Devoir de Philosophie

Eugenie Grandet celui de leur avenir, enfin la Souffrance et la Faiblesse glorifiees?

Publié le 12/04/2014

Extrait du document

Eugenie Grandet celui de leur avenir, enfin la Souffrance et la Faiblesse glorifiees? Cet agneau, l'avare le laisse s'engraisser, il le parque, le tue, le cuit, le mange et le meprise. La pature des avares se compose d'argent et de dedain. Pendant la nuit, les idees du bonhomme avaient pris un autre cours: de la, sa clemence. Il avait ourdi une trame pour se moquer des Parisiens, pour les tordre, les rouler, les petrir, les faire aller, venir, suer, esperer, palir; pour s'amuser d'eux, lui, ancien tonnelier au fond de sa salle grise, en montant l'escalier vermoulu de sa maison de Saumur. Son neveu l'avait occupe. Il voulait sauver l'honneur de son frere mort sans qu'il en coutat un sou ni a son neveu ni a lui. Ses fonds allaient etre places pour trois ans, il n'avait plus qu'a gerer ses biens, il fallait donc un aliment a son activite malicieuse et il l'avait trouve dans la faillite de son frere. Ne se sentant rien entre les pattes a pressurer, il voulait concasser les Parisiens au profit de Charles, et se montrer excellent frere a bon marche. L'honneur de la famille entrait pour si peu de chose dans son projet, que sa bonne volonte doit etre comparee au besoin qu'eprouvent les joueurs de voir bien jouer une partie dans laquelle ils n'ont pas d'enjeu. Et les Cruchot lui etaient necessaires, et il ne voulait pas les aller chercher, et il avait decide de les faire arriver chez lui, et d'y commencer ce soir meme la comedie dont le plan venait d'etre concu, afin d'etre le lendemain, sans qu'il lui en coutat un denier, l'objet de l'admiration de sa ville. *Promesses d'avare, serments d'amour* En l'absence de son pere, Eugenie eut le bonheur de pouvoir s'occuper ouvertement de son bien-aime cousin, d'epancher sur lui sans crainte les tresors de sa pitie, l'une des sublimes superiorites de la femme, la seule qu'elle veuille faire sentir, la seule qu'elle pardonne a l'homme de lui laisser prendre sur lui. Trois ou quatre fois, Eugenie alla ecouter la respiration de son cousin; savoir s'il dormait, s'il se reveillait; puis, quand il se leva, la creme, le cafe, les oeufs, les fruits, les assiettes, le verre, tout ce qui faisait partie du dejeuner, fut pour elle l'objet de quelque soin. Elle grimpa lestement dans le vieil escalier pour ecouter le bruit que faisait son cousin. S'habillait-il? pleurait-il encore? Elle vint jusqu'a la porte. --Mon cousin? --Ma cousine. --Voulez-vous dejeuner dans la salle ou dans votre chambre? --Ou vous voudrez. --Comment vous trouvez-vous? --Ma chere cousine, j'ai honte d'avoir faim. Cette conversation a travers la porte etait pour Eugenie tout un episode de roman. --Eh! bien, nous vous apporterons a dejeuner dans votre chambre, afin de ne pas contrarier mon pere. Elle descendit dans la cuisine avec la legerete d'un oiseau. --Nanon, va donc faire sa chambre. Cet escalier si souvent monte, descendu, ou retentissait le moindre bruit, semblait a Eugenie avoir perdu son caractere de vetuste; elle le voyait lumineux, il parlait, il etait jeune comme elle, jeune comme son amour auquel il servait. Enfin sa mere, sa bonne et indulgente mere, voulut bien se preter aux fantaisies de son amour, et lorsque la chambre de Charles fut faite, elles allerent toutes deux tenir compagnie au malheureux: la charite chretienne n'ordonnait-elle pas de le consoler? Ces deux femmes puiserent dans la religion bon nombre de petits sophismes pour se justifier leurs deportements. Charles Grandet se vit donc l'objet des soins les plus affectueux et les plus tendres. Son coeur endolori sentit vivement la douceur de cette amitie veloutee, de cette exquise sympathie, que ces deux ames toujours contraintes surent deployer en se trouvant libres un moment dans la region des souffrances, leur sphere naturelle. Autorisee par la parente, Eugenie se mit a ranger le linge, les objets de toilette que son cousin avait apportes, et put s'emerveiller a son aise de chaque luxueuse Eugenie Grandet 49 Eugenie Grandet babiole, des colifichets d'argent, d'or travaille qui lui tombaient sous la main, et qu'elle tenait longtemps sous pretexte de les examiner. Charles ne vit pas sans un attendrissement profond l'interet genereux que lui portaient sa tante et sa cousine; il connaissait assez la societe de Paris pour savoir que dans sa position il n'y eut trouve que des coeurs indifferents ou froids. Eugenie lui apparut dans toute la splendeur de sa beaute speciale. Il admira des lors l'innocence de ces moeurs dont il se moquait la veille. Aussi, quand Eugenie prit des mains de Nanon le bol de faience plein de cafe a la creme pour le lui servir avec toute l'ingenuite du sentiment, et en lui jetant un bon regard, ses yeux se mouillerent-ils de larmes, il lui prit la main et la baisa. --He! bien, qu'avez-vous encore? demanda-t-elle. --C'est des larmes de reconnaissance, repondit-il. Eugenie se tourna brusquement vers la cheminee pour prendre les flambeaux. --Nanon, tenez, emportez, dit-elle. Quand elle regarda son cousin, elle etait bien rouge encore, mais au moins ses regards purent mentir et ne pas peindre la joie excessive qui lui inondait le coeur; mais leurs yeux exprimerent un meme sentiment, comme leurs ames se fondirent dans une meme pensee: l'avenir etait a eux. Cette douce emotion fut d'autant plus delicieuse pour Charles au milieu de son immense chagrin, qu'elle etait moins attendue. Un coup de marteau rappela les deux femmes a leurs places. Par bonheur, elles purent redescendre assez rapidement l'escalier pour se trouver a l'ouvrage quand Grandet entra; s'il les eut rencontrees sous la voute, il n'en aurait pas fallu davantage pour exciter ses soupcons. Apres le dejeuner, que le bonhomme fit sur le pouce, le garde, auquel l'indemnite promise n'avait pas encore ete donnee, arriva de Froidfond, d'ou il apportait un lievre, des perdreaux tues dans le parc, des anguilles et deux brochets dus par les meuniers. --Eh! eh! ce pauvre Cornoiller, il vient comme maree en careme. Est-ce bon a manger, ca? --Oui, mon cher genereux monsieur, c'est tue depuis deux jours. --Allons, Nanon, haut le pied, dit le bonhomme. Prends-moi cela, ce sera pour le diner, je regale deux Cruchot. Nanon ouvrit des yeux betes et regarda tout le monde. --Eh! bien, dit-elle, ou que je trouverai du lard et des epices? --Ma femme, dit Grandet, donne six francs a Nanon, et fais-moi souvenir d'aller a la cave chercher du bon vin. --Eh! bien, donc, monsieur Grandet, reprit le garde qui avait prepare sa harangue afin de faire decider la question de ses appointements, monsieur Grandet ... --Ta, ta, ta, ta, dit Grandet, je sais ce que tu veux dire, tu es un bon diable, nous verrons cela demain, je suis trop presse aujourd'hui. --Ma femme, donne-lui cent sous, dit-il a madame Grandet. Il decampa. La pauvre femme fut trop heureuse d'acheter la paix pour onze francs. Elle savait que Grandet se taisait pendant quinze jours, apres avoir ainsi repris, piece a piece, l'argent qu'il lui donnait. Eugenie Grandet 50

