Devoir de Philosophie

Alexis de Tocqueville

Publié le 01/11/2012

Extrait du document

tocqueville

La problématique Alexis de Tocqueville, né le 29 juillet 1805 d'une famille de vieille noblesse normande, fut un acteur mais surtout un témoin et un analyste des transformations qui touchèrent les sociétés occidentales dans le prolongement des grandes révolutions de la fin du XVIIIe siècle. À travers ses deux œ uvres majeures, De la démocratie en Amérique (D.A.) - 1835 et L'Ancien Régime et la Révolution (A.R.) - 1856, il met en évidence : le processus d'égalisation des conditions. Cette marche vers l'égalité des conditions engendre ainsi une nouvelle société que Tocqueville voit naître et se développer sous ses yeux ; il la qualifie de « Démocratie «, ou mieux de « société démocratique «, puisque l'analyse va bien au-delà des instit tions politiques. u Cette nouvelle société dont il a déjà l'intuition, Tocqueville la décèle et la caractérise au cours d'un séjour aux États-Unis où il la découvre dans sa forme américaine, la plus achevée parce que la plus libre visà -vis des pesanteurs historiques. En effet, la société démocratique se met également en place en Europe, notamment en France et en Angleterre mais en y rencontrant plus de difficultés. Le projet de Tocqueville est de construire et de développer le concept de société démocratique. Tocqueville cherche à travers des observations minutieuses sur le terrain et des recherches historiques à dégager les caractéristiques fondamentales de cette forme de société ainsi que ses limites. En effet, à travers le processus qu'il analyse, Tocqueville propose
une grille de lecture du changement social et de la modernité. En ce sens, il rentre dans une logique évolutionniste : le mouvement vers l'égalité, commencé bien avant les révolutions américaine et française, a un caractère inéluctable. La réflexion de Tocqueville nous amène naturellement à étudier quelles sont les conditions et les conséquences de la démocratie et comment rendre compatible l’idéal d’égalité et la liberté. Dans une perspective plus proche de nous, on peut se demander sir la montée de l’individualisme à laquelle nous assistons aujourd’hui n’est pas une menace pour la société démocratique comme le craignait Tocqueville ?!! è L’auteur : Alexis de Tocqueville (1805-1859) Voir à ce sujet vos précieuses recherches et l’introduction ci dessus. - è Mise au point préalable sur les notions qu’utilise A. de Tocqueville A) Que désigne la « Démocratie « ? Pour Tocqueville, l’avènement des sociétés démocratiques n’est pas qu’un phénomène politique : c’est une transformation qui concerne aussi et surtout la société civile. Ainsi, la démocratie désigne : • En premier lieu un état politique, caractérisé par l’égalité des droits : toute personne dans un régime démocratique a droit à un traitement identique. Ce droit est garanti par des règles formelles et trouve sa traduction politique dans l’affirmation de la souveraineté du peuple. 1 • mais également et principalement un état social, défini par l’uniformisation des modes de vie, la disparition des classes sociales et l’augmentation
de la mobilité sociale. Il constate ces phénomènes aux Etats-Unis comme en France. C’est enfin un état d’esprit : « les individus sont égaux et les individus se sentent égaux «. « L’individu démocratique « se reconnaît à son goût, qualifié d’excessif par Tocqueville, pour l’égalité. Ainsi, l’esprit d’égalité se définit comme la tendance des individus des sociétés démocratiques à se considérer comme égaux indépendamment des inégalités réelles de situation. L’esprit d’égalité renvoie à la façon dont les individus se perçoivent. L’égalitarisme (ou « passion pour l’égalité « selon Tocqueville) est la conception selon laquelle les hommes doivent être traités de la même façon et disposer des mêmes choses. L’esprit démocratique est la synthèse de l’esprit d’égalité et de l’esprit égalitariste. • B) Que désigne « l’égalité des conditions « ? C’est avant tout l’égalité face au droit et aux lois mais c’est surtout la possibilité de mobilité sociale. NB : Cela ne signifie pas l’égalité économique (= égalité des niveaux de vie) puisqu’il y a toujours des riches et des pauvres, mais les situations ne sont pas données une bonne fois pour toutes (= hérédité sociale) mais peuvent changer (= mobilité sociale). C) Que désigne « la liberté « ? Elle peut se définir comme la capacité qu’a un individu à résister vis à vis d’un pouvoir ou d’une influence. Pour être effective selon Tocqueville, la liberté suppose quatre conditions : a. l’absence d’arbitraire ; b. un pouvoir qui s’exerce conformément aux lois ; c.
