Devoir de Philosophie

DESCARTES: Que c'est une question de principes d'en finir avec l'École...

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

descartes
(...) La plupart de ceux de ces derniers siècles qui ont voulu être philosophes ont suivi aveuglément Aristote; en sorte qu'ils ont souvent corrompu le sens de ses écrits, en lui attribuant diverses opinions qu'il ne reconnaîtrait pas être siennes s'il revenait en ce monde; et ceux qui ne l'ont pas suivi, du nombre desquels ont été plusieurs des meilleurs esprits, n'ont pas laissé d'avoir été imbus de ses opinions en leur jeunesse, parce que ce sont les seules qu'on enseigne dans les écoles, ce qui les a tellement préoccupés qu'ils n'ont pu parvenir à la connaissance des vrais principes. Et, bien que je les estime tous, et que je ne veuille pas me rendre odieux en les reprenant, je puis donner une preuve de mon dire (que je ne crois pas qu'aucun d'eux désavoue), qui est qu'ils ont tous supposé pour principe quelque chose qu'ils n'ont point parfaitement connue. Par exemple, je n'en sache aucun qui n'ait supposé la pesanteur dans les corps terrestres; mais encore que l'expérience nous montre bien clairement que les corps qu'on nomme pesants descendent vers le centre de la terre, nous ne connaissons point pour cela quelle est la nature de ce qu'on nomme pesanteur, c'est-à-dire de la cause ou du principe qui les fait ainsi descendre, et nous le devons apprendre d'ailleurs. On peut dire le même du vide et des atomes, et du chaud et du froid, du sec, de l'humide, et du sel, du soufre et du mercure, et de toutes les choses semblables que quelques-uns ont supposées pour leurs principes. Or, toutes les conclusions que l'on déduit d'un principe qui n'est point évident ne peuvent aussi être évidentes, encore qu'elles en seraient déduites évidemment; d'où il suit que tous les raisonnements qu'ils ont appuyés sur de tels principes n'ont pu leur donner la connaissance certaine d'aucune chose, ni par conséquent les faire avancer d'un pas en la recherche de la sagesse. Et s'ils ont trouvé quelque chose de vrai, ce n'a été que par quelques-uns des quatre moyens ci-dessus déduits. Toutefois, je ne veux rien diminuer de l'honneur que chacun d'eux peut prétendre; je suis seulement obligé de dire, pour la consolation de ceux qui n'ont point étudié, que, tout de même qu'en voyageant, pendant qu'on tourne le dos au lieu où l'on veut aller, on s'en éloigne d'autant plus qu'on marche plus longtemps et plus vite, en sorte que, bien qu'on soit mis après dans le droit chemin, on ne peut pas y arriver sitôt que si on n'avait point marché auparavant; ainsi, lorsqu'on a de mauvais principes, d'autant qu'on les cultive davantage et qu'on s'applique avec plus de soin à en tirer diverses conséquences, pensant que ce soit bien philosopher, d'autant s'éloigne-t-on davantage de la connaissance de la vérité et de la sagesse : d'où il faut conclure que ceux qui ont le moins appris de tout ce qui a été nommé jusques ici philosophie sont les plus capables d'apprendre la vraie. « Les principes de la philosophie, Lettre de l'auteur à celui qui a traduit le livre, laquelle peut ici servir de préface. » (1647). In Oeuvres philosophiques, Paris, Éd. F. Alquié, Garnier, 1973, T. III, p. 774-775.
descartes

« de conduire et déplacement bien réglé, d'un point de départ à un point d'arrivée bien définis), impliquant touteune « dynamique » de la démarche, une conclusion bien raisonnée, quoique provocante : l'ignorance de la(fausse) philosophie est désormais la condition de son exercice (vrai). Entre début et fin (Et bien que je les estime tous...

--> ...

quatre moyens ci-dessus déduits) prend place l'essentiel de la critique, forte de sa preuve (laquelle fait paraître la restriction initiale bien que...

comme une véritable restriction mentale, ce procédé familier aux casuistes que Pascal attaquera pour sa part dans ses Provinciales...) : sur les questions principales de physique (exemple privilégié ici : la pesanteur) l'insuffisante évidence des principes, chez tous, entraînant par voie de conséquence l'insuffisante certitude des conclusions, n'a pas permis que progresse la recherche de la sagesse.

