Devoir de Philosophie

Un artiste doit-il etre original ?

Publié le 01/01/2006

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Piqué au vif, il répliqua: - Je suis, j'ai été et je serai toujours un artiste! Être artiste c'est une attitude, une façon de voir la vie! Il y a des cultivateurs qui sont, à leur manière, des artistes, des pêcheurs...« Richard Sainte-Marie, Qu'est ce qu'un artiste.  

·         Ici, l'auteur exprime une sensation : l'artiste pourrait continuer à vivre en étant artiste, sans pour autant continuer à créer.

·         Si le génie dont parlait Kant n'est plus utilisé ici, l'artiste se comprend toujours selon son action.

·         C'est alors culturellement qu'il appartient à la définition de l'artiste. ·         Capable d'originalité, l'artiste l'est, sans doutes. Cependant, il est souvent dans un mouvement, une culture (impressionnisme, pop' art, etc.) qui n'a d'original que sa différence avec les autres cultures. Mais les artistes qui s'y rattachent ont en commun une culture.

·         Leur originalité est alors restreinte à des groupes humains, et non aux homes eux-mêmes.

Une définition du devoir peut nous aider à approcher le sujet : celle de Kant. Celui-ci distingue en effet deux types de devoirs : l’impératif hypothétique et l’impératif catégorique. Le premier est un commandement qui obéit à une finalité : il prescrit un comportement parce qu’il est conforme à une fin recherchée (il prend la forme « si tu veux X, alors tu dois Y «). Le second, lui, n’obéit à aucune condition : il est une pure obligation, un « tu dois « impératif qui ne souffre aucune prise en compte des circonstances et qui s’applique automatiquement. Un artiste est un individu qui pratique cette activité singulière qu’est l’art. Jusqu’au dix-huitième siècle, le terme « art « désignait l’ensemble des techniques de production d’artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau. Aujourd’hui, par art nous entendons plutôt une activité créatrice gratuite, mais sérieuse, qui représente dans des œuvres un état de la sensibilité et de la pensée d’une époque, en s’opposant à la fois à la disgrâce qui frappe les activités techniques utilitaires, jugées serviles, et à la futilité des activités ludiques vouées au divertissement. Ni labeur, ni distraction, l’œuvre d’art incarne et suggère un sentiment de la vie. On dit d’un être ou d’une chose qu’ils sont originaux lorsqu’ils ne ressemblent à aucuns autres et sont entièrement excentriques, inédits. L’originalité est un concept qui se confond dans une large mesure avec celui d’altérité : on est jamais original sans considération des autres, mais précisément parce que l’on est différent par rapport à ces derniers. Si nous disons qu’un artiste doit être original, cela signifie qu’il existe véritablement un devoir d’originalité pour lui, et que sans originalité, il cesse d’être artiste. Néanmoins, l’originalité que nous avons naturellement tendance à considérer indispensable pour un artiste n’est elle pas un devoir historiquement daté ? Et ne cache-t-elle pas le véritable devoir de l’artiste, qui est peut-être moins d’être autre que les autres que d’être lui-même ? La question au centre de ce travail sera donc de déterminer si le devoir de l’artiste consiste dans la conquête d’une altérité ou de sa propre identité.

« « Les beaux-arts sont les arts du génie...

» KANT. Le terme « art » a pendant toute l'Antiquité et le Moyen Age, simplementdésigné la forme de la production artisanale.Ainsi, Platon oppose la « theôria », connaissance purement contemplative, ausavoir-faire lié à la production matérielle (« technè »).

Cette dernièreconcerne la production et se définit comme création:« Ce qui, pour quoi que ce soit, est cause de son passage de la non-existence à l'existence, est, dans tous les cas, une création; en sorte quetoutes les opérations qui sont du domaine des arts sont des créations, et quesont créateurs tous les ouvriers de ces opérations.» (« LE Banquet »).C'est pourquoi, pour Platon, les artisans sont tous poètes.

En effet, «poésie»signifie étymologiquement «faire», ce qui consiste essentiellement à faire êtrece qui n'était pas, c'est-à-dire à créer.Si la technique (ou l'art) est création, elle porte sur le contingent, c'est-à-dire sur ce qui peut aussi bien être que n'être pas.

C'est en cela que latechnique (ou l'art) s'oppose à la science.

Cette dernière porte, en effet, surdes essences idéales, c'est-à-dire éternelles et immuables.

On comprend, dèslors, que Platon, reconnaissant la fonction sociale de la technique, ne luiaccorde aucune valeur humaine.

Insensible à la beauté de l'Acropole, il nesemble voir de la beauté que dans la nature (les beaux corps des jeunesgarçons), dans la morale (les belles actions), dans les sciences (mathématiques et philosophie).C'est à partir du XVIIIE siècle que l'art se distingue aussi bien de l'artisanat que de la technique et acquiert ainsi unstatut spécifique.