l’existence de nombreux centres de décisions qui s’équilibrent les uns les autres ; d. le peuple doit se gouverner lui même. è La thèse de Tocqueville A) La marche vers la démocratie : une tendance inéluctable Pour Tocqueville, la marche vers la démocratie ne peut être entravée. Le progrès technique diffuse les connaissances et améliore les conditions de vie des populations. Ainsi, il devient possible au plus grand nombre de bénéficier d'une éducation qui éclaire les consciences : « Mais ce ne sont pas seulement les fortunes qui sont égales en Amérique; l'égalité s'étend jusqu'à un certain point sur les intelligences elles -mêmes [...] L'instruction primaire y est à la portée de chacun ; l'instruction supérieure n'y est presque à la portée de personne « II . constate ainsi une certaine dynamique qui abaisse les barrières entre les classes et permet de mettre les hommes sur un pied de relative égalité. Tocqueville distingue deux temps qui mènent de la démocratie sociale à la démocratie politique : 1) Dans un premier temps une démocratie sociale se développe. Elle prend la forme : • d'une démocratie de droit qui se traduit par l'abolition des privilèges héréditaires et par la liberté et l'égalité des individus face à la loi ; • d'une démocratie de fait, dont le fondement est l'égalité des conditions. Le nivellement des situations vis-à -vis de la richesse et de l'éducation constitue un élément-clé de la démocratisation, selon Tocqueville qui prend pour modèle l'Amérique où il enquête, carnets
de voyage en main... 2 2) La démocratie politique découle des progrès de la démocratie sociale. En effet, l'enrichissement et l'égalisation des conditions permettent au plus grand nombre de développer une opinion personnelle, de lire des journaux, de discuter dans les cafés, de participer à diverses associations. De ces situations à la mise en place d’institutions politiques assurant le droit de vote à tous et l'éligibilité aussi, il n'y a donc qu'un pas que franchissent rapidement les peuples. B) Le mouvement d’égalisation des conditions est à l’origine de la démocratie Pour Tocqueville, la première caractéristique qui définit une société démocratique, c’est l’égalité des conditions. Cela signifie que les individus sont juridiquement égaux. Toutes les autres caractéristiques des sociétés démocratiques découlent de cette dernière ! 1) Une égalité des droits. Tocqueville, héritier des Lumières, considère que tout homme possède une liberté naturelle (= la potentialité d’agir librement). Celle-ci doit se traduire dans la cité par l’égalité des droits civils : - reconnaissance des droits de l’homme ; - Libertés individuelles de conscience, d’expression, de mouvements, de choix du conjoint, etc. - Présomption d’innocence, droit à la défense. Et l’égalité des droits civiques (Possibilité de participer à la vie politique par le vote et d’être candidat à toutes les fonctions publiques). Cela signifie qu’un individu n’est pas obligé de faire telle ou telle chose (= indépendance) mais est libre
de prendre part ou non à la vie publique (= liberté de participation). 2) Tendance à l’enrichissement général et la l’uniformisation des modes de vie. ATTENTION : le mouvement d’égalisation des conditions ne se réduit pas uniquement au rapprochement des niveaux de vie et des modes de vie. 3) Une souveraineté populaire = « gouvernement par le peuple et pour le peuple «. Le gouvernement est ainsi élu par les citoyens. 4) La disparition des distinctions héréditaires. Pour Tocqueville, l’égalité des conditions implique la disparitions des ordres héréditaires, c’est à dire des groupes sociaux fermés sur eux mêmes et dont les membres bénéficient de privilèges légaux. Cela ne fait pas pour autant disparaître les hiérarchies sociales (c’est à dire une division de la société en groupes sociaux relativement homogènes du point de vue du niveau de revenu, du mode de vie, des valeurs, du niveau de pouvoir, du niveau de prestige, etc.). Dans la société démocratique il n’existe donc plus d’inégalités de droit mais ils subsiste des inégalités de fait (= des inégalités réelles, que l’on peut constater dans la réalité) qui selon Tocqueville vont tendre à se réduire. Ainsi, contrairement à la société aristocratique, aucun des membres de la société démocratique ne subit sa destinée du fait de la position sociale qu’il occupe. Pour cette même raison, la hiérarchie sociale que l’on peut observer ne renvoie plus à un ordre social « préétabli « qui assigne à chacun une place, des droits et des devoirs propres liés à
sa naissance! 3 La hiérarchie sociale peut évoluer, signe que la mobilité sociale existe. 5) La possibilité de mobilité sociale. Les positions sociales qu’occupent les individus ne sont certes pas équivalentes mais elles sont susceptibles de se modifier au cours de la vie de l’individu. Tous les individus peuvent accéder à n’importe quelle position sociale. La société démocratique est une société fluide où les positions sociales sont ouvertes à tous. 6) Le sentiment d’égalité. Dans un de ses plus célèbres textes, Tocqueville expose la relation qui s'établit entre un maître et son serviteur dans la société démocratique par opposition à celle qui règne dans une société aristocratique. Dans les deux cas il y a inégalité mais dans l'ancienne société, elle est, si on peut dire, « à perpétuité «, dans la société moderne elle est libre et temporaire. Libre, parce que c'est par un accord volontaire que le serviteur accepte l'autorité du maître (avec lequel il a passé un contrat) et qu'il y trouve son intérêt. Temporaire, parce que derrière l'apparence de la « dépendance « il y a le sentiment, désormais partagé par le maître et le serviteur, qu'ils sont fondamentalement égaux ; le travail les lie par contrat et une fois terminé, en tant que membres du corps social, ils sont semblables. Les situations sociales peuvent donc être inégalitaires, ce qui compte c'est l'opinion qu'en ont les membres de la société : ils se pensent et se représentent comme égaux. L'égalité des conditions est donc un fait culturel,
elle s'inscrit dans les esprits : « Au fond de leur âme, le maître et le serviteur n'aperçoivent plus entre eux de dissemblance profonde, et ils n'espèrent ni ne redoutent d'en rencontrer jamais «. Les individus se pensent égaux, refusent les privilèges et sont réticents à accepter qu’un autre ait une situation supérieure à la leur. C) Les conséquences économiques et sociales de l’égalisation des conditions. 1) Gros plan sur la mobilité sociale et l’égalité réelle ü Retour sur l’existence d'une forte mobilité sociale. Toutes les positions sociales sont ouvertes et chacun tente d'accéder au métier qui lui permettra le plus facilement de s'enrichir. De ce fait, les positions sociales sont devenues instables : rien n'assure un riche commerçant qu'il va le rester toute sa vie ni que ses enfants vont reprendre son activité. La bourgeoisie n'est donc plus une classe sociale, d'une part, car l'employeur et son employé bénéficient des mêmes droits et, d'autre part, car la situation d'employeur (comme celle d'employé) est devenue réversible. Remarque : La remise en cause de l’hérédité des positions sociales explique également la tendance à la disparition des classes sociales. Cette approche de l’organisation de la société semble s’opposer à celle de Karl Marx pour qui la bourgeoisie et le prolétariat sont les deux classes sociales caractéristiques du capitalisme. (Voir le Chapitre « Conflit de classe et changement social «). --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------RAPPEL
: les classes sociales sont des groupes sociaux que l’on retrouve dans des sociétés où il n’existe pas de hiérarchie sociale officielle et juridique mais dans laquelle on observe une tendance à l’hérédité des positions sociales. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Alors que Marx envisage une bipolarisation de la société, A. de Tocqueville parle plutôt de moyennisation. Cependant, Tocqueville constate que la Révolution industrielle (qui est, d'une certaine façon, le résultat de la Révolution démocratique) amène le développement d’une nouvelle aristocratie : l’aristocratie industrielle. Cette dernière mettrait en état de dépendance et de misère les ouvriers ce qui pousse Tocqueville à s’interroger sur l’éventuel « retour « de classes nettement marquées qui serait la négation du principe d’égalité des conditions. 4 ü Retour sur l’existence d'une relative égalité réelle. Cette tendance ne peut être mesurée que sur le long terme. On observe ainsi une réduction du nombre des très riches et de celui des très pauvres. Entre ces deux extrêmes en voie de réduction se développe une classe moyenne composée d'artisans, de commerçants et d'employés salariés. Les membres de cette classe sont « moyens « en tout (éducation, richesse, prestige et moralité) et ont pour objectifs communs la richesse, le bien-être, le calme et la prospérité. Ce
mouvement de réduction des inégalités ne peut pourtant pas déboucher sur une égalité parfaite entre les hommes. A de Tocqueville avance deux raisons pour expliquer cet apparent paradoxe : d'une part, il existe une inégalité naturelle devenue fondamentale en démocratie qui est celle de l'intelligence. «... il resterait encore l'inégalité des intelligences, qui venant directement de Dieu, échappera toujours aux lois « (D.A.). Évoquer l'argument de l'inégalité naturelle des individus qui fait que certains disposent d'atouts intellectuels ou physiques que n'ont pas les autres peut paraître banal, voire trivial. Cependant son intérêt se dessine lorsque Tocqueville soutient que, désormais, dans la société démocratique c'est l'intelligence qui est la première source de l'établissement des différences sociales puisqu'il n’y a plus de distinction héritée à la naissance ; ainsi, « chacun ne tire sa force que de lui-même « (D.A.). Les inégalités sont donc fondées sur le don naturel. Mais en même temps, Tocqueville est frappé par l'instruction aux Etats-Unis qui permet à « l'égalité de s'étendre jusqu'à un certain point sur les intelligences elles -mêmes « (D.A.). En d'autres termes, si les dispositions intellectuelles ne sont pas équivalentes, il est possible par l'instruction d'égaliser les moyens de leur mise en œ uvre. d'autre part, il existe une volonté de chacun de surpasser les autres : les inégalités se renouvellent en permanence. Nous avons vu que la société démocratique se caractérise par la mobilité
