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Si l'on veut penser par soi même faut il craindre toute influence?

Publié le 27/02/2008

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INTRODUCTION :

« Penser, voilà le triomphe vrai de l’âme » écrivait Victor Hugo, cette même âme, que Platon entendait comme ce qui, en nous, s’affirme comme pouvoir de réflexion et de conscience distanciée. En ce cas, la grandeur de l’homme a-t-elle été, est-elle encore confirmée par une parfaite autonomie de la pensée ? Cependant, on pourrait se demander si la multiplicité et la ténacité des illusions, des préjugés, des « superstitions » pour citer Kant, des préceptes historiques, religieux, idéologiques, culturels installés en nous par expérience comme en dehors de nous, ne compromettent-ils pas d’avance ce bonheur illusoire d’une indépendance totale de la pensée. Pouvons-nous réellement déterminer librement nos pensées ?  Ayant conscience que l’être humain est, par nature, influençable, comment concevoir alors des possibilités de libération de l’esprit, d’affranchissement de cette emprise extérieure, de l’opinion d’autrui ? La volonté suffit-elle à nous rendre majeurs par la pensée, peut-on « penser par soi-même » ?

 

I-

Les influences nuisent à notre liberté de penser. Pour penser par soi-même, il faut douter de tout ce que croit ou pense l'opinion commune. Mais la base de toute emprise extérieure sur notre esprit passe indubitablement et avant tout par des préceptes inculqués dès notre enfance, que ce soit dans le domaine éducatif, religieux, ou moral. . Craindre toute influence, c'est s'enfermer dans un monde clos. Descartes, dans le Discours de la méthode, prend le parti de rejeter tout ce qu'on lui avait enseigné, ainsi que tout ce qui pouvait faire l'objet de la plus petite incertitude :« J’ai remarqué, il y a déjà quelques années, combien sont nombreuses les choses fausses que dès mon plus jeune âge j’ai admises pour vraies et combien sont douteuses toutes celles que j’ai édifiées sur elles. ». Phrase particulièrement définitoire de l’influence de l’éducation sur notre pensée. Prenons le cas de l’enfant. Si on lui apprend que six que multiplie quatre font vingt, il tiendra cette affirmation pour vraie, édifiera sur cette méprise que six multiplie cinq font vingt-six car n’ayant pas encore de sens critique et son âge ne lui permettant pas de porter un jugement sur la véracité de ces quelques dires. La faculté de penser par soi-même découlerait donc d’une faculté à exercer son esprit critique. Cet exemple démontre le crédit d’autrui sur l’innocence d’un enfant mais n’exclut pas pour autant que l’adulte soit tout aussi influençable.

Notre pensée, bien qu’elle possède les capacités propres à son autonomie, est aussi très influençable, et cela les médias l’ont parfaitement compris, comme le dirait Michael Moore,  « il suffit que l’on passe quelque chose à la télé pour que les gens croient que c’est vrai. »

Aussi,dois-je bien me garder de subir l’influence de l’altérité si je veux conquérir une autonomie de pensée. C’est à dire une pensée émanant pleinement et totalement de moi,une pensée qui me soit propre. 

 Il faut d'abord prendre la mesure des erreurs du passé, des erreurs enracinées en soi-même. En clair, il faut remettre en cause le pseudo savoir dont on a hérité et commencer par le doute :« Je déracinais cependant de mon esprit toutes les erreurs qui avaient pu s'y glisser auparavant. Non que j'imitasse en cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter ; car, au contraire, tout mon dessein ne tendait qu'à m'assurer, et à rejeter la terre mouvante & le sable, pour trouver le roc & l'argile. » ( Discours de la méthode , 3ième partie).Il pouvait ainsi entreprendre la construction de sa propre réflexion en étant sûr de ne plus subir l'influence de connaissances mal assurées. Le doute est, pour Descartes, la condition de possibilité même d'un accès à la vérité. Et l'on sait, qu'au bout de ce doute méthodique et hyperbolique, sortira la certitude de l'existence d'un sujet à la première personne du singulier (\"Je pense donc je suis\"). Penser par soi-même, c'est aussi se connaître.

 

 « Par la pensée nous prenons conscience de l'être, mais inversement il faut déjà exister pour penser », Jankél. Tout être vivant de par son existence est amené à penser, c’est le « cogito ergo sum » de Descartes, le « j’existe parce que je pense » de Sartre, mais en renversé. Contrairement aux animaux, pour qui l’on peut douter de la faculté de penser, de mettre en œuvre leur conscience, l’homme est de naissance apte à réfléchir ou tout du moins, d’agir en sorte. Mais qu’est-ce, par définition que le fait de penser ? Les traces écrites laissées à ce sujet témoignent d’une concordance de points de vue. Pour Destuit, par exemple la faculté de penser se résumerait toute entière par le terme « sentir », « sentir des sensations, sentir des souvenirs, sentir des rapports, et sentir des désirs ». Quand à Condillac, pour lui,  « Le mot pensée [...] comprend dans son acception toutes les facultés de l'entendement et toutes celles de la volonté. Car penser, c'est sentir, donner son attention, comparer, juger, réfléchir, imaginer, raisonner, désirer, avoir des passions, espérer, craindre ». En demeure que l’essence même de la pensée serait la réflexion, la mise en œuvre de la conscience, une formation, une organisation d’idées par l’application mentale. 

 

 

II –

Le thème de la pensée a coutume d’être assemblé à celui du langage. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire, arrivent aisément ». Boileau. Pourquoi se fondre dans l’opinion alors que nous possédons tous les instruments pour exprimer la sienne ? Le langage semblerait être un caractère indispensable à la pensée. Parler avec d’autres, partager nos opinions, mais ne jamais en perdre sa personnalité. Ne pas être introverti, tourné seulement vers son soi, son monde intérieur, sans possibilité d’entrée. L’homme pour exister nécessite la présence d’autrui. Il a besoin de s’y confronter pour trouver dans leurs propos des éléments contredisant ses opinions et pour cela, il doit communiquer. De ce fait, n’est ce pas à autrui que nous devons de pouvoir accéder au langage et de penser ? Si nous sommes des êtres doués de parole et de pensée, c’est précisément parce que d’autres nous ont parlé et nous ont appris à penser. Nous serons à jamais influencés par l’éducation que nous avons reçue,par le milieu social dans lequel nous sommes nés,par notre passé. L’homme est fait avant que de faire. Il est vain de prétendre qu’il faut se méfier de toute influence pour penser par soi-même puisque nous devons aux autres le fait de pouvoir réfléchir en tant que personne douée de raison. L’autre n’est-il pas la condition de possibilité même de mon être. La connaissance de soi ne passe t-elle pas nécessairement par la reconnaissance d’autrui ?

Ce serait être d’une bien mauvaise volonté que de se plaindre incessamment d’une société qui influe trop sur notre esprit ! Certes, cela est vrai, mais la base de la liberté de tout Homme, selon la déclaration universelle des droits de l'homme, n’est-elle pas « Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres » ? Si la société ne nous inculquait pas des fondements moraux, ne nous imposait pas son mode de fonctionnement donc par extension son mode de penser, ne vivrait-on pas dans un monde où chacun ferait sa propre loi « œil pour œil, dent pour dent », tuant, volant, pour de l’argent ? Sans ces règles de civilisation, nous retournerions à l’état animal, agissant par instinct, sans véritable conscience de nos actes. Comment peut-on faire un procès en responsabilité à un animal ? En résumé tout être humain à donc aussi besoin de règles, même si cela est parfois considéré comme un embrigadement de sa pensée.

 Vraisemblablement, l’homme éprouverait des difficultés à penser par lui-même tant le fait d’être guidé par les autres est confortable, quitte à être aveuglé et effectuer une véritable hétéronomie de sa raison. L’homme se laisse porter, il n’a pas « l’héroïsme et la folie » de penser contre l’opinion, contre son temps, ou penser « lui » tout simplement. Comment, en ces conditions concevoir alors des possibilités de libération de l’esprit, d’affranchissement de l’opinion d’autrui ?

 Sartre l’a bien montré,c’est le regard qu’autrui porte sur nous-même qui nous permet de prendre conscience de ce que nous sommes.Nous n’avons pas à rejeter l’avis que les autres ont de nous.Car c’est cet avis même qui nous permet de nous connaître. La connaissance de soi passe par la connaissance d’autrui . Par exemple,c’est parce que les autres nous disent être curieux ou jaloux que nous nous savons être ainsi. Le jugement d’autrui permet de mieux nous connaître et de ce fait,c’est également à autrui qui nous savons penser par nous-même .

CONCLUSION :

Penser par soi même ne signifie pas penser tout et n’importe quoi, en dépit de certaines règles logiques ou morales. Dès lors, il est plus qu’évident que j’ai besoin du jugement d’autrui pour corriger ma propre pensée. N’est ce pas d’ailleurs autrui qui m’apprend ma propre pensée ? Dès lors je n’ai pas à craindre l’influence qu’il peut avoir sur moi. Ses critiques, ses objections sont autant de chances pour construire et consolider ma propre réflexion. D’un autre coté, autrui peut m’influencer de façon négative .Ce qu’il croit, pense n’est pas forcément objectif et vrai. Cela signifie que penser par soi même, c’est également être apte à discerner ce qui m’influence positivement et ce qui a tendance à me faire oublier ma propre nature. Je dois craindre tout ce qui vient de l’extérieur et qui n’est pas fondé en raison,tout en me demandant si ce que je pense moi-même m’appartient en propre ,ou n’est pas une simple

 est inconsciente adhésion à ce que pense la majorité. En conclusion,toute pensée libre et autonome est celle qui se fonde sur la raison,cette « chose du monde la mieux partagée »(Descartes),cette faculté universelle qui permet de partager la vérité avec autrui au-delà de toute passion,de toute aliénation et tout préjugés.

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