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Si l'on veut penser par soi-même, faut-il craindre toute influence ?

Publié le 15/04/2005

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Il est si confortable d'être mineur. Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, un pasteur qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma place de mon régime alimentaire, etc., je n'ai alors bien sûr nul besoin de m'en donner moi-même la peine. Il ne m'est pas nécessaire de penser, du moment que je peux payer; d'autres se chargeront bien pour moi de ce travail fastidieux. Que de loin la plus grande part des hommes (et parmi elle, la totalité du beau sexe) tienne, outre le fait qu'il est pénible à franchir, pour également très dangereux le dernier pas vers la majorité, c'est ce dont s'avisent ces tuteurs qui, très aimablement, ont pris sur eux d'exercer leur haute bienveillance sur ces hommes. Après avoir, d'abord, rendu stupide leur bétail domestique, et avoir soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent oser faire un seul pas hors du parc (2) où ils les ont enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qui les menace si elles essaient de marcher seules. Or ce danger n'est pas si grand qu'il paraît, car, moyennant quelques chutes, elles finiraient bien par apprendre à marcher ; mais le moindre exemple d'une telle chute les rend cependant timides et les dissuade de faire une nouvelle tentative. " Aussi dois-je bien me garder de subir l'influence de l'altérité si je veux conquérir une autonomie de pensée. C'est-à-dire une pensée émanant pleinement et totalement de moi, une pensée qui me soit propre. Penser à la première personne, c'est en passer par l'épreuve du doute.

• Qu'est-ce que « penser « ?  • Que peut signifier « penser par soi-même «.  • Peut-on « penser « (en quel(s) sens, en quoi) si l'on n'a pas été marqué (voire « construit «) par de multiples « influences « ? (Cf. « Les enfants sauvages. Mythe et réalité «, de Malson (Collection 10-18).  • Remarquer qu'il est question ici de « craindre toute influence «. Ne serait-ce pas une crainte vaine (voire futile) dans la mesure où « penser « ne serait possible sans de multiples influences reçues et toujours « actuelles «, à l'oeuvre (en nous) ?  

« l'homme agit toujours en vue de son bien propre, il peut se tromper sur sa définition.

Si nul n'est méchantvolontairement, c'est d'abord parce que nul ne veut consciemment se nuire à lui-même et donc ce n'est que paraccident que la conduite qu'il adopte peut éventuellement s'avérer mauvaise.

Par accident, non volontairement, ilfaut entendre par là par ignorance : si je ne connais pas la hiérarchie des biens, je serai nécessairementmalheureux.

Par exemple, celui qui consacre son existence à acquérir la richesse, en viendra naturellement à nuire àautrui, donc il s'exposera à la rigueur de la loi ; de plus c'est là un bien qui dépend en large partie du hasard et quipeut échapper à tout instant.

Il est donc inconcevable que sachant tout cela on puisse vouloir agir de la sorte.C'est la science qui détermine l'action, elle ne peut être vaincue par les passions, seulement par l'ignorance.Le primat donné à la science explique les railleries dont Socrate accable aussi bien les institutions, en particulier letirage au sort des magistrats, que l'inspiration qui permettrait à certains de bien agir par une sorte d'illumination.Faisant confiance au savoir et pensant que tous les hommes — fut-ce l'esclave — portent en eux le germe de cesavoir, c'est une vision délibérément optimiste que Socrate offre de l'humanité. L'homme doit tout à ses semblablesC'est à autrui que je dois de pouvoir accéder au langage et de penser.

Si je suis un être doué de parole et depensée, c'est précisément parce d'autres m'ont parlé et m'ont appris à penser.

Je serai à jamais influencé parl'éducation que j'ai reçue, par le milieu social dans lequel je suis né, par mon passé.

L'homme est fait avant que defaire.

Il est vain de prétendre qu'il faut se méfier de toute influence pour penser par soi-même puisque je dois auxautres le fait de pouvoir réfléchir en tant que personne douée de raison.

L'autre n'est-il pas la condition depossibilité même de mon être.

La connaissance de soi ne passe-t-elle pas nécessairement par la reconnaissanced'autrui ? La thématique du regard chez SartreSartre l'a bien montré, c'est le regard qu'autrui porte sur moi-même qui mepermet de prendre conscience de ce que je suis.

Je n'ai pas à rejeter l'avisque les autres ont sur moi.

Car c'est cet avis même qui permet de meconnaître.

La connaissance de soi passe par la reconnaissance d'autrui.

Parexemple, c'est parce que les autres me disent être curieux ou jaloux que jeme sais être ainsi.Le jugement d'autrui me permet de mieux me connaître. « Imaginons que j'en sois venu, par jalousie, par intérêt, à coller mon oreillecontre une porte, à regarder par le trou d'une serrure.

Je suis seul [...] Celasignifie d'abord qu'il n'y a pas de moi pour habiter ma conscience.

Rien donc, àquoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier.

Ils ne sont nullementconnus, mais je les suis et, de ce seul fait, ils portent en eux-mêmes leur totalejustification.

Je suis pure conscience des choses [...].

Cela signifie que, derrièrecette porte, un spectacle se propose comme « à voir », une conversation comme« à entendre ».

La porte, la serrure sont à la fois des instruments et desobstacles : ils se présentent comme « à manier avec précaution » ; la serrure sedonne comme « à regarder de près et un peu de côté », etc.

Dès lors « je fais ceque j'ai à faire » ; aucune vue transcendante ne vient conférer à mes actions uncaractère de donné sur quoi puisse s'exercer un jugement : ma conscience colleà mes actes, elle est mes actes ; ils sont seulement commandés par les fins àatteindre et par les instruments à employer.

Mon attitude, par exemple, n'aaucun « dehors », elle est pure mise en rapport de l'instrument (trou de laserrure) avec la fin à atteindre (spectacle à voir), pure manière de me perdredans le monde, de me faire boire par les choses comme l'encre par un buvard[...]. Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde.Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est que je suis soudain atteint dans mon être etque des modifications essentielles apparaissent dans mes structures [...]. D'abord, voici que j'existe en tant que moi pour ma conscienceirréfléchie.

C'est même cette irruption du moi qu'on a le plus souvent décrite : je. »

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