et la recherche du bien-être matériel. Cette tendance explique que ce type de société soit marqué par la croissance économique, mais surtout, cette aspiration à l'enrichissement et à l'ascension sociale est nécessairement un facteur de différenciation sociale puisque pour des raisons diverses comme les inégalités naturelles évoquées plus haut, certains réussiront mieux que d'autres. Il y a donc un certain paradoxe puisque l'égalité des conditions conduit à alimenter les inégalités économiques. De plus, si les membres de la société démocratique cherchent à s'enrichir ce n'est pas seulement pour leur simple bien être personnel mais aussi pour se différencier socialement. Autrement dit l'homme démocratique désire l'égalité en général mais la distinction dans son cas particulier. Remarque : dans une société qui se veut égalitaire, la conscience des inégalités est très forte. En définitive, plus les inégalités se réduisent et moins elles sont acceptées. Pour Tocqueville, la société démocratique produit, on serait tenté de dire naturellement, des différenciations sociales qui sont constamment remises en question parce qu'elles ne sont pas compatibles avec l'idéal égalitaire si elles prennent un caractère durable. En fait, elles contribuent à attiser la passion égalitaire qui peut devenir « un goût dépravé pour l’égalité [...] qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau « D.A.). ( 2) Les effets pervers de l’égalisation des conditions ou « l’égalité contre la liberté « L’égalisation des
conditions est un mouvement qui transforme toute la société. Il est inéluctable et personne ne peut s’y opposer. Toutefois, il peut conduire à une quête sans fin d’égalité. Cette « passion pour l’égalité « peut menacer la liberté. C’est essentiellement dans le renoncement à la liberté que se trouve, selon Tocqueville, le danger majeur pour la société démocratique. Mais, c’est dans la préférence pour l’égalité qu’il faut rechercher l’origine des maux de la société démocratique. 5 Ainsi, l’égalité isole et affaiblit les hommes conduisant à l’individualisme, au goût du bien-être, au repli sur soi et au désintérêt pour la chose publique. La passion pour l’égalité l’emporte sur la liberté parce la liberté suppose des efforts et des sacrifices (réaction, mobilisation, action, risques, …) alors que l’égalité rend les choses plus faciles et procure des jouissances immédiates. L’homme démocratique fait en quelque sorte le choix de la simplicité. Mais ce choix le rend à nouveau dépendant. Les sociétés démocratiques ont en fait beaucoup de difficultés à concilier la liberté des individus et le principe d’égalité entre les individus. En préférant l’égalité à la liberté, l’individu se soumet au conformisme, à la tyrannie de la majorité et au despotisme démocratique. ü La tendance au « conformisme «. Le risque encouru par les sociétés démocratiques vient du fait que, puisque les hommes se valent, ceux-ci ont tendance à considérer que les opinions se valent. Les idées et les avis de chacun se ralliant
nécessairement à l’avis général et majoritaire, cela peut aboutir à des dérapages qui consisteraient à combattre les croyances et points de vue qui s'éloignent de ceux du plus grand nombre, à tel point qu'ils ne peuvent plus s'exprimer. Selon Tocqueville, la démocratie engendrerait le conformisme dans les opinions. Il dénonce ainsi l'absence d'indépendance d'esprit et de liberté de discussion en Amérique et va même jusqu'à comparer la difficulté d'exprimer une opi ion critique à n celle qui pouvait exister en France sous la monarchie : comme il fallait commencer par flatter le roi pour avancer une opinion hardie, il faut, en Amérique, commencer par flatter le peuple si on veut arriver à s'exprimer. Quand toutes les o pinions sont égales et que c'est celle du plus grand nombre qui prévaut, c'est la liberté de l'esprit qui est menacée avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer pour ce qui est de l'exercice effectif des droits politiques. Cette situation peut conduire à une certaine démagogie de la part des hommes politiques qui promettent beaucoup pour plaire au plus grand nombre. ü La « tyrannie de la majorité «. Tocqueville se préoccupe plus particulièrement de la règle de la majorité, qui, bien qu’au cœur du fonctionnement des régimes démocratiques, n’est pas sans effets pervers. Chacun sait qu’à défaut d’être en mesure d’atteindre en toutes circonstances l’unanimité, un régime [démocratique] fonctionne selon la règle de la majorité. D’après cette règle, la majorité peut imposer ses décisions
à la minorité dans la mesure où elle est censée représenter la volonté « du plus grand nombre «. Mais si elle agit comme si la minorité n’existait pas, qu’elle en ignore absolument les intérêts et les avis, pire, qu’elle l’opprime, on est en présence d’une tyrannie curieusement exercée au nom de la démocratie. La majorité a toujours raison et la minorité toujours tort L’opinion publique devient une telle puissance que les individus peuvent hésiter à s’y opposer. La tyrannie de la majorité est donc cette capacité qu’a la majorité, dans les sociétés démocratiques à imposer ses idées et ses façons de vivre à un individu qui renonce à exercer son autonomie. 6 ü Le « despotisme démocratique «. La toute puissance de la majorité et l'absence de recul critique des individus ouvrent la voie au danger majeur qui guette les sociétés démocratiques : un despotisme d'un type nouveau que Tocqueville voit se profiler dans la transformation des hommes et de leurs passions. Les hommes démocratiques sont dominés par deux passions : celle de l'égalité et celle du bien-être et ses « petits et vulgaires plaisirs « (= recherche de la satisfaction matérielle), et ils sont prêts à s'abandonner à un pouvoir qui leur garantirait de satisfaire l'une et l'autre, même si c'est au prix de l'abandon de leur liberté. Comment les hommes pourraient-ils être conduits à renoncer à leur liberté? À travers un mécanisme progressif et subtil qui amène les individus à confier de plus en plus souvent leur destinée entre les
