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Cours: LE DESIR (1 de 4)

Publié le 22/02/2012

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desir

INTRODUCTION

1) L'expérience commune du désir

- Nous éprouvons tous le désir, dans nos actes comme dans nos rêves : l’expérience du moi, c’est l’expérience du désir.

- Au commencement est le désir, et donc l’action : pas de désir qui ne soit actif, pas d’action qui ne soit désirée, directement ou indirectement. Quelques exemples : je marche, c’est que je désire avancer; je m’arrête, c’est que je désire me reposer, ou regarder cette vitrine…Et même si j’ai l’impression d’agir contre mon désir (par exemple sous la menace), c’est qu’un autre désir en moi l’emporte sur le premier : par exemple, le désir de vivre est plus fort que celui de garder mon argent. Je ne commencerais donc jamais un seul acte si je ne désirais, consciemment ou inconsciemment, la fin qu’il vise. Je n’ai certes pas choisi de vivre, mais je vis, et je désire vivre : sans ce désir je serais mort. Et même celui qui se suicide, c’est qu’il désire ne plus être, ou ne plus souffrir. Qu'est-ce que vivre, sinon désirer vivre ? Ainsi l’amour est-il désir d’amour, la politique désir de pouvoir, la morale désir de vertu, la science désir de vérité, etc.

- Faisons remarquer ensuite que le besoin paraît s'effacer de plus en plus dans le monde occidental de la surproduction et de la consommation, même s'il y a encore des poches gigantesques de misère et de précarité. Tout est devenu objet de désir : une automobile, un compte bancaire, une maison, un plat de spaghetti. Et l'on sait que tout l'art de la publicité consiste à susciter en nous toujours plus de désirs, c'est-à-dire toujours plus de consommation. La culture médiatico-politique du monde occidental ne cesse d'inventer de nouveaux pièges à désir, lequel devient une valeur centrale et presque sacrée.

- Mais de quel désir s'agit-il et qu’entend-on par désir ?

2) Définition du désir

- L’origine étymologique (desiderare) du mot désir (le regret d’un astre disparu, la nostalgie d’une étoile) suggère l’ambiguïté du désir : dire que le désir est tout proche du regret et de la nostalgie, c’est reconnaître qu’il n’est pas seulement défaut et privation, mais qu’il est pressentiment d’un Bien qui nous comblera ou peut-être souvenir d’avoir possédé jadis cette richesse.

- Le désir est, en effet, la recherche d’un objet que l’on imagine ou que l’on sait être source de satisfaction.

3) Problématique

- En quoi le désir fait-il problème ? Essentiellement parce que sa nature est contradictoire : il est certes le sentiment d’un manque (je ne désire, semble-t-il, que ce que je ne possède pas). Pourtant le désir semble refuser sa satisfaction, puisque, à peine assouvi, il s’empresse de renaître, de sorte que le désir veut et ne veut pas être satisfait. Le désir est-il alors le manque perpétuel par excellence, un creux au coeur de l'homme, ou bien une création authentique, le mouvement par lequel on peut accroître les perfections de son être ?

- Le désir n’est - il pas finalement, comme le pense Spinoza, l’essence de l’homme ? Ne possède-t-il pas une valeur éminemment positive en tant que puissance d’affirmation et de création ? Le désir ne serait plus alors la marque de la misère de l’homme, mais l’indice de sa grandeur, la plus grande indigence étant, comme le souligne Rousseau, dans l’absence du désir : “ malheur à qui n’a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède ” (La nouvelle Héloise).

I) NATURE ET ORIGINE DU DESIR

- En premier lieu, d'où vient le désir ? Quelle est sa véritable nature ou essence ? Est-il la même chose que le besoin et la volonté ? En somme, pourquoi désirons-nous ?

A) DESIR, VOLONTE ET BESOIN

1.     Désir et volonté

- Le désir est ce mouvement qui me porte vers un objet que j'imagine source de satisfaction. Le désir ne se confond pas avec la volonté, si l'on entend par volonté l'organisation réfléchie de moyens en vue d'une fin. Elle qualifie une conduite qui associe fin consciente et moyens adaptés. La volonté est la faculté censée être la cause initiale des actes délibérés et qui permet d'agir d'après la représentation de fins.

- Vouloir effectivement réussir à un examen ne consiste pas seulement à le désirer, mais bien à organiser les moyens permettant de parvenir à la fin poursuivie. Alors que le désir est la tension vers un but ressenti comme pôle possible de satisfaction, la volonté, comme on le voit, représente cette forme de l'activité personnelle qui comporte la représentation de l'acte à produire et des moyens nécessaires à sa réalisation. Le désir va droit à l'objet en quelque sorte, tandis que la volonté suppose une synthèse nouvelle intégrant l'obstacle et la médiation. La volonté élabore des stratégies, alors que le désir en reste au niveau de l'immédiateté et n'implique pas la maîtrise de soi. C'est ce qu'affirme Aristote : " Qui n'est pas maître de soi est capable de désirer, non d'agir par libre choix; en revanche, qui est maître de soi agit par choix délibéré et non sous l'impulsion du désir…" (Ethique de Nicomaque).

- La volonté est à distinguer également de la velléité et du souhait.

