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La mort des présidents du Burundi et du Rwanda

Publié le 22/02/2012

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burundi
6 avril 1994 - De violents combats ont éclaté, jeudi 7 avril dans la matinée, à Kigali, la capitalerwandaisee, aux abords de la présidence et près de la résidence du premier ministre, Mme Agathe Uliwingiyimana, quelques heures après l'accident d'avion dans lequel ont péri le président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, et son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira. La Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR) qui compte 2 500 militaires, répartis dans le pays, ont renforcé leurs patrouilles dans les rues de la capitale,. Au Burundi, la situation était calme, du moins à Bujumbura, la capitale. Aucun survivant n'a été retrouvé dans la carcasse calcinée du Mystère-Falcon, piloté par un équipage français - pilote, copilote et mécanicien - qui s'est écrasé, mercredi dans la soirée, près de Kigali. A bord de cet appareil, avaient notamment pris place Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi, ministres burundais du plan et de la communication. La cause de l'accident n'est pas encore officiellement établie. Un témoin, joint par téléphone à Kigali, affirme avoir entendu plusieurs explosions juste avant que l'appareil ne s'écrase au sol. Selon l'ambassadeur du Rwanda en Belgique, l'avion présidentiel a été abattu par des tirs de roquettes alors qu'il avait amorcé sa descente sur l'aéroport de la capitale rwandaise. Plusieurs personnalités rwandaises, proches du pouvoir détenu par les Hutus depuis 1959, affirment déjà, en privé, que le Front patriotique rwandais (FPR) " est à l'origine de cet attentat ". Fondé par des réfugiés tutsis, le mouvement rebelle, avait obtenu, grâce aux accords d'Arusha signés en août 1993 après trois ans de guerre civile, le droit de cantonner des troupes dans la capitale rwandaise pour protéger ses responsables qui devaient participer aux institutions de la transition. Récemment, le FPR avait accusé, à plusieurs reprises, le président Habyarimana de retarder l'application des accords d'Arusha. Un responsable du FPR a estimé, pour sa part, que c'est " un non-sens absolu " de l'accuser d'être responsable de la mort du président rwandais, ajoutant que cet " événement malheureux est certainement le fait des ennemis d'Habyarimana ". Avec son homologue burundais, le chef de l'Etat rwandais revenait de Dar es Salaam en Tanzanie où ils avaient assisté à un sommet régional, consacré justement aux crises que traversent leurs deux pays. S'agissant du Burundi, les participants au sommet de Dar es Salaam avaient chargé les ministres des affaires étrangères tanzanien, kenyan et ougandais de se rendre à Bujumbura dans le cadre d'une mission de conciliation. Ils avaient, en outre, souhaité, que le gouvernement puisse fonctionner " librement " et que les institutions du pays, notamment l'armée, " aient la confiance de la population ". Les suspicions qui pèsent sur le FPR, vont radicaliser le Front pour la démocratie au Burundi (FRODEBU), le parti à majorité hutue, porté au pouvoir par les élections de juin 1993 mais dont l'action est quasiment paralysée par l'opposition qui bénéficie du soutien de l'armée, dominée par les Tutsis. La guerre civile, qui se profile à l'horizon avec l'apparition d'une résistance armée hutue en province et à Bujumbura, risque d'éclater plus tôt que prévu. Pour ce qui concerne le Rwanda, le communiqué final avait demandé qu'y soit rapidement comblé le vide constitutionnel et que, pour ce faire, soient mises en place les institutions de transition, à savoir un gouvernement à base élargie, c'est-à-dire ouvert à tous les partis politiques dont le FPR, ainsi qu'une Assemblée nationale. Jusqu'alors, une seule disposition des accords d'Arusha avait été appliquée, à savoir l'installation, en janvier dernier, de la présidence de la République. Paralysé par la mauvaise volonté du président rwandais, le processus de paix vient de subir un coup d'arrêt qui laisse champ libre aux extrémistes. Aux termes des accords d'Arusha - si tant est qu'ils soient respectés - c'est le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRNDD), l'ancien parti unique, qui devra désigner un successeur au président Habyarimana. Il y a de fortes chances qu'il choisisse un " dur ", encore moins enclin à composé avec le FPR que ne l'était son prédécesseur. Les observateurs estiment qu'à court terme, le FPR sortait gagnant des accords d'Arusha, avec un nombre de portefeuilles ministériels et une présence dans la future armée nationale sans rapport avec sa représentativité dans la population puisque celle-ci compte moins de 15 % de Tutsis. Ces mêmes observateurs font valoir qu'une fois passée la période de transition, le FPR n'avait " aucune chance de conserver les acquis d'Arusha ". Ce qui expliquerait, à leurs yeux, une éventuelle stratégie visant à s'imposer par les armes. JEAN HELENE Le Monde du 8 avril 1994

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