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La responsabilité civile (contractuelle et délictuelle) des personnes physiques

Publié le 17/06/2012

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D’autre part, la doctrine a toujours présenté la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle comme une summa divisio du droit de la responsabilité, comme si toute action en responsabilité devait nécessairement entrer dans l’une des deux catégories traditionnellement opposées. Or cette conception rigoureusement dualiste mérite d’être remise en cause car d’une part elle ne correspond nullement à la classification des sources d’obligations la plus généralement admise qui fait une place distincte, à coté du contrat et du délit au quasi contrat et à la loi. D’autre part, elle tend à forcer l’opposition entre les dispositions des articles 1382 à 1386 d’une part, et 1146 et 1155 d’autre part, loin d’être radicalement incompatibles entre elles. Et surtout, elle méconnait la réalité des faits car il existe des situations qu’il est tout aussi artificiel de rattacher au contrat qu’au délit. En conséquence, le droit positif a tendance à délaisser la distinction pour lui préférer la création de régimes autonomes adaptés aux activités envisagées, voire des régimes spéciaux qui transcendent la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle et traitent toutes les victimes de la même façon. Cette « atomisation du droit de la responsabilité civile «témoigne d’une évolution plus générale de la responsabilité, et notamment de la perte d’influence de la faute comme principe structurant du droit de la responsabilité civile.  B) Une évolution plus générale de la responsabilité : de la responsabilité sans faute à un enrichissement des fondements de la responsabilité civile.   

« assiste en ce qui concerne la faute, et plus précisément le fait personnel, à un rapprochement entre l'inexécution de l'obligation et la faute délictuelle, quiprovient d'une part de l'habitude qu'ont pris les tribunaux de rattacher au contrat, en en faisant des obligations contractuelles, certains impératifs qui sont enréalité de véritables normes de comportement sanctionnées en dehors du champ contractuel par la responsabilité délictuelle.

D'autre part, ce mouvement a étéaccentué par la tendance à privilégier dans la jurisprudence contemporaine, pour ces obligations, la qualification d' « obligations de moyens », qui subordonne laconstatation de l'inexécution à une appréciation de la conduite du débiteur.

De plus, si de nombreux auteurs ont prétendu qu'à la différence de la fautedélictuelle qui doit être prouvée par le demandeur à l'action en responsabilité, la faute contractuelle serait présumée, cette disposition ne s'applique en réalitéqu'en cas d'inexécution totale.

En outre, les tribunaux ont ajouté que l'objet de cette preuve varie selon que l'obligation est de moyens ou de résultat puisque,pour l'obligation de résultat, il suffit d'établir l'inobtention de celui-ci, la constatation du dommage suffisant souvent, tandis qu'en présence d'une obligation demoyens, il faut prouver la faute dans l'exécution.

Concernant le fait des choses, on s'aperçoit au regard des solutions concrètes retenues par les tribunaux quedepuis longtemps, ils ont mis au point, dans le domaine contractuel, des moyens de renforcer la responsabilité du débiteur en cas de dommage causé par le faitd'une chose, tant vis-à-vis des fournisseurs de services qui utilisent une chose pour l'exécution de leur obligation contractuelle principale que vis-à-vis desproducteurs ou vendeurs qui livrent une chose en exécution du contrat.

En second lieu, si on s'intéresse aux effets de la responsabilité, et plus particulièrementà l'étendue de la réparation, notamment la réglementation des intérêts moratoires et l'application du principe de l'obligation au tout de chacun des coauteurs dudommage vis-à-vis de la victime, les régimes contractuel et délictuel semblent aujourd'hui tout à fait semblables.

Quant à l'exclusion de la réparation dudommage imprévisible en matière contractuelle, ce principe est pratiquement tombé en désuétude, notamment sous l'influence d'une partie de la doctrine.

Cettetendance a été en outre fortement accentuée par l'extension donnée à la notion de dol qui, selon l'article 1150 du code civil, fait échec à la limitation qu'ilprévoit, ainsi que par l'application, dans ce domaine, du principe d'assimilation de la faute lourde au dol.

Par ailleurs, au sujet de l'opposition entre les deuxbranches quant aux conventions restrictives de responsabilité, l'examen du droit positif permet de mettre en doute la portée actuelle de cette dichotomie dans lamesure où les exceptions au principe de validité des clauses restrictives de responsabilité dans le domaine contractuel sont aujourd'hui de plus en plusnombreuses.

Enfin, l'analyse des différences affectant la mise en œuvre de la responsabilité incite également à nuancer cette opposition traditionnelle puisque lamise en demeure ne confère plus aux dommages et intérêts contractuels qu'une spécificité très limitée, non seulement parce que les dispenses de mise endemeure sont de plus en plus nombreuses, mais aussi parce que son formalisme s'est considérablement allégé. * Une remise en cause des principes départageant les domaines respectifs de la responsabilité civile contractuelle et délictuelle ainsi que de la place occupée parla distinction en droit français.

Il semble que sur plusieurs points les principes départageant les domaines respectifs de la responsabilité civile contractuelle etdélictuelle méritent une remise en cause.

Tout d'abord le caractère « nécessairement contractuel » des actions entre contractants qui sont fondées sur laméconnaissance de certains devoirs de portée générale assimilés à des obligations contractuelles parait contestable.

Par ailleurs, et à l'inverse, il n'est nullementévident que soient systématiquement soumises au régime délictuel les actions entre contractants et tiers lorsqu'elles sont fondées sur la violation d'uneobligation spécifiquement contractuelle.D'autre part, la doctrine a toujours présenté la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle comme une summa divisio du droit de la responsabilité,comme si toute action en responsabilité devait nécessairement entrer dans l'une des deux catégories traditionnellement opposées.

Or cette conceptionrigoureusement dualiste mérite d'être remise en cause car d'une part elle ne correspond nullement à la classification des sources d'obligations la plusgénéralement admise qui fait une place distincte, à coté du contrat et du délit au quasi contrat et à la loi.

D'autre part, elle tend à forcer l'opposition entre lesdispositions des articles 1382 à 1386 d'une part, et 1146 et 1155 d'autre part, loin d'être radicalement incompatibles entre elles.

Et surtout, elle méconnait laréalité des faits car il existe des situations qu'il est tout aussi artificiel de rattacher au contrat qu'au délit.

En conséquence, le droit positif a tendance à délaisserla distinction pour lui préférer la création de régimes autonomes adaptés aux activités envisagées, voire des régimes spéciaux qui transcendent la distinctionentre responsabilité contractuelle et délictuelle et traitent toutes les victimes de la même façon.

Cette « atomisation du droit de la responsabilitécivile »témoigne d'une évolution plus générale de la responsabilité, et notamment de la perte d'influence de la faute comme principe structurant du droit de laresponsabilité civile.B) Une évolution plus générale de la responsabilité : de la responsabilité sans faute à un enrichissement des fondements de la responsabilité civile.* Le déclin de la faute subjective :_Cette dichotomie classique entre les deux branches de la responsabilité peut surtout être nuancée au regard de l'apparition de nouvelles problématiquestouchant plus généralement aux fondements de la responsabilité civile, notamment au rôle de la faute comme fondement unique de celle-ci.

En effet, on assistedepuis la fin du 19ème siècle à un déclin de la faute personnelle au sein de la responsabilité civile qui peut s'expliquer en premier lieu par le développement del'assurance de responsabilité.

En effet, si celle-ci a permis une extension des responsabilités -du fait de l'accroissement considérable du nombre de demandes deréparation- ainsi qu'une effectivité accrue des réparations, l'assurance de responsabilité a néanmoins fortement contribué à l'affaiblissement du rôle de la fautedans la mise en œuvre du droit à réparation.Le rôle de la jurisprudence quant au déclin de la faute subjective est considérable : les magistrats ont aménagé le régime de la preuve pour favoriserl'indemnisation de la victime, tout d'abord grâce à l'allégement de la charge probatoire pesant sur celle-ci, dans des hypothèses où la responsabilité étaitconditionnée par la faute, selon un processus identique, s'agissant de la responsabilité du fait des choses, des commettants puis, dernièrement, dans le cadre dela responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs.

Pour favoriser la preuve de la faute, la jurisprudence a progressivement admis la preuve parprésomptions, même dans des hypothèses où, manifestement, telle n'avait été l'intention du législateur.

Dans un deuxième temps, et après s'être montrée deplus en plus exigeante pour admettre la preuve de l'absence de faute, la jurisprudence va définitivement écarter la preuve de la faute du débat judiciaire en luiôtant tout rôle exonératoire, en 1813 pour les commettants, 1930 pour les gardiens et 1997 pour les parents et les personnes tenues de répondre sur lefondement de l'art.

1384, al.

1er du Code Civil.La loi a également fortement contribué au déclin de la faute subjective.

Ainsi, la loi du 9 avril 1898 relative à l'indemnisation des victimes d'accidents du travail,ou, plus récemment, la loi du 3 janvier 1968 qui a abandonné le principe traditionnel de l'irresponsabilité de l'aliéné, les lois du 5 juillet 1985 relative àl'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation et du 31 décembre 1991 relative aux victimes de contaminations par le virus du sida à l'occasion detransfusions sanguines, ont choisi de rompre avec la faute comme condition de l'indemnisation pour ne plus faire référence qu'à des considérations réputéesobjectives, qu'il s'agisse de l'accident ou de la causalité.

Enfin, le 9 mai 1984, l'assemblée plénière de la Cour de Cassation a affirmé par plusieurs arrêts quel'absence de discernement n'était pas un obstacle à la responsabilité qui doit s'apprécier indépendamment de cet élément, même si elle est fondée sur la faute.D'autre part, le développement de l'assurance de responsabilité a contribué à l'effacement du responsable lui-même derrière son assureur.

En effet, à partir dumoment où la responsabilité est devenue un simple support pour l'assurance, il n'y a plus aucune raison de se demander pour chaque dommage, s'il est dû ounon à une faute, ni de désigner comme responsable l'auteur personnel de cette faute.

Il s'agit plutôt d'imputer cette charge à celui qui était le mieux placé avantle dommage pour contracter l'assurance destinée à garantir le risque ._Parallèlement au développement de l'assurance de responsabilité, le déclin de la faute comme fondement unique de la responsabilité civile s'explique parl'apparition de dommages nouveaux liés à l'évolution technique à la fin du 19ème siècle.

Ces risques nouveaux amènent le droit positif à ses limites puisquedans le cadre d'une responsabilité fondée sur la faute l'exigence d'une faute prouvée laissait sans réparation les victimes d'accidents du travail, ou avec uneréparation amputée si celles-ci étaient elles-mêmes fautives.

Le développement de la théorie du risque par des auteurs comme Saleilles, celle-ci étant centréesur la victime et le dommage subi, permet ainsi au droit de s'affranchir de l'exigence d'une faute prouvée et de créer une responsabilité sans faute.

Cetteresponsabilité est dite « objective » dans la mesure où aucun jugement de valeur n'a besoin d'être porté sur la conduite de l'auteur du dommage, chacun devantréparer les conséquences de ses actes, qu'il soit fautif ou non.

De même assiste-t-on au milieu du 20ème siècle à l'apparition de la théorie de la garantieproposée par Boris Starck qui est fondée sur l'existence d'un droit à la sécurité dont jouirait naturellement chaque citoyen et se focalise non plus sur ledommage mais sur la victime.

Cette théorie rompt alors avec toute référence à la faute afin de garantir aux victimes la prise en charge automatique desdommages causés aux biens et aux personnes.Toutefois il faut nuancer ce déclin de la faute subjective, celui-ci témoignant surtout de l'apparition de nouveaux fondements de la responsabilité civile à côté decelui de la faute.* Un enrichissement des fondements de la responsabilité civile_ La faute reste un fondement de la responsabilité civile comme l'a souligné H.

Mazeaud en 1985 à propos des arrêts rendus le 9 mai 1984 par l'assembléeplénière de la Cour de Cassation au sujet de la responsabilité des enfants et des mineurs.

En effet, si l'élément moral de la faute est supprimé dans la mesure oùdes enfants sans discernement peuvent être considérés comme fautifs ; la faute objective étant alors appréciée in abstracto (par rapport à un type abstrait),celle-ci ne disparait pas pour autant au sein de la responsabilité civile car un jugement de valeur est porté sur les actes.

La faute objective se distingue donc dela responsabilité objective, sans faute, prônée par la théorie du risque.

En réalité, non seulement la faute est maintenue au sein de la responsabilité civile, maisen outre celle-ci a récemment conquis de nouveaux territoires comme instrument de moralisation de la vie des affaires et de régulation du réseau internet parexemple, de même que sa place a été confortée par la loi du 4 mars 2002 dans le domaine de la santé.

Enfin, la faute pourrait être appelée à jouer un rôle deplus en plus important pour la défense de l'environnement sous l'influence du principe de précaution.

Cela montre bien que l'évolution favorable à l'admission decas de responsabilité sans faute ne conduit nullement à l'effacement de cette notion de faute qui conserve une réelle vitalité, l'évolution résidant dansl'apparition de nouveaux fondements de la responsabilité civile aux côtés de la faute._ En effet, la faute n'est plus le fondement exclusif de la responsabilité civile.

Aux côtés de la faute et du risque, existe un troisième fondement de laresponsabilité civile qui permet d'expliquer notamment les cas de responsabilité sans faute: la protection des droits subjectifs.

Dans la continuité de la démarchede Starck, on peut évoquer la doctrine de Christophe Radé qui a proposé de fonder l'ensemble du système de réparation des dommages (responsabilité civile etautres mécanismes faisant appel à la solidarité) sur le droit à la sureté, droit naturel et subjectif reconnu notamment à l'article 2 de la Déclaration des Droits del'Homme et du Citoyen ou encore à l'article 5 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.. »

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