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Article de presse: L'Afrique centrale francophone secouée par la violence

Publié le 17/01/2022

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afrique
5 juin 1997 - Le Congo et le Centrafrique après le Rwanda, le Burundi et l'ex-Zaïre sont la proie d'une folie meurtrière qui sème la mort et la désolation dans Brazzaville et Bangui. Une implacable logique semble frapper, l'un après l'autre, les pays francophones d'Afrique centrale. Un peu comme si les répliques du séisme qui a ravagé le Rwanda en 1994 n'en finissaient pas de faire trembler le coeur du continent. Mais si le Congo et le Centrafrique subissent aujourd'hui certaines répercussions de l'histoire récente de la région, rien n'indique pour autant que la fièvre qui s'empare de ces deux pays soit une pure contagion : leur situation est différente, comme est différente la relation qu'entretient avec eux la France. Rien ne permet de prédire non plus que la fameuse "théorie des dominos", appliquée en son temps par l'Américain Henry Kissinger au Sud-Est asiatique, menace aujourd'hui d'autres capitales d'Afrique francophones. L'assassinat du président rwandais, Juvénal Habyarimana, et de son homologue burundais, Sylvestre Ntibantuganya, le 6 avril 1994, a été le point de départ d'un des plus grands génocides du siècle. Plus de 500 000 Rwandais ont été massacrés en moins de cent jours par les extrémistes hutus guidés par l'entourage du président défunt, payant ainsi de leur vie le fait d'appartenir à la minorité tutsie ou d'être membres de la majorité hutue mais opposés au régime Habyarimana. La tragédie des réfugiés Les Tutsis du Front patriotique rwandais (FPR), qui avaient tenté de s'emparer du pouvoir par la force en octobre 1990 et en février 1993, en envahissant le pays à partir de l'Ouganda voisin, ne sont parvenus à leurs fins qu'en juillet 1994, après avoir mis fin au génocide. Ils ont vaincu les Forces armées rwandaises (FAR), contraintes après leur défaite à prendre le chemin de l'exil. Les soldats rwandais ont entraîné dans leur sillage ou poussé devant eux quelque 2 millions de civils qui se sont réfugiés au Burundi, en Tanzanie et dans l'ex-Zaïre. C'est dans le Nord et le Sud-Kivu, les provinces orientales de ce pays, qu'ils se sont établis en plus grand nombre, dans des camps de réfugiés qui portaient en germe la fin politique du président zaïrois, le maréchal Mobutu Sese Seko. Bien vite, les fonctionnaires, les ex-militaires et les Interahamwes, ces miliciens hutus de sinistre réputation, ont imposé leur loi sur ces camps de réfugiés dont certains regroupaient plus de 250 000 personnes; les camps sont ainsi devenus la base de raids lancés en territoire rwandais. Soutenus par l'Ouganda de Yoweri Museveni, le maître à penser de Paul Kagamé, le véritable homme fort de Kigali, par les Américains et par les pays de la région (à l'exception du Congo et du Centrafrique), les Rwandais se sont lancés en octobre et en novembre 1996 à l'assaut des camps de réfugiés dans l'Est zaïrois, s'abritant derrière les rebelles de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila. A la mi-novembre, des camps dispersés par la force, plusieurs centaines de milliers de réfugiés sont rentrés au Rwanda. Les autres ont fui la mitraille, les exécutions sommaires, les massacres et, pour certains, la justice qui les attendait au pays pour les crimes commis en 1994, et ont repris leur route vers l'ouest. Les survivants sont arrivés à la frontière angolaise; certains ont réussi à pénétrer en Centrafrique; quelques milliers sont entrés, dans un état lamentable, au Congo-Brazzaville. Les derniers, ceux qui n'ont pas été massacrés ou rapatriés, s'éteignent progressivement dans les forêts équatoriales inhospitalières de la nouvelle République démocratique du Congo (RDC) de Laurent-Désiré Kabila. Le Zaïre est en effet redevenu Congo (Kinshasa). Après vingt-cinq ans de dictature et sept ans de transition chaotique, le maréchal Mobutu a été contraint de quitter le pays qu'il croyait sien. Le feu a gagné le Congo-Brazzaville et le Centrafrique voisins. A Brazzaville, l'approche de l'élection présidentielle, programmée