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Vivre avec autrui est ce renoncer à sa liberté ?

Publié le 27/02/2008

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Imaginons : « Je suis dans un jardin public. Non loin de moi, voici une pelouse et, le long de cette pelouse, des chaises. »Situation paisible. Le décor est neutre, la trame est inexistante : « Un homme passe près des chaises. Je vois cet homme... »Finie la quiétude ! Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne le saisis pas seulement comme un objet, mais aussi et en même temps comme un homme. Si je pouvais penser qu'il n'est rien d'autre qu'un objet, un automate, par exemple, je le saisirais « comme étant « à côté » des chaises, à 2,20 m de la pelouse, comme exerçant une certaine pression sur le sol, etc. ». Autrement dit ce ne serait pour moi qu'un objet comme les autres, qui s'ajouterait aux autres : « Cela signifie que je pourrais le faire disparaître sans que les relations des autres objets entre eux soient notablement modifiées.

« « projet », invention perpétuelle de mon avenir.

Et je suis celui qui ne peut pas être objet pour moi-même, celui quine peut même pas concevoir pour soi l'existence sous forme d'objet : « Ceci non à cause d'un manque de recul oud'une prévention intellectuelle ou d'une limite imposée à ma connaissance, mais parce que l'objectivité réclame unenégation explicite : l'objet, c'est ce que je me fais ne pas être...

»Or je suis, moi, celui que je me fais être.

Et c'est précisément parce que je ne suis que pure subjectivité et liberté,que le simple surgissement d'autrui est une violence fondamentale.

Peu importe qu'il m'aime, me haïsse ou soitindifférent à mon égard.

Il est là, je le vois et je découvre que je ne suis plus centre du monde, sujet absolu.

Il mevoit, et avec son regard s'opère une métamorphose dans mon être profond : je me vois parce qu'il me voit, jem'appréhende comme objet devant une transcendance et une liberté.Si chaque conscience est une liberté qui rêve d'être absolu, elle ne peut que chercher à transformer la liberté del'autre en chose passive.

Sartre illustre d'abord ce conflit à travers l'expérience du regard.

Qu'est-ce qui, en effet,me dévoile l'existence d'autrui, sinon le regard ? Si je regarde autrui, ce dernier me regarde aussi.

C'est la raisonpour laquelle Sartre envisage les deux moments.Dans un premier moment, je vois autrui.

Imaginons : « Je suis dans un jardin public.

Non loin de moi, voici unepelouse et, le long de cette pelouse, des chaises.

»Situation paisible.

Le décor est neutre, la trame est inexistante : « Un homme passe près des chaises.

Je vois cethomme...

»Finie la quiétude ! Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne le saisis pas seulement comme un objet, mais aussiet en même temps comme un homme.

Si je pouvais penser qu'il n'est rien d'autre qu'un objet, un automate, parexemple, je le saisirais « comme étant « à côté » des chaises, à 2,20 m de la pelouse, comme exerçant une certainepression sur le sol, etc.

».

Autrement dit ce ne serait pour moi qu'un objet comme les autres, qui s'ajouterait auxautres : « Cela signifie que je pourrais le faire disparaître sans que les relations des autres objets entre eux soientnotablement modifiées.

En un mot, aucune relation neuve n'apparaîtrait par lui entre ces choses de mon univers...

»Le saisir comme homme, qu'est-ce que cela signifie, sinon saisir une « relation non additive » des objets à lui, unenouvelle organisation des choses de mon univers autour de cet objet privilégié ? Autrement dit, avec l'apparitiond'autrui dans mon champ de vision, une spatialité se déploie qui n'est pas ma spatialité, un autre centre du mondeapparaît et du même coup un autre sens du monde.

Les relations que j'appréhendais entre les objets de mon universse désintègrent : « L'apparition d'autrui dans le monde correspond donc à un glissement figé de tout l'univers, à unedécentration du monde qui mine par en dessous la centralisation que j'opère dans le même temps.