« babiole, des colifichets d'argent, d'or travaille qui lui tombaient sous la main, et qu'elle tenait longtemps sous pretexte de les examiner.

Charles ne vit pas sans un attendrissement profond l'interet genereux que lui portaient sa tante et sa cousine; il connaissait assez la societe de Paris pour savoir que dans sa position il n'y eut trouve que des coeurs indifferents ou froids.

Eugenie lui apparut dans toute la splendeur de sa beaute speciale. Il admira des lors l'innocence de ces moeurs dont il se moquait la veille.

Aussi, quand Eugenie prit des mains de Nanon le bol de faience plein de cafe a la creme pour le lui servir avec toute l'ingenuite du sentiment, et en lui jetant un bon regard, ses yeux se mouillerent-ils de larmes, il lui prit la main et la baisa. —He! bien, qu'avez-vous encore? demanda-t-elle. —C'est des larmes de reconnaissance, repondit-il.

Eugenie se tourna brusquement vers la cheminee pour prendre les flambeaux. —Nanon, tenez, emportez, dit-elle. Quand elle regarda son cousin, elle etait bien rouge encore, mais au moins ses regards purent mentir et ne pas peindre la joie excessive qui lui inondait le coeur; mais leurs yeux exprimerent un meme sentiment, comme leurs ames se fondirent dans une meme pensee: l'avenir etait a eux.

Cette douce emotion fut d'autant plus delicieuse pour Charles au milieu de son immense chagrin, qu'elle etait moins attendue.

Un coup de marteau rappela les deux femmes a leurs places.

Par bonheur, elles purent redescendre assez rapidement l'escalier pour se trouver a l'ouvrage quand Grandet entra; s'il les eut rencontrees sous la voute, il n'en aurait pas fallu davantage pour exciter ses soupcons.

Apres le dejeuner, que le bonhomme fit sur le pouce, le garde, auquel l'indemnite promise n'avait pas encore ete donnee, arriva de Froidfond, d'ou il apportait un lievre, des perdreaux tues dans le parc, des anguilles et deux brochets dus par les meuniers. —Eh! eh! ce pauvre Cornoiller, il vient comme maree en careme.

Est-ce bon a manger, ca? —Oui, mon cher genereux monsieur, c'est tue depuis deux jours. —Allons, Nanon, haut le pied, dit le bonhomme.

Prends-moi cela, ce sera pour le diner, je regale deux Cruchot. Nanon ouvrit des yeux betes et regarda tout le monde. —Eh! bien, dit-elle, ou que je trouverai du lard et des epices? —Ma femme, dit Grandet, donne six francs a Nanon, et fais-moi souvenir d'aller a la cave chercher du bon vin. —Eh! bien, donc, monsieur Grandet, reprit le garde qui avait prepare sa harangue afin de faire decider la question de ses appointements, monsieur Grandet ... —Ta, ta, ta, ta, dit Grandet, je sais ce que tu veux dire, tu es un bon diable, nous verrons cela demain, je suis trop presse aujourd'hui. —Ma femme, donne-lui cent sous, dit-il a madame Grandet. Il decampa.

La pauvre femme fut trop heureuse d'acheter la paix pour onze francs.

Elle savait que Grandet se taisait pendant quinze jours, apres avoir ainsi repris, piece a piece, l'argent qu'il lui donnait.

Eugenie Grandet Eugenie Grandet 50. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles