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Grand cours: LE POUVOIR (c/g)

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

 

2.2– L’habitus

- Bourdieu montre aussi que les agents qui occupent une même position sociale partagent un même habitus de classe, c’est-à-dire un système de dispositions qui homogénéisent leurs pratiques et leur vision du monde. L’habitus est un système de dispositions intériorisées qui orientent nos pratiques sociales et nos stratégies individuelles et qui constituent autant de variantes de nos “habitus de classes”. Par exemple, nos choix et nos goûts esthétiques révèlent, tout en les masquant notre statut social, mais également nos aspirations et nos prétentions.

- L’habitus est acquis par l’individu au cours du processus de socialisation. Les dispositions sont des attitudes, de inclinations à percevoir, sentir, faire et penser, intériorisées par les individus du fait de leus conditions objectives d’existence. Ces dispositions fonctionnent comme des principes inconscients d’action, de perception, de réflexion. L’intériorisation est un mécanisme essentiel de la socialisation : les comportements, les valeurs appris sont considérés comme allant de soi, comme étant naturels, quasi instinctifs.

- L’habitus = la grille de lecture à travers laquelle nous percevons et jugeons la réalité et le producteur de nos pratiques. Fondement de ce qui définit la personnalité d’un individu. Nous avons ainsi l’impression d’être nés avec ces dispositions, ce type de sensibilité, cette façon d’agir et de réagir, ce style. Aimer la bière plutôt que le vin, les films d’action plutôt que les films politiques, voter à droite plutôt qu’à gache sont des produits de l’habitus. De même que marcher le buste droit ou courbé, être gauche ou manifester de l’aisance dans le srelations interpersonnelles… Les différences e personnalité individuelle ne sont qu’une variante d’une personnalité sociale, elle-même n’téant que le produit d’un habitus de classe.

- L’homogénéité des habitus au sein d’un même groupe est au fondement des différences de styles de vie au sein de la société. Un style de vie est un ensemble de goûts, de croyances, de pratiques caractéristiques d’une classe ou d’une fraction de classe. Il comprend : les opinions politiques, les croyances philosophiques, les convictions morales, les préférences esthétiques, les pratiques sexuelles, alimentaires, vestimentaires, etc. Bourdieu distingue trois styles de vie différents dans la société française contemporaine qui recoupent les distinctions de classes évoquées précédemment :

1.     Le style de vie de la classe dominante : habitus fondé sur la notionde distinction. Faire distingué, par son aisance corporelle (hexis) et son langage (langue châtiée), le choix de l’ameublement intérieur (préférence pour les meubles anciens), les lieux de villégiature. A l’intérieur de cette classe, clivage interne, comme on l’a vu, selon la structure du capital possédé. D’où deux styles de vie :

·       les détenteurs de capital économique : détention de signes culturels légitimes (voyages, possession des oeuvres d’art, des voitures de luxe) ;

·       les détenteurs de capital culturel : la distinction se fait par les lectures, le penchant pour la musique classique, l’intérêt pour le théâtre. Aux goûts de luxe des premiers s’oppose l’aristocratisme ascétique des détenteurs de capital culturel.

·       A noter également que l’ancienneté de l’appartenance à la bourgeoisie a des effets sur l’habitus : l’ancienne bourgeoisie se caractérise par la morale austère de la production et de l’accumulation (valeurs de l’abstinence, de la sobriété, de l’épargne, du calcul) ; la nouvelle bourgeoisie se définit par une morale hédoniste de la consommation, reposant sur le crédit, la dépense, la jouissance.

2.     La petite bourgeoisie : volonté d’ascension.

·       Petite bourgeoisie ascendante : habitus comparable à la nouvelle bourgeoisie : devoir de plaisir, écoute du corps (relaxation, alimentation saine et équilibrée) ;

·       Petite bourgeoisie en déclin : préférences plus austères, plus traditionnelles (prédominance des valeurs du travail, de l’ordre, de la rigueur, de la minutie).

3.     Les classes populaires : habitus marqué par le sens de la nécessité, la soumission à l’urgence ; choix refusant la gratuité des exercices esthétiques. Les ouvriers, par exemple, préfèrent les intérieurs « nets et propres «, les vêtements « simples «. Valorisation de la force physique comme dimension de la virilité : choix de fortes nourritures, attrait des exercices de force… Pratiques à mettre en relation avec leur situation : ils vendent leur force de travail en tant que salariés.