mains de l’Etat. Dans une société démocratique, il semble effectivement plus simple de s'en remettre à lui pour assurer une extension de l'égalité des conditions qui commence dans le domaine politique et qui est encadré par des lois. C'est l'État qui a pour charge leur élaboration et leur mise en œ uvre puisque lui seul est à même d'apporter l'uniformité de traitement que requiert ce type de société. À partir de là, l'État peut progressivement mettre les individus à l'écart des affaires publiques (« les fixer dans l'enfance «) puisqu'il fait si bien à leur place ce à quoi ils aspirent. Enfin, fort de cette légitimité, et pour toujours mieux réaliser l'égalité et le bien-être, il peut étendre sans cesse les « règles compliquées, minutieuses et uniformes « qui encadrent la vie sociale jusqu'à étouffer toute velléité (= intention) d'autonomie. Le despotisme prend ainsi la forme d'un contrôle d'autant plus pernicieux qu'il se donne les couleurs de la démocratie. Ainsi, on arrive à l’égalité (en apparence) sans la liberté. Les tyrans peuvent ainsi surgir en promettant au peuple de protéger sa quiétude (= préserver sa situation, garantir la progression son confort matériel) et de lui éviter les inconvénients de l’anarchie qui résulte d’une liberté excessive. Dans les société démocratiques, les individus ont tendance à limiter leurs relations sociales à leur entourage immédiat (famille, amis, etc.), à porter un intérêt exclusif à leur affaires personnelles et à se contenter, en matière de liberté, de refuser
l’oppression. Ce repli des individus sur leurs sphère privée permet le développement d’un état centralisé tout-puissant qui réglemente la vie des citoyens et supprime leur autonomie individuelle sans pour autant les opprimer de façon violente. Les citoyens acceptent d’autant mieux cette privation d’autonomie que l’Etat les traite de façon égalitaire. Le despotisme démocratique est donc cette insertion d’un Etat tout puissant et bienveillant dans la vie des individus qui renonce à leur autonomie individuelle au profit d’une égalité de traitement. 3) Un autre risque lié à l’égalisation des conditions : la montée de l’individualisme. « […] L’aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi ; le démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part «. A travers cette phrase, Tocqueville nous montre que dans la société aristocratique, la position sociale donnait des obligations et des devoirs à ceux qui en f isait partie, de sorte que a chaque individu était lié à plusieurs de ses concitoyens. Dans les sociétés démocratiques, au contraire, les individus se figurent volontiers que leur destinée est entre leurs mains, qu’ils ne doivent rien à personne et qu’ils n ’attendent rien de personne. 7 La société démocratique transforme donc le lien social en faisant émerger un individu autonome. C'est une source de fragilisation qui peut déboucher sur une attitude de repli sur soi. Comment ce que Tocqueville appelle l'individualisme peut-il naître de la démocratie
? En favorisant l’égalité et l’accroissement du bien être matériel, la société démocratique brise les liens de dépendance entre individus et entretient l'espérance chez l’individu que son bien être matériel peut encore s’accroître sans qu’il ait à compter sur autrui. Il devient ainsi parfaitement possible pour son existence privée de s'en tenir aux siens et à ses proches. L’égalisation des conditions en rendant ainsi possible l’isolement vis à vis d’autrui reme en t cause le lien social ainsi que l’exercice de la citoyenneté. La société démocratique peut donc conduire ses membres à abandonner, presque volontairement leur liberté tant ils sont aveuglés par les bienfaits qu’ils attendent de toujours plus d’égalité. Eblouis par l’enrichissement, le désir d’une plus grande satisfaction matérielle et la recherche du confort individuel diminuent la vie culturelle, les citoyens oublient de participer à la vie politique qui, du même coup, s’appauvrit. Le premier danger de la société démocratique est donc de pousser les citoyens à s’exclure de la vie publique qui devrait pourtant être une préoccupation essentielle. L’individualisme pour Tocqueville, se définit comme étant le choix des membres d’une société démocratique de se replier sur leurs affaires privées et de se détourner des affaires publiques. D) Les moyens d’éviter les dérives de la société démocratique Les remèdes et les antidotes aux maux de la société démocratique existent. Derrière chacun d’entre eux se cache un principe essentiel selon Tocqueville
: les risques que la société démocratique fait peser sur la liberté peuvent être neutralisés par la liberté elle-même. Ces remèdes sont les suivants : - La séparation des pouvoirs (exécutif et législatif) et l’indépendance du pouvoir judiciaire. La force des tribunaux garantit l’indépendance individuelle et limite le pouvoir politique. Le système judiciaire joue le rôle de contre-pouvoir dans les sociétés démocratiques car il permet à ’individu faible et isolé de faire reconnaître ses droits. l - - L’autonomie des communes et l’élection de représentants issus de la masse des citoyens. Tocqueville insiste sur le fait que cela permet à un grand nombre de citoyens d’occuper , à un moment ou à un autre, une fonction élective et favorise l’intérêt pour la politique. - La liberté de la presse permet au citoyen de s’exprimer et de s’adresser à l’ensemble de la nation. - Le développement et la vitalité des associations permet au citoyen de se défendre contre les exigences du pouvoir. L’association permet de briser l’isolement de l’individu face à l’Etat qui a tendance à vouloir prendre en charge tout ce qui relève de la vie en société. L’association constitue donc, là aussi, un contre -pouvoir pour Tocqueville. 8 - La religion joue le rôle de ciment social. Elle permet en effet de resserrer le lien moral en offrant d’autres objectifs aux hommes que les jouissances matérielles et en imposant des devoirs à chacun vis -vis des autres. -à è L’actualité de la pensée de Tocqueville et ses prolongements
contemporains A) Tocqueville : un visionnaire et un précurseur Tocqueville insiste beaucoup sur les risques de la démocratie même s’il l’admet comme inévitable. Par ailleurs, la montée actuelle de l’individualisme, de l’hédonisme, le repli sur soi, le désintérêt pour la chose publique semblent donner raison à Tocqueville. De même, la chute du système soviétique semble démontrer les risques et l’échec de tout régime bâti sur le principe de l’égalitarisme. Tocqueville peut être considéré comme un précurseur de l’individualisme méthodologique dans la mesure où il pense que la société est ce que les hommes en font : ainsi, les sociétés démocratiques peuvent être libérales ou despotiques. De ce point de vue, il formait lui même le projet « d’instruire la démocratie… adapter son gouvernement aux temps et aux lieux ; le modifier selon les circonstances et les hommes « (Introduction à De la démocratie en Amérique). B) Montée de l’individualisme et participation politique Tocqueville faisait de l’apparition d’un individu libre de ses choix une caractéristique de la société moderne. En effet, la disparition des obligations qui pesaient sur les sujets dans la société aristocratique a libéré l’individu, qui devient un être plus autonome et capable de décider seul de son mode de vie. Cette montée de l’individualisme est perçue par Tocqueville comme une menace pour la démocratie. L’absentéisme actuel aux élections tant politiques que syndicales semble donner à nouveau raison à Tocqueville quand il
redoute l’individualisme et ses conséquences au niveau politique. L’abstentionnisme a été longtemps considéré comme un dysfonctionnement du système démocratique dans le sens où il traduisait l’exclusion d’un certain nombre d’individus de la participation politique parce qu’il étaient eux-mêmes mal insérés dans la société. L’étude sociologique de l’abstentionnisme semble vérifier partiellement cette thèse. Les catégories sociales les plus abstentionnistes sont les jeunes, les femmes seules, les personnes âgées, les chômeurs, les travailleurs précaires et les personnes peu ou pas qualifiées. L’abstentionnisme serait donc le fait de personnes mal insérées dans la société et qui ne se sentent pas la compétence pour intervenir dans le domaine public. Toutefois, cet argument ne constitue pas une explication suffisante du phénomène. Entre autres, il ne permet pas de comprendre les différences d’abstentionnisme entre les différents scrutins ou encore « l’abstentionnisme intermittent « qui est plus fréquent. C’est la raison pour laquelle, dans des travaux plus récents, l’abstentionnisme est analysé comme un comportement politique à part entière, un choix stratégique du citoyen qui par son abstenton montre i sa désapprobation quant à l’offre électorale (programme politiques, personnages politiques, etc.) qui lui est proposée. C) La question de la représentation politique Les citoyens se détournent de la vie politique… Pourquoi ? 1) Le risque lié à la professionnalisation de la politique La « gestion des affaires
de la Cité (polis en grec), serait-elle devenue trop technique pour qu’elle ne puisse plus être accessible à des « amateurs « (au sens noble du terme) mais soit désormais exclusivement réservée à des professionnels ? 9 On peut s’interroger sur ce mouvement de professionnalisation de l’activité politique qui consiste à faire des hommes et des femmes politiques formés en ce sens, rémunérés par les partis politiques et faisant l’ensemble de leur carrière dans la vie politique. 2) Le peuple a t-il encore confiance dans ses élus ? Pour que la démocratie fonctionne correctement, il faut que les électeurs se reconnaissent dans leurs élus. Or, aujourd’hui, on assiste à une « crise du politique « ou encore une « crise de la représentation «. En d’autres termes, il y aune fracture entre le peuple et ses dirigeant élus ! On est ainsi certainement en présence d'une crise du politique. [...] Mais cette crise du politique s'exprime essentiellement par une critique de la représentation. En effet, tandis que la politique est perçue par 60 % des Français comme une activité nécessaire pour se faire entendre, le sentiment d'identification aux acteurs politiques est assez faible. Seuls 31 % des Français se sentent bien représentés par un parti ou un leader politique. […], Depuis vingt ans croît régulièrement dans l'opinion le sentiment que les hommes politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les Français (42 % de réponses «très peu« ou «pratiquement pas« en 1977, 59 % en 1997 – Sondage Sofres).
