alors coupable puis victime etc.

etc.· Pour sortir de cette impasse, il convient de réexaminer les présupposés .

Ceux-ci sont 1- l'erreur n'est jamais consentie, n'engage pas ma volonté 2- être victime = ne pas mériter son châtiment (celui-ci est arbitraire)· Conséquence : je pourrais être fautif si 1- l'erreur me portant à la faute est coupable et non involontaire 2- cette culpabilité fait de moi une victime consentante : je ne peux nier le bien-fondé du châtiment du seul fait que je l'aien quelque sorte voulu en fautant.

3- JE SUIS COUPABLE DES FAUTES DONT JE SUIS LA VICTIME CONSENTANTE Pour Aristote, il y a faute lorsque j'ai mal agis volontairement.

Or, contrairement à ce que pose Platon, l'erreur n'est pas ce qui explique la faute mais est elle même une faute : je suis responsable de mes erreurs lorsque les circonstancessont telles qu'il m'appartenait de ne pas me tromper.

Aussi, l'ignorance, loin d'être imputable au corps, nous revient :lorsque je me trompe, je suis d'abord coupable de négligence dans la mesure où, selon Aristote, nul ne peut ignorertoutes les circonstances à la fois.

Je ne suis donc coupable que des fautes dont je suis la victime consentante ; je consens au sens où 1- j'aichoisis de me tromper en ne m'informant pas et 2- ai donc de ce fait, accepté d'avance le châtiment qui m'attend.Certes, je deviens victime mais , dans la mesure où je suis coupable, je ne le suis pas arbitrairement .

Le contrat qui me lie à mon débiteur n'est pas réversible, est à sens unique : je ne peux rien exiger de lui pour autant que lui ne fait queson devoir.

On pourrait même dire que si je ne suis pas corrigé pour mes fautes, quelqu'un ne fait pas son devoir etdevient fautif ; d'où l'idée de la mauvaise conscience comme ce qui évite d'être doublement fau tif en raison de cette dette impayée.. »

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