Devoir de Philosophie

Fustel de Coulanges, Leçon d'ouverture du cours d'histoire de la faculté de Strasbourg (extrait)

Publié le 13/04/2013

Extrait du document

histoire

Au cours de sa carrière, Fustel de Coulanges a exhorté les historiens à devenir « objectifs «. Selon lui, cette objectivité exige une analyse en profondeur (temps, espace, action) des sociétés anciennes, via l’étude scrupuleuse des documents, ainsi qu’une défiance vis-à-vis de la propre mythologie de l’histoire et de l’ombre portée par ses événements sur la complexité et sur la durée des sociétés humaines. En 1862, lors de sa leçon d’ouverture du cours d’histoire de la Faculté de Strasbourg, il reprend certains de ces thèmes sous le titre : « L’histoire : science de l’homme «.

L’histoire — science de l’homme

 

Il me semble, en effet, que l’histoire ne remplit véritablement son objet qu’à la condition d’embrasser une longue série de siècles. Si l’on borne son étude à une époque restreinte, on pourra faire un récit plein d’anecdotes et de détails qui satisferont la curiosité d’une manière parfois amusante ; ce sera un beau tableau, une narration pleine de charme ; mais j’ai quelque peine à me persuader que ce soit là vraiment l’histoire. Je voudrais, messieurs, qu’il fût bien entendu que l’histoire est autre chose qu’un passe-temps, qu’elle n’est pas faite seulement pour occuper notre curiosité et pour remplir les cases de notre mémoire. Elle est et doit être une science. […] […] l’homme n’est pas aujourd’hui ce qu’il était il y a trois mille ans ; il ne pense pas ce qu’il pensait alors, et il ne vit pas comme il vivait. Il suit de là que pour connaître complètement cette nature variable et perfectible, il faut l’avoir observée dans toutes les périodes de son existence ; on peut étudier les autres êtres par la simple observation ; on ne connaît bien l’homme que par l’histoire. Mais l’histoire ainsi envisagée ne peut plus se contenter d’examiner en détail une seule époque, de raconter une biographie brillante, de choisir enfin parmi les événements ceux dont l’exposition nous plaira ou nous touchera le plus. Elle a besoin de remonter jusqu’à l’antiquité, de connaître les institutions des peuples qui ne sont plus, de raviver de son souffle ces vieilles générations qui ne sont même plus de la poussière. Là où les monuments écrits lui manquent, il faut qu’elle demande aux langues mortes leurs secrets, et que dans leurs formes et leurs mots même elle devine les pensées des hommes qui les ont parlées. Il lui faut scruter les fables, les mythes, les rêves de l’imagination, toutes ces vieilles faussetés sous lesquelles elle doit découvrir quelque chose de très réel, les croyances humaines. Là où l’homme a passé, là où il a laissé quelque faible empreinte de sa vie et de son intelligence, là est l’histoire. Elle doit embrasser tous les siècles, puisqu’elle est le livre traditionnel où l’âme humaine inscrit ses variations et ses progrès.

 

 

Source : Fustel de Coulanges (Numa-Denis), « Leçon d'ouverture du cours d'histoire de la faculté de Strasbourg «, in Revue de synthèse historique, 1901.

 

Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Liens utiles