Cette dégradation incontestable de l'image de la représentation est très étroitement liée à la défiance nouvelle dont sont l'objet les hommes politiques, à la suite du développement des affaires concernant le financement de la vie politique, l'enrichissement personnel de certains élus et l'action de la justice dans ce domaine. […] C'est donc bien une crise de la représentation que connaît le système politique français- car dans le même temps, l'attachement aux acquis de la démocratie reste fort. La méfiance touche davantage le personnel politique que les principes du système. C'est sans doute par-là qu'il faut interpréter la montée depuis quelques années du vote en faveur des partis d'alternative (extrême gauche, extrême droite, mouvements écologistes...) par rapport aux partis à vocation gouvernementale, ainsi que les chasses-croisés d'électeurs entre la droite et la gauche ou l'augmentation des votes blancs et nuls. Jean-Marie DONEGANI, «Un intérêt intact pour la politique«, Sciences humaines, hors série n° 26, septembre 1999. 3) Nos gouvernants élus sont-ils vraiment ceux qui prennent les décisions ? Les décisions collectives ne sont pas le simple fait des élus du peuple. Les fonctionnaires s’approprient une partie du pouvoir exécutif en tant qu’experts et conseillés des décideurs. Par ailleurs, « ils jouissent d’une réelle stabilité de carrière qui leur permet de survivre aux alternances politiques « (voir le texte suivant). Le pouvoir appartiendrait donc davantage aux technocrates qu’au représentants
élus du peuple. Enquête… Dans les sociétés démocratiques contemporaines, on ne peut attribuer aux gouvernants, issus du suffrage universel, la paternité exclusive des décisions collectives. Ce serait faire abstraction des configurations complexes d'acteurs auxquelles une politique publique, voire une décision particulière, est en réalité imputable. [...] Ce sont, en premier lieu, les hauts fonctionnaires placés à la tête des grandes administrations centrales. Ils sont directement concernés chaque fois qu'un problème à gérer relève de leur domaine spécifique de compétence. Mais, certaines administrations des finances ont, en fait, une vocation plus large puisqu'il est presque impossible qu'une politique quelconque ne comporte pas des aspects budgétaires et financiers d'importance essentielle. Il est trop simple de considérer les fonctionnaires comme de simples collaborateurs ou exécutants de la volonté des gouvernants, en arguant de leur dépendance hiérarchique vis-à-vis de leur Ministre. Sans doute leur poids est-il différent d'un pays à l'autre. Mais là où prévaut le principe d'une dépolitisation de l'administration jusqu'aux échelons les plus élevés, en France plus qu'aux États-Unis par exemple, ils jouissent d'une réelle stabilité de carrière qui leur permet de survivre aux alternances politiques. De ce fait, ils participent efficacement à la continuité du traitement des affaires lorsque se succèdent les gouvernements. De toute façon, compte tenu de leur compétence professionnelle, de leur
maîtrise des dossiers, surtout s'ils comportent des aspects techniques complexes, ils contribuent directement à la formation des convictions du Ministre, donc à l'élaboration de la volonté gouvernementale. Devant la multiplicité des problèmes à gérer, il est difficile à tout responsable politique d'avoir une 10 opinion arrêtée sur chacun d'entre eux, d'autant plus qu'il travaille ordinairement dans l'urgence. Une marge de manœ uvre existe donc qui permet aux fonctionnaires, directeurs de services ou membres de son cabinet, d'inclure leurs vues personnelles et celles de leurs corps d'appartenance, dans les projets de lois ou de règlements envisagés. D) Opinion publique, sondages d’opinion et démocratie 1) Les sondages d’opinion symbolisent-ils la démocratie ? L’opinion publique se définit comme étant un ensemble de jugements partagés par une grande partie des membres d’une société. Dans la perspective développée par Tocqueville, l’opinion publique est une contrainte sociale qui pèse sur l’individu. Reste à déterminer par quels mécanismes l’individu perçoit cette opinion publique et dans quelle mesure elle influence ses choix ?! Depuis les années 1960, cette opinion publique est recueillie par le biais d’enquêtes et de sondages diffusés par les médias (télévision, radio, presse). En principe cela permettrait à la classe politique de s’informer « en continu « sur la volonté populaire et de répondre au mieux à ses attentes. Il s’agirait là d’une forme de démoc ratie directe. Aussi, au fil du
