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La démocratie garantit-elle la paix et le développement ?

Publié le 16/08/2012

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Le gouffre de plus en plus évident qui existe entre le discours du monde libre sur le libre-échange et ses pratiques commerciales faussées en matière agricole ne peut pas être toléré plus longtemps [...] la tricherie est en train de faire naître un ressentiment toujours plus grand envers les ÉtatsUnis, en tant qu’ils sont l’architecte principal de l’ordre économique mondial. En quelque sorte, nous autres Américains demandons aux autres de prendre plus au sérieux notre plaidoyer pour la démocratie et la liberté que notre apologie hypocrite de la libre concurrence. «. Or ce qui est vrai de l’économie et du libre-échange l’est sans doute également des normes de la démocratie libérale. Assurément, une fois la démocratie installée et l’économie stabilisée, il s’instaure entre marché, paix et démocratie une relation circulaire et vertueuse. Mais ce qui est vrai des économies stabilisées et des démocraties installées ne l’est pas nécessairement des économies en voie de développement ou des démocraties naissantes ou balbutiantes. Comment donc accède-t-on à l’état d’une démocratie durable apte à un développement également durable?

« démocratie mais le contraire : « Les analyses suggèrent, qu'une bonne gouvernance a un large effet sur le développement.

» selon Daniel Kaufmann directeur duWorld Bank Institute.

Mais qu'est-ce qu'une bonne gouvernance ? Certains politiques comme Guo Jiading, vice-président du conseil national chinois, pense que « Les experts occidentaux affirment que la démocratie et la liberté politique ont ouvert lavoie au développe1 BOUTROS-GHALI Boutros (sous la dir.

de), 2002, L'interaction démocratie et développement, UNESCO. 4 ment économique.

Par contre, les experts de nombreux pays en voie de développement sont d'avis que le progrès économique et la stabilité sociale jouent un rôledécisif pour l'acquisition des droits civils et politiques ».

On le comprend...

Il est clair que les importants taux de croissance actuels de la Chine ou du Viet Nam nesont pas corrélés avec une ouverture excessive à la démocratie.

Et ces pays, surtout la Chine ne s'est pas non plus développée en respectant des normes démocratiquesétablis et reconnues universellement.

La question pertinente est celle du degré de démocratie réalisable pour un taux d'endettement et de déficit budgétairesupportables.

Comme en médecine, tout est affaire d'appréciation, de dosage, de sens du moment opportun, et dépend de la complexion des sujets.

Sur ce point, onpeut dire avec Ha-Joon Chang, professeur à Cambridge, qui jette le doute aussi bien sur les recommandations économicistes et financières du FMI que sur ce qu'onpourrait appeler le démocratisme excessif qui semble se développer aujourd'hui.

Kicking away the ladder2 (jeter l'échelle derrière soi), c'est ce que font les paysoccidentaux développés en imposant aux pays moins développés, au nom de la science économique néolibérale, des normes d'ouverture libre-échangiste et depolitique économique qu'ils n'ont jamais respectées eux-mêmes.

En les observant, disait par exemple Renato Ruggiero, premier directeur général de l'OMC, nouspourrons désormais « éradiquer la pauvreté dans le monde dès les débuts du siècle prochain [le XXIe siècle] – une utopie il y a seulement quelques décennies, maisune réelle possibilité aujourd'hui ».

Or aucun des pays développés ne s'est effectivement développé sur la base du libéralisme et du libre-échange.

Ce n'est qu'aprèsavoir assuré sa suprématie industrielle et conquis de solides avantages concurrentiels que la Grande-Bretagne s'est ralliée au libre-échange et s'est employée à yconvertir les autres.

« Entre 1816 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont eu l'un des taux moyens de droits de douane sur les importations deproduits manufacturés les plus élevés du monde ».

Quant aux institutions à la fois économiques et politiques que l'on presse les pays moins développés d'adopter,elles ne se sont développées que lentement en Occident.

Par exemple, « jusqu'au début du XXe siècle, des pays comme la Suède, l'Allemagne, l'Italie, la Suisse et lesÉtatsUnis n'avaient pas de banque centrale ».

On sait le temps qu'il a fallu pour rendre le suffrage universel et pour créer des institutions de sécurité sociale ou deprotection de l'emploi...

