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Texte d'Epicure sur le plaisir et la vertu (Lettre à Ménécée)

Publié le 30/10/2009

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Texte d'Epicure sur le plaisir et la vertu (Lettre à Ménécée)
Nous disons que le plaisir est la fin de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs des hommes débauchés ni de ceux qui consistent dans la jouissance, comme l'imaginent certaines gens, mais nous entendons le plaisir comme l'absence de douleur pour le corps, l'absence de trouble pour l'âme. Car ce ne sont ni des beuveries et des festins à n'en plus finir, ni la jouissance de jeunes garçons ou de femmes, ni la dégustation de poissons et de bonne chère que comporte une table somptueuse, qui engendrent la vie heureuse, mais c'est un entendement sobre et sage, qui sache rechercher les causes de tout choix et de toute aversion et chasser les opinions fausses, d'où provient pour la plus grande part le trouble qui saisit les âmes. Or le principe de tout cela, et par conséquent le plus grand bien, c'est la prudence. Et voilà pourquoi la prudence est une chose plus précieuse que la philosophie elle-même ; car c'est elle qui donne naissance à toutes les autres vertus, en nous enseignant qu'il est impossible de vivre heureusement sans vivre avec prudence, honnêteté et justice, comme il est impossible de vivre avec prudence, honnêteté et justice sans vivre par là même heureusement. Epicure
Quelle est l'idée générale du texte? Épicure nous dessine le noyau d'une sagesse pratique fondée sur le plaisir, fin de l'action et de la vie. Mais non point de n'importe quel plaisir. Celui que conçoit Épicure est stable, envisagé comme un repos, lié à une prudence et à un calcul rationnel. Dans la mesure où Epicure nous assure dans ce texte que la sagesse pratique est plus précieuse que la philosophie, on peut dire que le problème posé (ou un des problèmes posés) par ces lignes est celui de savoir s'il y a primauté de la réflexion spéculative ou de la sagesse pratique. Ce texte se divise en trois parties : 1. Nous disons... trouble pour l'âme; 2. Car ce ne sont... qui saisit les âmes; 3. Or le principe... heureusement.


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« donne naissance au bonheur, mais manifestement autre chose, qui est de l'ordre de la limite et de la mesure l.En fait, le deuxième paragraphe opère une opposition et un balancement entre, d'une part, l'illimitation sensible, quine peut créer l'état heureux et, d'autre part, l'action de l'entendement, principe de détermination ultime, cause dubonheur et de la vie sage.

C'est l'entendement, la faculté de comprendre, le principe intellectuel, qui donnentnaissance au bonheur.

Tout se passe donc comme si l'entendement était puissance limitante et mesurante, paropposition aux plaisirs sensibles illimités.

L'entendement ou le calcul rationnel opèrent en examinant minutieusementles motifs de ce qu'il faut choisir et en répudiant tout jugement faux.

Ainsi c'est un bon discernement intellectuel quidoit être mis en place, au-delà du flux sensible variable.

L'intensité des jouissances doit être dominée par le calculintellectuel qui devient norme.

Le bon jugement et la raison vigilante répudient les assertions incertaines,introduisent la stabilité dans notre vie psychique et, du même coup, peuvent créer l'état heureux qui, précisément,est stabilité.

Ainsi, à un flux inconsistant, se substitue l'immobilité de la droite raison.

Dans ce second paragraphe,nous voyons donc Épicure, de manière très classique et très conforme à la pensée grecque, privilégier la fermeté etla stabilité de la raison, par opposition au devenir sensible.

Nous noterons également que ce qui compte est toujoursle calcul rationnel, le bon jugement : il faut d'abord bien juger, chasser les opinions fausses et incertaines.

Le bonjugement a pour effet de répudier l'agitation (le trouble), donc d'introduire la vie heureuse.Ainsi, dans ce deuxième paragraphe, Épicure remonte jusqu'au principe de détermination non sensible (le calculraisonné, le produit de l'entendement) qui fonde la morale et lui confère une stabilité. C) Troisième partie : Or le principe...

par là même heureusement. Nous savons que le vrai plaisir, but de la vie morale, est soumis à l'action de l'entendement et de la raison.

Il fautbien juger.

Dans ce troisième paragraphe, Épicure pousse jusqu'au bout son analyse et s'attache à la « prudence ».La méthode qui permet d'atteindre le vrai plaisir est tout entière l'œuvre de la prudence (phronésis, sagessepratique, discernement réfléchi).

Le principe, c'est-à-dire l'élément premier, fondamental, de base, de la morale,c'est la prudence, sorte de sagesse pratique qui me permet de bien juger.

La sagesse pratique me met en mesure dediscerner et d'atteindre le plaisir stable, résultant de l'élimination des troubles, plaisir parfait en lui-même.

Épicureoppose à cette sagesse pratique la sagesse plus théorique qu'est la philosophie.

La sagesse pratique a une réalitésupérieure à celle de la réflexion purement spéculative.

Notons qu'Épicure, en ces lignes, établit une hiérarchie entrela morale, la réflexion pratique, d'une part et, d'autre part, la spéculation pure.

La seconde semble très inférieure àce qui est du domaine de l'action.

Prudence est supérieure à sophia, sagesse spéculative.En effet, la sagesse pratique possède un privilège fondamental : elle réunifie le bonheur (être heureux) et les vertusdiverses, c'est-à-dire les conduites véritablement morales (« prudence », « honnêteté » et «justice »).

Celui qui estdroit ou juste, qui se conforme à une certaine idée d'égalité, est heureux et réciproquement.

Donc il y a unité de lavertu, de la manifestation et de la pratique morales d'une part et, d'autre part, du bonheur.

Par conséquent, nousavons dégagé le noyau de la méthode morale.

Elle est jugement, phronésis, sagesse pratique, discernement réfléchiet unifie tout l'homme, le faisant échapper à l'écoulement purement sensible.

Le vrai principe de détermination de lamorale ne se trouve pas dans la chair elle-même, mais dans le calcul rationnel.Dans tout ce dernier paragraphe, non seulement Epicure nous montre ce qui est le principe ultime du plaisir, mais ilélargit sa doctrine en une vision eudémoniste au vrai sens du terme, soulignant ce qu'est l'union de la vertu et dubonheur, l'unité de l'homme réconcilié avec lui-même, juste, moral et heureux.Ce qui pose problème est l'idée de la supériorité de la sagesse pratique par rapport à la philosophie, mais il ne fautpas oublier qu'Épicure vivait en un temps troublé (la période hellénistique) et que le problème était alors desauvegarder la liberté intérieure du sage en un temps de souffrance.

On ne peut donc lui reprocher d'établir lasupériorité de la morale et de la sagesse pratique. 3° Intérêt philosophique du texte Ce texte est remarquable à tous égards.

Il rattache la sphère de la vie morale aux besoins les plus immédiats del'homme (A).

Il soumet cette immédiateté sensible à un principe rationnel (B).

Enfin, il unifie totalement l'existencehumaine, en synthétisant vertus et bonheur (C). A) Partir des besoins. Tout d'abord, Épicure a l'immense mérite de rattacher la morale aux exigences les plus concrètes et les plusimmédiates de l'homme.

Au lieu de partir de quelque donnée « spirituelle » vague, il prend comme point de départ lavie organique de l'homme, son existence biologique.

Comme l'a très bien dit Paul Nizan, il tente d'élaborer unesagesse partant des conditions matérielles de la conscience.

Ce qu'il y a de fort dans cette sagesse, c'est qu'elles'enracine dans le plaisir, dans la vérité du corps et même, comme l'a dit Epicure, dans le plaisir « du ventre ».

Lachair crie pour être sauvée de la faim, de la soif et du froid, montre Épicure.

Là est la vérité matérielle fondamentalede l'homme.

Il ne faut pas mépriser l'appel de la nature et de la vie.

A cet égard, ces lignes d'Épicure sont tout àfait intéressantes et justes. B) Soumettre la vie organique à un calcul. Mais l'intérêt du texte d'Épicure peut être souligné aussi à un second niveau.

Épicure a parfaitement compris que lesexigences de la vie organique requéraient elles-mêmes un principe de détermination supérieur à elles.

C'est ce quiressort de ces lignes.

Le plaisir en lui-même est un flux inconsistant.

Pour lui conférer ordre, harmonie et stabilité, ilfaut qu'intervienne un calcul raisonné.

Or Épicure a également raison de ce point de vue.

Toute morale, mêmeempirique, doit se référer à une unité de mesure rationnelle.

Ainsi, la vraie mesure, c'est le bon jugement, la. »

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