Article de presse: Eichmann écoute impassible l'acte d'accusation
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
rompre le monologue, chercher une précision.
Voici Eichmann racontant une extermination à Kuln.
" j'ai vu une pièce à peu près cinq fois grande comme ici.
Il y avait desjuifs.
Ils devaient se déshabiller.
Un camion arrivait ensuite à la porte.
Les juifs devaient y monter.
On fermait le camion, qui semettait à rouler.
Je n'ai pas regardé tout le temps, cela me suffisait.
J'étais trop bouleversé.
Je l'ai dit à Muller en rentrant.
Il n'apas dû tirer un grand profit de mon rapport ".
Et encore ceci : " J'ai suivi un des camions.
Il se rendait à une tranchée.
On a ouvert pour vider.
C'était comme si les corpsétaient encore vivants tellement ils étaient souples.
Je vois encore un civil enlever les dents en or avec des tenailles.
Je suisretourné à ma voiture sans dire un mot.
J'étais fini.
Je me souviens qu'un médecin m'a dit de venir regarder l'intérieur d'un camionpar un hublot.
Je ne pouvais pas.
Je voulais m'en aller ".
La voix monte, presque un cri affolé : " Terrible, je vous dis, l'enfer.
Je ne pouvais pas, je ne pouvais pas (Ich kann das nicht) ".
D'autres bandes encore, aussi terribles.
Eichmann parle d'Auschwitz, des crématoires rougis.
Et toujours en leitmotiv : " C'étaitle plus terrible.
C'est la chose la plus horrible que j'aie vue ".
Dans sa cage de verre, il subit.
" L'inobéissance? Qu'aurait-elle pu apporter ? A qui aurait-elle profité? Néanmoins, je le sais, jene pourrais pas plaider ici que je suis innocent.
Mais cela n'a certainement plus aucune signification aujourd'hui.
Je recevais desordres ceux qui ont pris l'initiative, qui ont organisé, donné des ordres, veillé à leur exécution, ont échappé à leur responsabilitéen se suicidant.
D'autres, qui faisaient partie de ces mêmes cercles dirigeants, se sont enfuis, et on ne les trouve plus.
Bien quemes mains soient propres, qu'elles n'aient pas versé le sang, on me condamnera comme complice d'assassinat.
Quoi qu'il en soit,je suis prêt à expier aujourd'hui tous ces horribles forfaits.
Je sais que je suis passible de la peine de mort.
Je ne demanderai pasde pitié, car je ne la mérite pas.
Et si cela doit signifier que je dois expier de manière suprême, je suis prêt à me faire pendre enpublic pour que tous les antisémites du monde puissent me voir.
Mais, tout d'abord, permettez-moi d'écrire encore un livre surtous ces horribles événements afin qu'il serve d'avertissement à la jeunesse d'aujourd'hui et à celle qui viendra.
Alors je serai prêtà terminer ma vie sur cette terre...
".
Voilà ce qu'a livré mercredi la voix d'Adolf Eichmann au procès de Jérusalem, qui, d'un seul coup, a pris toute son ampleur.
Cen'était pas Eichmann présent, figé dans son habitacle de verre, qui parlait, mais celui qui, il y a plusieurs mois encore, sous le chocde la capture après quinze ans d'errance, répondait au commissaire Less.
Et, devant ses juges, il écoutait comme nousl'écoutions, mais du moins, lui, savait la signification profonde des mots qui furent les siens.
Le magnétophone déroulait calmement ses bandes, livrant publiquement ce qui n'est qu'une mince anthologie d'une confessionqui occupa plus de cent heures et représente un texte de près de quatre mille pages.
Mais déjà cette citation résume tout.
Eichmann ne se sent pas coupable il se résigne à être proclamé tel.
Et il ne parvient pas àse dégager de cette contradiction fondamentale.
Nous saurons seulement plus tard par lui ou par son avocat ses sentiments actuels sur cette interminable explication où l'horriblecôtoie le banal.
Dans le temps où il la livra, il semble en tout cas l'avoir sincèrement désirée.
A maintes reprises intervient la voix ducommissaire attirant l'attention de l'homme sur l'importance des paroles prononcées, offrant la possibilité du silence.
Chaque foisla voix d'Eichmann repousse l'invite, demande à parler encore, encore...
et elle repart lourde, coupée de silences, d'hésitations,empreinte d'une obsédante lassitude.
Recherche d'un homme ? Psychanalyse d'un nazi ? A coup sûr Eichmann par lui-même.
Il lui fut demandé par exemple combien de juifs il envoya à Auschwitz.
La réponse est celle d'un homme qui se dérobe, d'unaccusé banal : " Monsieur le commissaire, il faudrait avoir les bordereaux d'expédition.
Ce n'était pas moi qui établissais cesbordereaux ni qui convoquais les conférences où on les établissait ".
Puis, comme le commissaire insiste et veut savoir combien de juifs ont été gazés, la réponse change du tout au tout et aboutit auplus inattendu : " Si nous devons parler chiffres, un million, ou quatre millions, ou cent, du point de vue du principe, n'est-ce pas lamême chose ? ".
Pourtant il a visité des camps, des lieux de massacre.
Il a vu ce qui se passait et comment cela se passait.
On l'envoyait pourqu'il établisse des rapports confirmant la bonne marche des opérations.
Alors il se présente chancelant, faible comme une fillette,livide, la nausée au coeur.
De tels passages ont quelque chose d'hallucinant.
On y sent une morbide complaisance à livrerl'horreur.
Le voilà en visite à Auschwitz : " Je ne m'intéressais qu'au quartier général.
Je n'ai jamais pénétré plus loin.
Je ne l'ai.
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