Cela indique assez que pour la rechercheelle-même, la connaissance des principes est déterminante : d'où les Principia philosophiae, et la forme scolaire, mais non scolastique, que Descartes a voulu leur donner. 3.

Certes, au sortir de la Renaissance, a fortiori depuis le Moyen Age, le contexte du savoir a changé. Descartes ne peut ignorer les révolutions copernicienne et galiléenne, ni l'importance qu'ont prise dans la «physique » d'une part la mathématique, d'autre part l'expérimentation.

De la géométrie et de l'algèbre aumagnétisme, en passant par la cosmologie et l'optique, Descartes prend sa part des recherches, ou parti dansles débats.

Les Principes, dans leurs trois dernières parties, reprennent des questions déjà abordées, par exemple, dans les traités du Monde ou de l'Homme.

Dans ces oeuvres, ou dans ses lettres, Descartes confronte ou oppose ses thèses ou ses « solutions » à celles de Copernic, Tycho-Brahé, Galilée, Torricelli,Fermat, Roberval, Gilbert ou Harvey.

Mais qu'on ne s'y méprenne pas : quand Descartes écrit que nous devonsapprendre d'ailleurs la cause ou le principe de la pesanteur (ou aussi bien : ce qu'il faut penser du vide et desatomes, liés depuis l'atomisme démocritéen; ou des qualités propres aux quatre éléments, de tel sel ou métal,qui ont servi de « principes » dans tant de conjectures, aux aristotéliciens comme aux alchimistes), il nesubordonne pas la connaissance philosophique au savoir des sciences de la nature.

C'est même tout lecontraire : l'ailleurs ne doit pas être cherché hors de, mais dans la philosophie, là où la méthode, par sa rigueur et sa nouveauté, l'a précisément renouvelée, en délivrant les vrais principes, moyennant l'épreuve du doute etla preuve de l'existence de Dieu 1, garantissant dès lors toute vérité, y compris mathématique.

Certes, la mathématique fournit le modèle d'une science de l'ordre et de la mesure, et des chaînes de raisons quitransfèrent l'évidence, des principes aux conclusions, dans la continuité de la déduction.

La physiquecartésienne sera donc déductive — mais la valeur des conclusions dépendra, en dernière analyse, de la valeurdes principes, que seule la métaphysique peut établir (ce qu'elle fait dans le premier livre des Principes) à la racine de l'arbre de la connaissance (dont la physique sera le tronc, dans la métaphore bien connue).

Au fond,toute déduction est à double tranchant : si les principes sont mauvais, elle égare aussi sûrement qu'elleconduit certainement à la vérité quand ils sont évidents.

En faisant voir « toutes les notions claires et simples qui sont en nous » (en même temps que « les principaux attributs de Dieu ») la métaphysique, fortifiée par saméthode, assure, plus que jamais philosophie première, le (re) commencement de la philosophie. 4.

Encore faut-il pour cela que la philosophie (qui par sa connaissance des principes englobe donc tous lesautres savoirs comme des conséquences de sa métaphysique) s'élève à un « cinquième degré » dans sa marche vers la sagesse, au-dessus des quatre autres dont les « moyens » ont été « ci-dessus déduits » (ils'agit de l'intellection immédiate, l'expérience des sens, l'ouï-dire, la lecture — la révélation divine étant d'unautre ordre).

C'est revenir à la méthode (où doit donc se ressaisir, incontestablement, l'originalité deDescartes) et à l'importance des Règles pour la direction de l'Esprit, s'il s'agit au fond, comme le texte le laisse entendre, de savoir distinguer la connaissance vraie de la simple expérience, de savoir donc, plus radicalement,appréhender les conditions de l'évidence, dans toute sa force, au départ de toute certitude, de savoirsupposer (littéralement poser en dessous, comme support et fondement) à bon escient pour raisonner « sagement ».

La philosophie comme « science rigoureuse » est à ce prix, et l'on voit que les vérités de méthoden'y sont pas secondes, ni secondaires.

C'est donc aussi revenir à la pédagogie : philosopher (d'autres le dirontencore, par la suite 4) ce n'est pas apprendre un savoir, mais apprendre à penser.

Par là s'éclaire l'apparent paradoxe de la fin.

L'ignorance, à tout le moins la naïveté, n'est pas contraire à l'exercice philosophique : enfournissant une « table rase », elle ne peut que favoriser la « révolution » nécessaire à l'égard de la force despréjugés.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles