Suis-je victime ou coupable de mes fautes ?
Publié le 27/02/2005
Extrait du document
«
Pour Platon, il n'y a pas de mauvaise volonté : je ne peux vouloir ce que je sais être mal.
Comment se fait-il alors que nous ne sommes pas tous et toujours bons ? Parce que, selon Platon, nous ne voulons pas le mal ou même le faux,mais nous voulons mal ou voulons « de travers ».
En fait, la volonté s'égare au sens où elle prend pour objet un bien apparent .
En effet, quand nous nous égarons dans l'espace, nous perdons notre chemin parce que nous avons, à un moment, cru de bonne foi être dans la bonne direction.
En ce sens, nous n'avons pas voulu nous perdre.
L'erreur me portant à fauter n'est donc pas au sens strict volontaire et du coup, comment pourrais-je en être coupable ? De plus, Platon, en explicitant les causes de l'erreur semble même concéder que l'on puisse être victime de ses erreurs.
En effet, l'âme humaine est par essence exposée à des interférences : nous sommes inévitablement liés ànotre corps.
Or celui-ci est composé de passions et d'appétits qui peuvent venir déranger le travail rationnel.
Ainsi, les déterminations pathologiques dont parle Kant ne peuvent pas être totalement ni éludées ni contournées : « aussi longtemps que nous aurons notre âme pétrit avec cette chose mauvaise [le corps, siège des passions et despenchants sensibles], jamais nous ne possèderons comme il faut l'objet que nous désirons » (=le bien dont la natureest purement intellectuelle).
b) Le concept de faute s'enracine dans le plaisir de faire souffrir § qu'est-ce qu'être victime ? Etre victime désigne d'abord le fait de subir un mal, la condition de celui pâtit.
Mais surtout, la victime subit un châtiment injuste.
En effet, la souffrance est ici gratuite, être victime c'est souffrir sans raison .
Celui qui subit un juste châtiment ne sera pas appelée victime : sa douleur ne nous scandalise pas.
Il y a donc, dans le fait d'être victime, une part d' arbitraire propre à la provenance du mal subi. Telle est ce que Nietzsche met en évidence en analysant l'origine du concept de faute. § La faute n'est qu'un terme pour désigner ma dette Pour Nietzsche, établir la « généalogie de la morale » consiste à déterminer quel type d'instinct est à l'origine de la construction de tel concept moral.
Ainsi, le concept de faute « tire son origine de l'idée toute matérielle de dette » . La liberté, l'imputabilité d'une action, le « gré » … sont des concepts postérieurs , sont issus d'un raffinement de ce rapport contractuel primitif entre un créancier et un débiteur : « on n'admettait pas que seul le coupable devait êtrepuni » ; la culpabilité est « en réalité une forme très tardive ». En effet, l'obligation n'est pas du tout un postulat de la raison pure pratique mais elle est une notion économique : l'obligation n'est rien d'autres qu'un rapport de contrat entre individus. Or Nietzsche fait remarquer qu'en guise de remboursement, « il est accordé au créancier la satisfaction d'exercer en toute sécurité sa puissance sur un être réduità l'impuissance, la volupté de faire le mal … » ; on donne au créancier un droit à la cruauté.
Dès lors, être fautif = être redevable = être victime car il y a dans cette équation une aberration, une forme totale d'arbitraire : « comment la souffrance [tant physique que morale] peut-elle être la compensation de la « dette » ? , pourquoi le « mal » que je commets n'est-il pas le même que celui que je subis.
Transition :· Je suis victime de mes fautes parce que 1- elles ne sont pas miennes (j'ai fauté sans le vouloir) et 2- elles résultent d'un contrat frauduleux (la souffrance en guise de compensation est un échange non rationnel puisque baséesur le seul plaisir de faire souffir).· Cependant, si je suis victime, c'est que d'autre que moi sont coupables du mal que je subis.
Or on vient de poser que la faute posait toujours en victime celui qui la commet.
D'où une sorte de cercle vicieux : je souffre donc je peux faire souffrir, mais ce faisant, je deviens coupable et dois donc de nouveau souffrir pour ensuite réclamerréparation, et redevenir alors coupable puis victime etc.
etc.· Pour sortir de cette impasse, il convient de réexaminer les présupposés .
Ceux-ci sont 1- l'erreur n'est jamais consentie, n'engage pas ma volonté 2- être victime = ne pas mériter son châtiment (celui-ci est arbitraire)· Conséquence : je pourrais être fautif si 1- l'erreur me portant à la faute est coupable et non involontaire 2- cette culpabilité fait de moi une victime consentante : je ne peux nier le bien-fondé du châtiment du seul fait que je l'aien quelque sorte voulu en fautant.
3- JE SUIS COUPABLE DES FAUTES DONT JE SUIS LA VICTIME CONSENTANTE Pour Aristote, il y a faute lorsque j'ai mal agis volontairement.
Or, contrairement à ce que pose Platon, l'erreur n'est pas ce qui explique la faute mais est elle même une faute : je suis responsable de mes erreurs lorsque les circonstancessont telles qu'il m'appartenait de ne pas me tromper.
Aussi, l'ignorance, loin d'être imputable au corps, nous revient :lorsque je me trompe, je suis d'abord coupable de négligence dans la mesure où, selon Aristote, nul ne peut ignorertoutes les circonstances à la fois.
Je ne suis donc coupable que des fautes dont je suis la victime consentante ; je consens au sens où 1- j'aichoisis de me tromper en ne m'informant pas et 2- ai donc de ce fait, accepté d'avance le châtiment qui m'attend.Certes, je deviens victime mais , dans la mesure où je suis coupable, je ne le suis pas arbitrairement .
Le contrat qui me lie à mon débiteur n'est pas réversible, est à sens unique : je ne peux rien exiger de lui pour autant que lui ne fait queson devoir.
On pourrait même dire que si je ne suis pas corrigé pour mes fautes, quelqu'un ne fait pas son devoir etdevient fautif ; d'où l'idée de la mauvaise conscience comme ce qui évite d'être doublement fau tif en raison de cette dette impayée..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Valmont : coupable ou victime ? Il faut utiliser autant le roman que l'adaptation de Frears. Il convient d'interroger les limites du personnage ainsi que de mettre en relation le vicomte de Valmont avec des aspects (sentiments, caractère) développés par des philosophes (Sade pour la perversité) ?
- Faut-il punir le coupable ou venger la victime ?
- - LA PRINCESSE DE CLÈVES EST-ELLE, SELON VOUS, UNE HÉROÏNE LIBRE DE SES CHOIX OU VICTIME DE LA SOCIÉTÉ DE SON TEMPS ?
- L'ombre de l'inceste plane sur l'intrigue. Selon vous, Phèdre est-elle coupable ?
- On commet des fautes dans et hors des murs d’Ilion