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Vaut-il mieux "changer ses désirs que l'ordre du monde" ?

Publié le 21/07/2006

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Ce point de rupture que constitue la onzième thèse concerne donc le statut de la théorie en même temps que son contenu. Sa réélaboration ne peut passer que par la compréhension critique de son passé et par l'élaboration du concept d'idéologie. Dès lors que la philosophie cesse de se penser en opposition au monde réel, elle peut fournir -et elle est la seule à le pouvoir- à la volonté transformatrice la conscience de ses fins et la détermination de ses voies. Alors peut s'instaurer l'interaction féconde entre une pratique qui pousse à penser en faisant émerger des problèmes à résoudre, et une théorie capable en retour de transformer celle-ci en pratique savante, informant par la maîtrise des possibilités historiques la volonté d'abolir une situation transitoire d'exploitation de la masse des hommes. La onzième thèse a connu une si immédiate et durable fortune, précisément parce qu'elle inaugurait ce rapport inédit du savoir et de la pratique, en congédiant du même coup une conception éthérée de la philosophie et une définition pragmatique de l'action, pour envisager le mouvement sans fin, productif et transformateur dialectique de leur réconciliation. On ne peut donc séparer le Marx théoricien du Marx militant révolutionnaire. On ne saurait en conséquence isoler la réflexion Marxiste de sa portée pratique, ni couper la volonté politique s'en réclamant du souci permanent de faire toute sa place à une recherche théorique par définition inachevable. Descartes, dans la troisième partie de son Discours de la méthode, écrit: «ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde (...)«. Or, c'est le même Descartes qui déclare que l'homme doit se rendre «maître et possesseur de la nature«.
Pourquoi faudrait-il changer ses désirs ? Le désir n’est-il pas, selon Spinoza, « l’essence « même de l’homme, et la finalité de tout désir n’est-elle pas de tendre à atteindre son objet ? De plus est-ce au désir de se plier à l'ordre du monde ? Ou au monde de se plier au désir humain ?



« l'illusion de remodeler le mode suivant nos projets.

Comme le déclare Épictète : « Ce n'est pas en satisfaisantnos désirs que l'on se fait libre, mais en détruisant les désirs.

»On voit ici naître l'opposition entre le sujet et la fortune, ses désirs et le monde.

En fait, il faut d'abord savoirfaire la différence entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, compter nos propres forces, et lesmesurer à celles du monde qui nous fait face.Ce qui m'appartient en propre et sur quoi j'ai un pouvoir, c'est moi-même, mes désirs, mes pensées, l'initiativede mes actes.Par contre, les choses extérieures, ce qui prend pour moi la forme du hasard, l'action des autres, lesconséquences de mes actes, tout cela échappe à mon contrôle, dépasse mon pouvoir.C'est pourquoi Descartes déclare qu'il lui a fallu : « [s'] accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrementen notre pouvoir que nos pensées, en sorte qu'après que nous avons fait de notre mieux, touchant les chosesqui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible.» [Le propre de l'homme est de vouloir transformer le monde.

L'homme est anti-nature.

C'est à partir des transformations apportées à la nature qu'il s'est humanisé.] L'homme n'a jamais laissé faire la nature.

L'homme comme maître et possesseur de la natureDans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont noussommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leursrapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».

Descartes n'inaugure passeulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde.Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicaleet essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémiqueavec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme uneréappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote.Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dansles écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominerla contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science uneactivité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

Lavie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais desdieux.Descartes subvertit la tradition.

D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie »,d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets deconnaissance.

Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au coeur même de l'activité deconnaître.La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophiepratique ».

« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'onjouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, maisprincipalement aussi pour la conservation de la santé [...] »La nature ne se contemple plus, elle se domine.

Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte àl'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ».Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, cellede la technique.

Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peuts'appliquer dans une technique.

La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient unescience appliquée.D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nosartisans ».

Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».

Il n'est pasindifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.

On connaît comme on agit ou ontransforme, et dans un même but.

La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action del'homme, dans son propre intérêt.

Connaître et fabriquer vont de pair.D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit lanature.

La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement,artificiellement la nature.Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement unenature désenchantée est encore le nôtre.Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur dela nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est icidécrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut enfaire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »).Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'actionde l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait la. »

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