temps, les sondages d’opinion se sont imposés comme l’indicateur permettant de mesurer l’opinion publique en dehors des élections. Pour ses partisans, le sondage d’opinion reproduit la même logique individualiste que le vote, et comme lui, il oblige le citoyen à répondre aux grandes questions qui concernent la vie politique nationale. Philippe BRAUD, Science politique. La démocratie. Le Seuil, 1997. LA DANGER DES SONDAGES […] L'« opinion publique« des instituts de sondage n'est que l'agrégation statistique d'opinions privées qui sont rendues publiques. Elle n'est pas une opinion qui s'exprime publiquement, que ce soit par des pétitions, par une libre tribune dans la presse, par une déclaration à la télévision, par une lettre de lecteur à un organe de presse, par la participation à un « s ondage « lors d'une émission de télévision, par une manifestation de rue, etc. Si les « citoyens « peuvent avoir ou non, sur certains problèmes politiques, des opinions personnelles, ils peuvent également décider ou non de les rendre publiques, lors de mouvements ponctuels de protestation ou de revendication, par exemple. Rendre ou non publique son opinion est un acte politique. Lorsqu'il est accompli par le propriétaire de l'opinion, il permet de limiter, dans une certaine mesure du moins, les manipulations. Dans les enquêtes d'opinion, les enquêtés ne choisissent pas les questions et n'ont aucun contrôle sur l'interprétation de leurs réponses qui sont collectivement agrégées. [... ] Les enquêtes d'opinion, telles
qu'elles sont réalisées et commentées par les instituts de sondage se bornent à produire des réponses aux questions que les acteurs intéressés du jeu politique leur demandent de poser et à dire celles qui recueillent une majorité de suffrage. Patrick Champagne, Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique, Minuit, 1990. Pour ses détracteurs, dont fait partie Pierre Bourdieu (Sociologue français – 1930~2001), les sondages sont une simple construction statistique, une simple somme d’opinions privées où les questions ne reflètent que les points de vue des sondeurs et où les sondés subissent un véritable devoir de réponse. Ainsi, tous les sondés n’ont pas obligatoirement une opinion sur toute chose et les techniques de sondage « fabriquent de toute pièce « un consensus qui n’existe pas toujours (EX : 62% des français pensent que… donc c’est une opinion communément partagée ) ! Dans la compétition à laquelle se livrent les différentes fractions de la classe politique (pour les suffrages) et les différents médias (pour l’audience), « l’opinion publique « serait une création destinée à légitimer et à imposer des choix. L’individu serait bien victime non pas d’une domination exercée par la majorité de la population (à tyrannie de la majorité !) mais plutôt d’une domination qui émanerait du pouvoir politique ou des médias qui interprètent et manipulent à leur guise cette opinion publique! 11 Pour P. Bourdieu, la véritable opinion publique ne se révèle qu’à travers des manifestations, des pétitions,
des lettres ouvertes, etc. 2) Les sondages influencent-ils le vote des citoyens ? L’idée selon laquelle les sondages produisent l’opinion est très répandue. Les théories à ce sujet ont en commun de ne pas remettre en question les sondages eux-mêmes mais leur publication. En d’autres termes, l’individu doté d’une opinion, neutre ou indécis, serait poussé à la modifier, voire à l’abandonner ou encore à adopter une autre lorsqu’il prend connaissance d’un sondage publié. Concrètement, la publication de certaines enquêtes auraient pour effet principal de renforcer le conformisme en marginalisant, « chiffres à l’appui « (EX : cette enquête a montré que…), les opinions minoritaires. A la lecture des résultats de l’enquête, l’individu peut avoir deux types de comportements : - il rejoint le camp majoritaire pour ne pas être isolé ; - il renonce à son opinion en se réfugiant dans l’abstentionnisme ou le camp des « sans opinion « ! E) L’individu moderne est-il conformiste et influençable ? Le constat fait dans le point précédent tend à le confirmer. Toutefois, il convient de nuancer les choses. L’individu moderne serait un sujet privé d’idéaux qui ne peut résister aux modèles de comportement véhiculés par les mass média. Ce conformisme de l’individu démocratique inquiétait déjà Tocqueville. Le terme anglo-saxon « mass media « se traduit en français courant par « médias «. Sont ainsi désignés les moyens de communication de masse ou un petit nombre de personnes construit, sélectionne, code et diffuse une information
pour un grand nombre de spectateurs ou d’auditeurs. (Dictionnaire des SES, J. Brémond et A. Gélédan, Belin 2002). Cette crainte est à relativiser dans la mesure où la divers semble plutôt l’emporter sur le ité conformisme dans les sociétés modernes. Les partisans de cette approche insistent sur le fait que la société est constituée de différents groupes sociaux auxquels l’individu appartient par sa naissance ou par choix personnel et dans lesquels l’individu cherche à se fondre pour montrer qu’il en fait partie (= conformisme). En même temps qu’il marque son appartenance à un groupe cela lui permet également de se distinguer des autres. Conformisme et différenciation ne sont vraisemblablement pas incompatibles dans nos sociétés démocratiques modernes. NOTE AU LECTEUR Ce dossier constitue un effort de synthèse essentiellement réalisé à partir dequatre ouvrages que sont : L’enseignement de spécialité en SES, Marie-Lise Fosse, Gérard Clérissi, CRDP des Pays de Loire, 1999. Sciences Economiques et Sociales – Enseignement de Spécialité – Baccalauréat, sous la Direction d’Alain Bruno, Editions Ellipses, 2001. Sciences Economiques et Sociales – Enseignement de Spécialité – Manuel d’enseignement, M. Montoussé et G. Renouard, Edition Bréal, 2003. Sciences Economiques et Sociales – Enseignement de Spécialité – Manuel d’enseignement, sous la Direction d’Albert Cohen et Gilles Martin, Edition Bordas, 2003.

Liens utiles