D'où l'apparition de l'esthétique comme théorie des beaux-arts.

Et, dans la Critique de la facultéde juger (1791), Kant, même s'il ne prétend pas faire une théorie des objets beaux (car, selon lui, le beau n'est pasune qualité des objets : il n'y a pas de règle du beau ni donc de science du beau), affirme qu'il n'existe pas de bellessciences, mais seulement des beaux-arts.

Il accorde même, d'une ..

certaine manière, une supériorité à l'art sur lessciences et la technique, puisqu'il considère qu'il n'y a de génie que dans les Beaux-Arts : «Les Beaux-Arts sont lesarts du génie.

»Dans la civilisation artisanale, l'artiste, qu'il bâtisse et orne les lieux du culte ou qu'il décore les palais, était auservice de la religion ou des princes.

Le développement de l'industrie permet à l'art de s'émanciper.

Désormaisindépendant, l'artiste découvre qu'il ne tient pas son pouvoir de créer de Dieu, mais que celui-ci lui appartient enpropre.

C'est ce pouvoir de créer qui, d'une certaine manière, rend l'artiste égal à Dieu, qu'on appelle le génie.Application de la science, la technique repose sur une méthode scientifique précise dont toutes les démarches sonttransmissibles, renouvelables.

Même les techniques les plus complexes peuvent être décomposées, analysées dansleurs moindres détails, et réduites à des gestes simples.

Il suffit généralement de savoir ce qu'il faut faire pourréussir.

Quant à l'artisanat, il ne requiert aucune faculté d'invention ou génie particulier.

Seul l'art, qui repose sur lafantaisie créatrice de l'artiste, demande autre chose que « l'aptitude à savoir faire ce qui peut être appris d'aprèsune règle quelconque ».

Les Beaux-Arts doivent donc nécessairement « être considérés comme des arts du génie ».Que faut-il entendre par génie sinon « un talent qui consiste à produire ce dont on ne saurait donner aucune règledéterminée » ? Certes, l'art, comme toute production, exige des règles, mais celles-ci ne préexistent pas à l'œuvre.Aussi le génie peut-il être défini plus précisément comme le talent naturel de « donner des règles à l'art ».

Il n'obéitdonc qu'aux règles qu'il se donne à lui-même.

Et puisque « le talent comme faculté productrice innée de l'artiste,appartient lui-même à la nature, on pourrait également s'exprimer ainsi: le génie est la disposition innée de l'esprit(ingenium) grâce à laquelle la nature donne des règles à l'art ».Sans doute doit-on trouver dans les produits de l'art « toute la ponctualité voulue dans l'accord avec les règles,d'après lesquelles seul le produit peut être ce qu'il doit être »; mais cela ne doit cependant pas être pénible« Il ne faut pas que le produit laisse transparaître la forme de l'école, c'est-à-dire qu'il porte trace apparente quel'artiste a eu la règle sous les yeux et que celle-ci a imposé des chaînes aux facultés de son esprit.

» Le génie doit donner l'impression de produire avec la même facilité et spontanéité que la nature.

Cependant l'art,contrairement à la nature, a toujours « l'intention de produire quelque chose ».

Mais si la finalité est intentionnelledans les produits des Beaux-Arts, elle ne doit pas le paraître, c'est-à-dire que « l'art doit avoir l'apparence dé lanature, bien que l'on ait conscience qu'il s'agit d'art ».Le naturel dans l'art est donc le génie produisant comme la nature, sans règle préétablie.

Il s'ensuit que la premièrequalité du génie doit être l'originalité.

Comme l'absurde ou l'insensé peut aussi passer pour de l'originalité, il faut queles produits du génie « soient en même temps des modèles, c'est-à-dire qu'ils soient exemplaires ».

Le génie estdonc aussi originaire.

Autrement dit, il doit être à l'origine d'une école à laquelle il transmet les diverses règles et lesprocédés de son art.Ainsi, le génie se distingue aussi bien de la simple imitation scolaire (l'élève qui reprend le procédé d'un maître pourlui-même, indépendamment de ce qu'il exprimait dans l'œuvre et sans lui donner une nouvelle signification) que dumaniérisme, cette «forme de singerie qui consiste à n'être personnel (singularité) que pour tâcher de s'éloigner leplus possible des imitateurs, sans posséder le talent d'être en même temps un modèle ».Tout artiste, au fond, commence par le pastiche, et s'éveille à son propre génie au contact des œuvres de sesprédécesseurs.

De l'imitation scolaire se distingue « la filiation qui se rattache à un prédécesseur sans l'imiter ».Auquel cas on parle d'inspiration car « les Idées de l'artiste éveillent chez son disciple des Idées semblables, lorsquela nature a doté ce dernier d'une proportion semblable des facultés de l'esprit ».Il n'existe, sans doute, pas de meilleur exemple filiation que celui invoqué par Malraux dans Les Voix silence : la. »

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