- L’habitude, en somme, est un puissant facteur de reproduction sociale : les agents porteurs du même habitus n’on tpas besoin de se concerter pour agir de la même façon. Chacun, en obéissant à son goût personnel, s’accorde spontanément et sans le savoir avec des milliers d’autres qui pensent, sentent, choisissent comme lui. Analogie avec la pratique musicale : les agents agissent comme des musiciens qui improvisent sur un même thème, chacun jouant quelque chose de différent qui s’accorde pourtant harmonieusement avec ce que joue chacun des autres ; l’habitus est un principe instaurant une orchestration des pratiques sans chef d’orchestre visible. L’habitus est ce qui rend possible la cohérence, l’unité de la pratique collective. Il rend possible un ensemble de comportements et d’attitudes conformes aux inculcations et aux régularités objectives.

- Cf. Document « mini-stratégies et classes «

2.3 - Le pouvoir des élites et des grandes écoles

- Dans La reproduction, il montre que l’école (l’ensemble des institutions scolaires et universitaires) est un enjeu décisif de la lutte des classes : les enseignants contribuent inconsciemment le plus souvent à transmettre et à consacrer les valeurs et les normes des classes dominantes : elle ne fait qu’avaliser et reproduire les inégalités sociales.

- De même, dans La noblesse d’Etat, il établit que les élites, en France, aux USA, en Angleterre, gouvernent par compétence et savoir à travers une magie sociale et symbolique consacrée par l’institution scolaire et par des pratiques de distinction. Les Grandes Ecoles, qui fournissent les plus haut cadres de la nation, sont détentrices de privilèges et exercent une domination symbolique et réelle. Des élites se constituent à travers des stratégies multiples de reproduction sociale et forment une sorte de noblesse d’Etat dont la logique s’apparente à celle de l’Ancien régime. Ces élites dirigent non seulement les organisations, mais le secteur public, l’Etat, etc. Qui gouverne en somme ? L’ENA, l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales, l’Ecole normale, l’Ecole polytechnique, etc., c’est-à-dire des groupes, des Ecoles qui se distinguent par leurs positions intellectuelles, leus styles et modes de vie, leurs valeurs, leurs normes, leurs croyances, leur capital culturel.

- Dans les années 1960, l’élite intellectuelle est constituée des normaliens de la Rue d’Ulm, des professeurs. Dans les décennies 1980-1990, le champ du pouvoir se modifie profondément en France. La culture classique et désintéressée régresse fortement au profit de la puissance technocratique. A cet affaiblissement correspondent de nouvelles structures de pouvoir : affaiblissement de la Rue d’Ulm, accroissement de la domination de l’ENA et de tout un ensemble d’institutions nouvelles : écoles de gestion, de marketing, de publicité, de journalisme, de communication, etc.

- Le champ des Grandes Ecoles désigne un espace dans lequel s’opposent plusieurs pouvoirs spécifiques, celui de la culture désintéressée (Ecole Normale), celui de la compétition adaptée à notre monde contemporain, où domine la figure de l’expert responsable (ENA). Le pouvoir des Grandes Ecoles renvoie à des hiérarchies symboliques subtiles, à des privilèges, des distinctions constitutives de toute domination.

- On a d’abord une dichotomie « grande et petite porte « : « la grande porte « est celle des Grandes Ecoles qui dessinent un espace de domination correspondant à la Noblesse d’Etat ; la « petite porte « du pouvoir s’incarne dans les Facultés et les petites écoles supérieures. A cette structure globale se surajoute la dichotomie « public-privé « : d’un côté, les patrons d’Etat, issus de l’ENA, qui font carrière dans le services public et dans les grandes affaires liées à l’Etat (entreprises nationalisées ou tributaires des marchés d’Etat, grandes banques…), et de l’autre, les patrons du privé, issus plutôt de HEC ou des écoles de commerce.

- La stratégie contemporaine du pouvoir : prendre en charge la gestion et la communication pour exercer la domination à travers les symboles les plus puissants : rôle fondamental de l’image, de l’information dans la mise en place de contrôles sociaux dominants. La force du pouvoir : capacité de bien gérer et de bien faire communiquer. Les élites gouvernent donc par compétence et par savoir, mais aussi

2.4 – Conclusion

- L’originalité de Bourdieu est de nous proposer une théorie de la domination, décrivant des pouvoirs de classes, des stratégies individuelles. Les catégories de pouvoir sont omniprésentes, l’espace social est traversé de subtils enjeux de pouvoir et de violence implicites, larvés et dissimulés. L’analyse du sociologue tente donc d’articuler une thématique des classes sociales et des conflits sur une étude des microformes de domination, des stratégies locales du pouvoir.

Qui gouverne ? L’analyse de Bourdieu

 

DETENTEURS DU POUVOIR OU DE LA DOMINATION

FACTEURS DECISIFS PERMETTANT L’EXERCICE DU POUVOIR

- Un groupe local : un groupe social détenant des capitaux communs.

 

- Capital économique, culturel, symbolique, etc.

- Une pluralité de groupes ou de structures : la noblesse d’Etat : les Grandes Ecoles

- Compétence technique + violence symbolique.

 

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