»Cette décentration du monde fait de moi un sujet glissant.

La désagrégation « gagne de proche en proche » toutmon univers.

Autrui tend à me « voler le monde ».

Si autrui n'existait que sur le mode d' « être-vu-par-moi », jepourrais, en m'efforçant de le saisir seulement comme objet, le réintégrer dans ma propre vision du monde.

Maisautrui me voit.

J'existe sur le mode d' « être-vu-par-autrui ».Second moment : être vu.« Imaginons que j'en sois venu à coller mon oreille contre une porte, à regarder par le trou d'une serrure.

Je suis seulet sur le plan de la conscience non-thétique de moi.

»Je suis seul & j'existe sur le plan de la conscience non-thétique ou immédiate de moi, cela signifie que mon attituden'a aucun « dehors », que je n'ai pas conscience de « moi » comme objet et qu'il n'y a donc rien à quoi je puisserapporter mes actes pour les qualifier , les juger.

Je suis mes actes et « ils portent en eux-mêmes leur totalejustification ». « Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde.

»Qu'est-ce que cela signifie , sinon que le regard d'autrui me fige.

J'étais liberté pure, conscience allégée de touteimage, me voici devenu quelqu'un, un objet du regard.

Je me vois parce qu'on me voit : mon « moi » fait irruption.En même temps j'en viens à exister sur le même plan que les objets.

Je suis objet d'un regard.

Autrui surgit et j'ai un« dehors », une apparence externe.

J'ai une nature qui ne m'appartient pas.

Ce que je suis pour autrui (vicieux,jaloux...), je ne suis plus libre de l'être.

Je suis engagé dans un autre être.

Plus jamais je ne pourrai échapper àl'image qu'autrui me tend de moi-même.

Autrement dit, j'existe sur le mode d' « être-pour-autrui ». « Ma chute originelle, c'est l'existence d'autrui...

» Cela signifie donc que tout se passe comme si autrui me faisaitm'écrouler au milieu des choses.

C'est ce que je découvre dans la honte qui n'est, au fond, que « l'appréhension demoi-même comme nature ».

Chute originelle qui fait songer au péché originel.

Je suis découvert, presque nu devantle regard tout-puissant de l'Autre, regard qui me dépouille de ma transcendance.Face à autrui, je ne peux plus qu'être « projet de récupération de mon être ».

Si autrui me regarde, je le regardeaussi.

S'il tend à me chosifier, je peux faire de même.

Mon projet de récupérer mon être ne peut se réaliser que si jem'empare de cette liberté d'autrui et que je la réduis à être liberté soumise à ma liberté.

Et, en effet, tout estcombat, même l'amour.

Quel est, en effet, le désir de tout être amoureux ? N'est-ce pas d'abord de posséder l'êtreaimé, d'en faire sa chose ? Le combat se poursuit même dans les moments les plus doux, jusque dans le désir, lacaresse.

Le désir est une tentative pour déshabiller le corps de ses mouvements comme de ses vêtements et lefaire exister comme pure chair.

Le désir, cette tentative d'incarnation d'autrui, s'exprime par la caresse : « Encaressant autrui, je fais naître sa chair, par ma caresse, sous mes doigts.

La caresse est l'ensemble des cérémoniesqui incarnent Autrui.

»Qu'est-ce que cela veut dire, sinon que la caresse, ce n'est pas le simple « contact de deux épidermes », mais unefaçon, pour moi, d'empâter l'être désiré dans sa chair : « Mon but est de le faire s'incarner à ses propres yeuxcomme chair, il faut que je l'entraîne sur le terrain de la facticité pure, il faut qu'il se résume pour lui-même à n'êtreque chair...

»Devenu corps, chair, présence offerte, sous mes doigts, par ma caresse, autrui ne me transcende plus.

Je suisrassuré : autrui est ma chose, il ne sera plus que ceci, cad chair.. »

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