HaJoon Chang conclut donc qu'il n'est pas réaliste d'exiger, comme on le fait aujourd'hui, que les pays en voie de développement se dotentd'institutions aux normes mondiales « sans délai ou après une transition très courte de cinq à dix ans », et qu'en le faisant, les pays avancés2 HA-JOON Chang, 2000, Kicking away the Ladder.

Development,Strategy in Historical Perspective, Anthem Press, Londres. 5 sont en fait bel et bien en train de « tirer derrière eux l'échelle » qui leur a servi à grimper les échelons pour empêcher les autres de les gravir à leur tour.

Ce propos estamplement et dramatiquement confirmé par le fait que les producteurs de coton africains doivent lutter contre les subventions versés à leurs concurrents américains etles producteurs de sucre s'affrontent aux monumentales subventions européennes aux betteraviers.

Et plus encore si on pense que, selon le FMI, une augmentation deseulement un point de la part de l'Afrique dans les exportations mondiales lui rapporterait cinq fois le montant global des « aides » qu'elle perçoit.

En conclusion, onrejoint clairement Ha-Joon Chaang lorsqu'il écrit : « En faussant les règles du jeu commercial mondial au détriment des agriculteurs des pays en voie dedéveloppement, l'Europe, les États-Unis et le Japon dérobent en fait l'échelle du développement sous les pieds de certains des peuples les plus désespérés du monde.C'est moralement insupportable.

L'Amérique est en train de semer la pauvreté à travers le monde.

» Et il conclut « Le gouffre de plus en plus évident qui existe entrele discours du monde libre sur le libre-échange et ses pratiques commerciales faussées en matière agricole ne peut pas être toléré plus longtemps [...] la tricherie est entrain de faire naître un ressentiment toujours plus grand envers les ÉtatsUnis, en tant qu'ils sont l'architecte principal de l'ordre économique mondial.

En quelquesorte, nous autres Américains demandons aux autres de prendre plus au sérieux notre plaidoyer pour la démocratie et la liberté que notre apologie hypocrite de lalibre concurrence.

».

Or ce qui est vrai de l'économie et du libre-échange l'est sans doute également des normes de la démocratie libérale.

Assurément, une fois ladémocratie installée et l'économie stabilisée, il s'instaure entre marché, paix et démocratie une relation circulaire et vertueuse.

Mais ce qui est vrai des économiesstabilisées et des démocraties installées ne l'est pas nécessairement des économies en voie de développement ou des démocraties naissantes ou balbutiantes.

Commentdonc accède-t-on à l'état d'une démocratie durable apte à un développement également durable? Au terme de cette analyse, il nous semble difficile de prendre une position définitive quant à savoir si la démocratie garantie ou non la paix et le développement.

Ceque l'on peut affirmer est que, la démocratie peut, en somme, être définie comme un système politique capable de corriger ses propres dysfonctionnements.

Mais unevraie démocratie ne saurait se limiter à ce seul cadre institutionnel.

Elle doit aussi s'incarner dans une culture, un état d'esprit favorisant la tolérance, le respect del'autre, ainsi que le pluralisme, l'équilibre, le dialogue entre les forces constitutives d'une société.

À la différence des conceptions traditionnelles exclusivementlimitées à la sphère étatique, le concept de culture démocratique exige que l'on prenne 6 en compte l'ensemble des acteurs sociaux, financiers, gouvernementaux et non gouvernementaux, ainsi que les relations qui les lient ou les opposent.

Ces principesdémocratiques fondamentaux constituent un fonds de valeurs communes que l'on peut qualifier de patrimoine commun de l'humanité.

Sans ces valeurs, il ne peut yavoir ni démocratie, ni développement durable.

Mais la reconnaissance de valeurs universelles ne signifie pas qu'il faille, pour autant, occulter les spécificitéshistoriques, religieuses et culturelles qui font le génie propre de chaque société, de chaque État-nation.

Les principes généraux de la démocratie peuvent, en effet,s'incarner de manière différente, selon le contexte.

Ainsi, si la démocratie est le système dans lequel « le pouvoir souverain réside dans le peuple », les modalités deson exercice peuvent varier avec le système social et le développement économique propres à chaque pays.

Elles tendent, aussi, à se transformer en fonction del'évolution politique, démographique, économique et sociale.. »

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