pour le 27 juillet, a ravivé la rivalité opposant l'ancien président, le général Denis Sassou Nguesso et l'actuel chef de l'Etat, Pascal Lissouba. Le premier veut revenir au pouvoir, le second veut y rester. Le général Sassou Nguesso, autrefois chef marxiste-léniniste d'un parti unique, est à la tête d'une milice, véritable armée personnelle, les "Cobras". M. Lissouba, président démocratiquement élu en août 1992 est soutenu par les forces régulières et une somme de bandes armées regroupées en milice, les "Zoulous". Depuis début juin, les combats entre les deux camps observés avec attention par les "Ninjas" de Bernard Kolelas, le populaire maire de Brazzaville auraient fait quelque 2 000 morts. Bond en arrière A Bangui, des mutineries successives ont ébranlé le régime du président Ange-Félix Patassé. La dernière en date, celle de novembre 1996, a bien fait vaciller le chef de l'Etat, pourtant démocratiquement élu en 1993. La fraction de l'armée qui réclame son départ est fidèle à l'ancien président André Kolingba qui privilégiait les siens, comme M. Patassé le fait aujourd'hui. Depuis le mois de février, une force interafricaine de 700 hommes détachés par six pays (Burkina Faso, Gabon, Mali, Sénégal, Tchad et Togo), chargée de faire respecter les accords de paix signés à Bangui le 25 janvier, soutenue financièrement et logistiquement par la France, n'a pas encore réussi à pacifier la capitale. Au Congo-Brazzaville comme en Centrafrique, les conflits, largement sous-tendus par des problèmes régionaux et tribaux, ont été nourris par la déliquescence du régime zaïrois. Les trois pays sont frontaliers. Des fortunes se sont constituées sur la base de trafics en tous genres. Les frontières ont toujours été perméables, et au cours des cinq dernières années, les barons du clan Mobutu ont épaissi leur galette en vendant aux uns et aux autres de grandes quantités d'armes. Il est également avéré que les nouvelles autorités de Kinshasa, et ceux qui les soutiennent, apprécieraient l'effondrement de régimes qu'ils considèrent comme corrompus et anachroniques dans une Afrique qu'ils aimeraient voir aborder le troisième millénaire remodelée et dirigée par de nouveaux chefs : des hommes forts, idéologues, pragmatiques et austères, à l'image du Rwandais Paul Kagamé. Rien n'indique cependant que d'autres capitales francophones pourraient bientôt s'embraser. Le Rwanda, le Burundi et l'ex-Zaïre, pour être francophones et avoir été soutenus par Paris, n'en sont pas moins d'anciennes colonies belges où la France n'a jamais eu de grands intérêts économiques. A contrario de ces trois pays, le Congo-Brazzaville et le Centrafrique se sont fermement engagés au début des années 90 sur la voie de la démocratisation et aussi bien M. Lissouba que Patassé, nonobstant leur passé, ont été élus au suffrage universel lors de scrutins pluralistes dont les résultats n'ont pas été contestés. Les mutineries de 1996 en Centrafrique et l'élection présidentielle du 27 juillet au Congo-Brazzaville n'ont pas été programmées à Kampala, Kigali, Kinshasa ou Washington. Et cette succession d'événements dramatiques en Afrique centrale tient vraisemblablement plus de la concomitance que de la logique. Pour le reste, la démocratie sur le continent aura fait un pas de géant quand les Africains seront enfin à même de se décider, de choisir et de voter en fonction d'idées politiques, plutôt qu'en fonction de critères régionaux, ethniques, tribaux ou claniques : une question qui relève d'abord de l'éducation, donc du développement. Tourner sciemment le dos au multipartisme, favoriser l'émergence d'une nouvelle caste d'hommes forts à la tête des Etats, sous le fallacieux prétexte que les sociétés africaines ne sont pas suffisamment mûres pour la démocratie, revient à faire un colossal bond en arrière. Certains prétendent qu'il s'agit là de décisions courageuses et salutaires. Mais revenir aux difficiles lendemains des indépendances n'incite pas particulièrement à l'optimisme. FREDERIC FRITSCHER Le Monde du 26 juin 1997
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« novembre 1996, a bien fait vaciller le chef de l'Etat, pourtant démocratiquement élu en 1993.