- Le souhait, proche de l'aspiration ou de l'envie, est passif et indécis, il n'est suivi d'aucune action réelle vers le but. De même, la velléité désigne l'envie faible, passagère, l'intention qui n'aboutit à aucune décision. La velléité est une tendance mal affirmée, une tentative hésitante. Tout au contraire, la volonté progresse activement vers le but, fût-ce à travers un chemin rude, amer, rebutant. La volonté active, à la différence du souhait ou de la velléité passive, accepte de passer par un itinéraire ingrat, désagréable, pénible.

2.     Désir et besoin

- Quel rapport rapport convient-il maintenant d'établir entre le désir et le besoin ? Le besoin est-il la même chose que le désir ? Ne désirons – nous, en fait,  que ce dont nous avons besoin ?.

- Le besoin correspond à l’état de l’organisme privé de ressources nécessaires à son bon fonctionnement; il est un état de manque correspondant à une nécessité vitale et il se traduit subjectivement par une tension interne qui exprime la conscience de la privation et amène la recherche d'un objet spécifique de satisfaction. Le besoin est d’ordre physiologique ou matériel essentiellement, son objet est parfaitement déterminé (une nourriture simple peut satisfaire ma faim, un verre d’eau peut étancher ma soif) et il peut être repu.

- Le désir déborde le besoin : il n’a pas d’objet qui lui soit par avance assigné (nous pouvons désirer tout et n’importe quoi); il ignore souvent ce qu’il souhaite; il appartient au monde de l’imaginaire, du fantasme; c’est, en somme, un besoin " culturalisé ".

- Conséquence : le besoin serait de l’ordre de la nécessité, essentiellement biologique, de la survie, tandis que le désir serait de l’ordre du superflu ou viserait des fins qui sont très au-delà de la survie, comme le plaisir ou le bonheur, choses sans lesquelles il est possible de vivre. On a besoin du nécessaire, on désire le superflu.

- Contrairement au désir en proie à la démesure, le besoin possède la sobriété mesurée d'une nécessité vitale. Il caractérise l'état d'un être qui exige pour sa conservation un certain nombre de moyens indispensables. Céder à ses besoins est une nécessité, voire un devoir; le refus d'assouvir les besoins peut paraître comme un vice car il contrevient au principe rousseauiste de l'amour de soi. On peut penser, au contraire, que le refus d'assouvir tous ses désirs est une vertu.

- Ce sont nos désirs qui, parce qu’ils sont l’effet d’un manque, créent un état de besoin, comme on le voit avec la publicité et la société de consommation.  C’est parce qu’on a des désirs qu’on a des besoins, et non l’inverse. C’est parce que je désire être heureux que j’ai besoin des belles et bonnes choses qui me rendront heureux. Ce que je désire, je n’en avais pas besoin avant de le désirer. Autrement dit, j’ai besoin de ce que je désire parce que je le désire et seulement pour cela. Le désir est premier et c’est par rapport à lui que l’état de besoin surgit. Si j’ai besoin d’être aimé ou reconnu, c’est d’abord parce que je désire l’être et que, ne l’étant pas ou pas assez, j’ai fini par en avoir besoin.

- Comment expliquer autrement l’existence de besoins dits sociaux, c’est-à-dire de besoins qui nous sont inspirés non pas par notre nature biologique, mais par notre appartenance à la vie sociale et économique, si ce n’est par le désir de les posséder ?

- Le ressort ici du besoin est avant tout imaginaire : nous nous représentons un objet comme étant une source possible de satisfaction, de bien-être, de bonheur, et c'est à ce titre-là que nous le désirons et lui attribuons la qualité d'un besoin impérieux à combler.  Ces biens de consommation qui suscitent notre convoitise et notre élan de consommateur, nous les avons désirés de telle sorte qu’ils ont fini par engendrer un état de besoin imaginaire. L’état de besoin est l’état dans lequel nous plonge un désir exaspéré, frustré.

- Ce que je désire n’a rien à voir avec ce dont j’ai besoin. Ce que je désire, c’est quelque chose qui n’est pas de ce monde; ce dont j’ai besoin, c’est toujours peu ou prou quelque chose que non seulement je devrais avoir pour accomplir une fin déterminée, mais surtout quelque chose que je pourrais posséder parce que le monde me l’offre. Ce dont j’ai  besoin, c’est de quelque chose qui me manque, mais c’est aussi toujours quelque chose qui existe quelque part, qui est au monde. Alors que ce que je désire, c’est non seulement quelque chose qui n’est pas présent, mais qui surtout n’est nulle part au monde, qui n’est pas du tout. Le besoin a toujours un objet réel, le désir n’a pour objet que des choses qui ne sont pas. D'où le caractère insatiable du désir.

- En somme, il apparaît que le désir est sans rapport avec le besoin : nous ne désirons pas ce dont nous avons besoin, pas plus que nous avons besoin de ce que nous désirons, parce qu’il y a entre l’état de besoin et le désir une différence radicale. Pour trouver une satisfaction, le désir produit un autre monde pendant que le besoin s’empare de ce qui est au monde pour l’employer ou le consommer. 

Conclusion :

- Ces distinctions conceptuelles entre désir, volonté, souhait, velléité et besoin permettent de dégager les premières caractéristiques du désir  : il s'agit d'un mouvement, d'une tension vers un objet manquant et supposé constituer une source de satisfaction; il est essentiellement d'ordre spirituel, imaginaire et existentiel; il n'a pas d'objet spécifique de satisfaction et, contrairement au besoin, semble par nature insatiable. Si le désir est irréductible au besoin, quelle est maintenant son origine ?

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