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Article de presse: Indochine : la fin d'un cauchemar

Publié le 22/02/2012

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23 juillet 1954 - C'est au milieu d'une affluence extraordinaire que le débat sur les accords qui viennent d'être signés à Genève s'est ouvert, jeudi, à 17 heures seulement, comme l'avait demandé M. Mendès France. Il n'y avait pas une place vide dans les galeries du public, et fort peu dans l'hémicycle. Dans la première partie de son discours, M. Mendès France s'est exprimé en ces termes : " J'ai conclu dans le délai que je m'étais imparti (...) les accords pour la cessation des hostilités en Indochine. D'ici peu de jours (...) le sang aura cessé de couler, et nous n'aurons plus le sentiment poignant que notre jeunesse est décimée là-bas. C'est la fin d'un cauchemar. En cet instant, je vous demande la permission de m'associer aux nobles paroles que vient de prononcer le président de votre Assemblée, et après lui de rendre un hommage solennel et ému à nos combattants et à ceux des armées nationales qui ont lutté à nos côtés : ils se sont battus pendant sept ans et, singulièrement dans les dernières semaines, ils ont tenu dans des conditions dont on connaîtra un jour le caractère dramatique, sans espoir de conquérir, mais décidés à tenir jusqu'à la mort. Ils ont tenu : grâces leur en soient rendues. Nous nous inclinons pieusement devant les morts, nous nous inclinons devant ceux qui les pleurent ". " Je ne me fais pas d'illusions, et je voudrais que personne ne se fasse d'illusions sur le contenu des accords. Leur texte est parfois cruel, parce qu'il consacre des faits qui sont cruels. Entre le moment où j'ai été chargé de former le gouvernement et celui où je me suis présenté devant vous, j'ai procédé, il vous en souvient, à de larges consultations avec nos chefs militaires. J'ai acquis alors la conviction que si la guerre devait durer le corps expéditionnaire serait en péril dans le nord de l'Indochine, à moins qu'il ne reçût à très bref délai des renforts importants : l'envoi du contingent devenait une nécessité impérieuse. Je l'avais laissé entendre dans ma déclaration d'investiture. Il y a quinze jours, je l'ai répété expressément devant vous ". " Peut-être comprendra-t-on maintenant ce qui fut appelé un pari, au sens péjoratif de ce mot, alors qu'il avait une tout autre signification : si dans les trente jours les hostilités ne cessaient pas, nos jeunes gens étaient obligés de partir sans qu'il fût certain qu'avant leur arrivée notre corps expéditionnaire ne serait pas exposé aux plus graves dangers. Telle est l'explication d'un délai qui a surpris l'opinion française et étrangère, explication que je ne pouvais donner publiquement sans révéler à l'adversaire la faiblesse de notre dispositif militaire. Ce délai était nécessaire pour la préparation en France de l'envoi de renforts, et il devait être utilisé comme une mise en demeure à nos adversaires de faire la preuve de leur volonté de paix ". " Aujourd'hui, je peux en parler librement. Si, ce que je ne crois aucunement, l'accord était violé par nos adversaires, le dispositif de secours est maintenant en place, le recours au Parlement serait immédiat : toutes les précautions sont prises. J'ai ainsi dû lutter contre le temps dans l'intérêt supérieur du pays ". Après avoir exposé le déroulement et le résultat des négociations, M. Mendès France déclare : " Les accords consacrent des pertes déjà subies ou des pertes rendues inévitables par la détérioration de la situation militaire. Ils laissent intactes les possibilités qui existent pour la France de maintenir sa présence en Extrême-Orient. Ils doivent amener les Etats dont nous avons proclamé l'indépendance à prendre conscience du rôle qu'ils sont appelés à jouer au sein de la communauté des nations. Sur leur demande, nous aurons à leur fournir aide et appui pour les conduire à un mieux-être et pour consolider leur sécurité. Telle sera la politique généreuse et réaliste de la France ". " Notre mission n'est donc pas terminée. Elle revêt des aspects nouveaux et continuera à entraîner des charges. Je n'ai jamais dit que la fin des hostilités en Indochine allégerait le fardeau énorme qui pèse sur nos épaules. Mais elle se traduit par ce bien précieux qu'est la préservation de notre jeunesse, ainsi que la possibilité de renforcer notre politique militaire en Europe et en Afrique ". (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs de la droite et des républicains sociaux). Puis il termine son discours : " Je crois n'avoir rien laissé dans l'ombre. Si vous avez des doutes, posez-moi des questions, je vous répondrai. J'ai conscience de n'avoir été guidé que par le souci de l'intérêt national, de l'intérêt de toute la nation. A Genève, je me suis senti fort de la confiance que l'Assemblée m'avait accordée; fort de l'appui du sentiment public qui m'a soutenu dans les heures difficiles. J'aurais aimé, je l'avoue, qu'aucun des concours que j'avais souhaités, et que je souhaite encore, ne me manque dans mes efforts ". " Une dure étape a été franchie. Mais d'autres, non moins difficiles, jalonnent notre route. Ne sentez-vous pas de quelles grandes entreprises, constructives celles-là, ce pays est capable, pour peu qu'une volonté commune anime enfin tous ses enfants ? " (Applaudissements prolongés à gauche, à l'extrême gauche, sur de nombreux bancs des républicains sociaux et sur quelques bancs des modérés et du MRP).

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