La fraction de l'armée qui réclameson départ est fidèle à l'ancien président André Kolingba qui privilégiait les siens, comme M.

Patassé le fait aujourd'hui. Depuis le mois de février, une force interafricaine de 700 hommes détachés par six pays (Burkina Faso, Gabon, Mali, Sénégal,Tchad et Togo), chargée de faire respecter les accords de paix signés à Bangui le 25 janvier, soutenue financièrement etlogistiquement par la France, n'a pas encore réussi à pacifier la capitale. Au Congo-Brazzaville comme en Centrafrique, les conflits, largement sous-tendus par des problèmes régionaux et tribaux, ontété nourris par la déliquescence du régime zaïrois.

Les trois pays sont frontaliers.

Des fortunes se sont constituées sur la base detrafics en tous genres.

Les frontières ont toujours été perméables, et au cours des cinq dernières années, les barons du clanMobutu ont épaissi leur galette en vendant aux uns et aux autres de grandes quantités d'armes.

Il est également avéré que lesnouvelles autorités de Kinshasa, et ceux qui les soutiennent, apprécieraient l'effondrement de régimes qu'ils considèrent commecorrompus et anachroniques dans une Afrique qu'ils aimeraient voir aborder le troisième millénaire remodelée et dirigée par denouveaux chefs : des hommes forts, idéologues, pragmatiques et austères, à l'image du Rwandais Paul Kagamé. Rien n'indique cependant que d'autres capitales francophones pourraient bientôt s'embraser.

Le Rwanda, le Burundi et l'ex-Zaïre, pour être francophones et avoir été soutenus par Paris, n'en sont pas moins d'anciennes colonies belges où la France n'ajamais eu de grands intérêts économiques.

A contrario de ces trois pays, le Congo-Brazzaville et le Centrafrique se sontfermement engagés au début des années 90 sur la voie de la démocratisation et aussi bien M.

Lissouba que Patassé, nonobstantleur passé, ont été élus au suffrage universel lors de scrutins pluralistes dont les résultats n'ont pas été contestés. Les mutineries de 1996 en Centrafrique et l'élection présidentielle du 27 juillet au Congo-Brazzaville n'ont pas été programméesà Kampala, Kigali, Kinshasa ou Washington.

Et cette succession d'événements dramatiques en Afrique centrale tientvraisemblablement plus de la concomitance que de la logique.

Pour le reste, la démocratie sur le continent aura fait un pas degéant quand les Africains seront enfin à même de se décider, de choisir et de voter en fonction d'idées politiques, plutôt qu'enfonction de critères régionaux, ethniques, tribaux ou claniques : une question qui relève d'abord de l'éducation, donc dudéveloppement. Tourner sciemment le dos au multipartisme, favoriser l'émergence d'une nouvelle caste d'hommes forts à la tête des Etats, sousle fallacieux prétexte que les sociétés africaines ne sont pas suffisamment mûres pour la démocratie, revient à faire un colossalbond en arrière.

Certains prétendent qu'il s'agit là de décisions courageuses et salutaires.

Mais revenir aux difficiles lendemainsdes indépendances n'incite pas particulièrement à l'optimisme. FREDERIC FRITSCHERLe Monde du 26 juin 1997. »

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