«Le vrai classique... c'est un auteur qui a enrichi l'esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor ; qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale sans équivoque ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait exploré... qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau et antique aisément contemporain de tous les âges.» Ainsi parle Sainte-Beuve. Sa définition vous semble-t-elle satisfaisante et pouvez-vous en vous en inspirant déterminer quels écrivains, en dehors de toute considération d'École littéraire, méritent le nom de classique ?
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«Le vrai classique... c'est un auteur qui a enrichi l'esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor ; qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale sans équivoque ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait exploré... qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau et antique aisément contemporain de tous les âges.« Ainsi parle Sainte-Beuve. Sa définition vous semble-t-elle satisfaisante et pouvez-vous en vous en inspirant déterminer quels écrivains, en dehors de toute considération d'École littéraire, méritent le nom de classique ?
Liens utiles
- Paul Valéry écrit dans le Préambule pour le Catalogue
- L'historien des idées Roger Paultre voit ainsi le passage de l'écriture préclassique à celle qui suit 1650 : «L'art de la rhétorique ; sa pratique et sa typologie aux subdivisions sans cesse augmentées, débordent largement la période qui nous occupe, et la culture antérieure à 1650 lui assigne une place qui va bien au-delà d'une simple technique littéraire : c'est parce que le monde est formé d'un réseau de ressemblances qu'il est possible de substituer à un mot un autre mot qui, par analogie, sympathie, convenance ou émulation, en est suffisamment proche. Le jeu combiné des similitudes englobant l'abstrait et le concret, les mots et les choses, conduit une partie du savoir à s'exprimer naturellement en figures : le mot qui se substitue à l'autre élargit le sens primitif pour contribuer à proclamer toujours davantage l'harmonie du monde. Cependant, les figures qui ne relèvent que de structures de langage, sans faire intervenir l'expérience des choses, échappent à la ressemblance. Ce n'est que lorsqu'une certaine coupure se sera produite entre la connaissance et la rhétorique que la littérature, l'art et la critique réduiront les figures fondamentales à une technique de langage, suffisamment libérée des contingences de la réalité du monde et du poids des choses pour n'être reconnue que comme un effet de style.» (Les Images du livre, Hermann, 1991.) Pensez-vous que l'écriture classique ait renoncé à une adéquation profonde avec «la réalité du monde» et le «poids des choses»?
- Dans la leçon d'ouverture de son cours à l'École Normale Supérieure, recueillie au tome XII des Lundis (De la tradition en littérature), Sainte-Beuve s'exprimait ainsi : «Le classique, en effet, dans son caractère le plus général et dans sa plus large définition, comprend les littératures à l'état de santé et de fleur heureuse, les littératures en plein accord et en harmonie avec leur époque, avec leur cadre social, avec les principes et les pouvoirs dirigeants de la société ; contentes d'elles-mêmes - entendons- nous bien, contentes d'être de leur nation, de leur temps, du régime où elles naissent et fleurissent - ; les littératures qui sont et qui se sentent chez elles, dans leur voie, non déclassées, non troublantes, n'ayant pas pour principe le malaise, qui n'a jamais été un principe de beauté.» Vous expliquerez et, s'il y a lieu, vous discuterez cette remarque. (ENS, Ulm, 1941.)
- Racine, au dire de son fils, avait soumis sa tragédie d'Alexandre au jugement de Corneille : celui-ci dit à l'auteur qu'il avait un grand talent pour la poésie, mais qu'il n'en avait pas pour le théâtre. Sainte-Beuve, dans son zèle romantique, formule un jugement semblable : « Si Racine fut dramatique de son temps, c'est que son temps n'était qu'à cette mesure du dramatique. Est-ce vouloir le renverser que de déclarer qu'on préfère chez lui la poésie pure au drame et qu'on est tenté de le rapporter à la famille des grands génies lyriques, des chantres élégiaques et pieux dont la mission ici-bas est de célébrer l'amour, en prenant amour dans le même sens que Dante et Platon ? » (Revue de Paris, 6 déc. 1825). Enfin, un metteur en scène contemporain, G. Batty, écrit : « Les tragédies de Racine sont d'admirables poèmes dialogués, dans le sens où on l'entend en dehors du théâtre. Mais que pourrait ajouter la représentation? Tout est dans le texte. » (1928). Ces trois jugements concordants vous paraissent-ils exacts? Quel parti pouvez-vous en tirer pour l'interprétation du génie et de l'art de Racine ?
- « Le Savetier et le Financier, disait Voltaire, les Animaux malades de la Peste, le Meunier, son fils et l'âne, etc., tout excellents qu'ils sont dans leur genre, ne seront jamais mis par moi au même rang que la scène d'Horace et de Curiace, ou que les pièces inimitables de Racine, ou que le parfait Art Poétique de Boileau, ou que le Misanthrope ou que le Tartufe de Molière. » « Voltaire peut-être a raison, et pourtant la postérité ne se pose point la question de la sorte; elle ne recherche point ce qui est plus ou moins difficile ou élevé comme art, comme composition; elle oublie les genres, elle ne voit plus que le trésor moral de sagesse, de vérité humaine, d'observation éternelle qui lui est transmis sous une forme si parlante et si vive. » (Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t. VII.) Vous expliquerez ce double jugement.