Dandysme (histoire de la littérature)

Dandysme. S'il peut se prévaloir d'exemples anciens (Alcibiade, Catilina, César) ou exotiques (donnés par Chateaubriand dans les Natchez}, le dandysme de stricte observance est né dans la haute société anglaise un peu avant 1815 ; c'est d'abord une mode vestimentaire et esthétique associée à une attitude faite d'esprit et d'impertinence (« le plaisir aristocratique de déplaire »). Se recommandant à la fois de George Brum-mel et de Byron, le dandysme gagna la France, où il s'incarna dans l'élégance du comte d'Orsay (« Il doit vivre et dormir devant un miroir ») et les héros balzaciens, qui, selon l'expression de leur créateur, « tiennent le haut du pavé de la fashion ». Le dandysme deviendra plus agressif avec Musset et plus esthétique avec Baudelaire, qui y rattache explicitement l'éveil de sa sensibilité (« J'aimais ma mère pour son élégance. J'étais donc un dandy précoce », Fusées) et sa conception de la poésie, avant que Barbey d'Aurevilly ne donne l'histoire et la physiologie du phénomène {Du dandysme et de George Brummel, 1845). Le dandy est un être paradoxal : suffisamment lucide pour deviner la vanité du monde et celle de son attitude, suffisamment assuré de lui- même pour jouer de l'opposition entre une revendication esthétique, qu'il place sous le signe de l'affectation, et une société qui refuse toute valeur à la beauté. Le culte du moi devient culte de l'artificialisme (goût pour la parure et pour le masque), qui est tout à la fois une stratégie de provocation et une manière d'orthopédie psychologique. Il unit le sens de l'absolu et le constat de la relativité de toute chose, en un geste d'affirmation stoïque qui est encore un aveu de désespoir : ainsi de Jacques Vaché, dandy « métaphysique ». Réaction symbolique au mal du siècle romantique, au constat de l'inutilité, le dandysme persiste dans l'immoralisme et l'affectation des décadents, dans l'individualisme et le détachement du créateur contemporain (Wilde, Cocteau, Nimier) : l'être qui se sait d'exception choisit de se conduire en « amateur ».