Devoir de Philosophie

LE PARNASSE (Histoire de la littérature)

Publié le 27/11/2018

Extrait du document

histoire
PARNASSE (le). C’est par allusion à cette montagne grecque où séjournaient, dit-on, les muses et Apollon, qu’ont paru sous le titre de Parnasse de nombreux recueils de poésies. Et, lorsque, avec l’éditeur Alphonse Lemerre, quelques poètes des années 1860 lancent leur anthologie périodique, ils lui donnent le nom, désuet et un peu ridicule, de « Parnasse contemporain, recueil de vers nouveaux ». Ironie? Souci d'une clientèle qu’il faudrait rassurer? A toutes ces explications, il faut probablement préférer celle du refus qu'opposent les parnassiens au « débraillé » romantique — leur « classicisme », que Valéry résumait en ces termes : « Un romantique qui a appris son art devient un classique. Voilà pourquoi le romantisme a fini par le Parnasse ». Les parnassiens ont en effet le sentiment de s’engager dans une voie plus « sérieuse », et ce dernier mot — employé par Catulle Mendès — marque leur intransigeance voulue vis-à-vis de ceux qui, eux, ne sont pas sérieux, de ceux que Leconte de Lisle appelle « les Montreurs » dans un célèbre sonnet. Leurs haines, sur ce point, sont nombreuses et prennent le contre-pied des admirations courantes à cette époque : Musset, en particulier, est honni à cause de sa forme incorrecte et de son manque de tenue. A un moindre degré, Lamartine, et peut-être (malgré la dévotion que lui vouaient Banville et de nombreux autres Parnassiens) Hugo même sont englobés dans cette condamnation d'un lyrisme dont nos jeunes turcs dénoncent la facilité.
 
Pour autant, faut-il voir dans le Parnasse un antiromantisme? Le mot semble mal choisi quand on sait que Gautier est le grand homme des Parnassiens, que les Orientales, aussi, sont l'un des textes fondateurs de la nouvelle école. Celle-ci est en effet l'héritière du romantisme pittoresque opposé à sa variante « sentimentale », opposé également à cet « art utilitaire » — qui nous apparaît comme une préfiguration de l'engagement —, où l’esthétique est soumise à la finalité supérieure du progrès social. Pour Gautier, il ne peut être question d’accepter de tels « programmes », qui le conduisent à formuler au contraire la théorie de l'art pour l'art : on la trouvera exposée dans la préface de Mademoiselle de Maupin, dans son célèbre poème sur l'Art aussi. Plutôt que d'antiromantisme, il convient donc de parler de néo-romantisme (le mot est également de Catulle Mendès), d’une esthétique on ne peut plus romantique, qui, lentement, s’individualise et s’oppose à des lignées romantiques divergentes.
 
Le pré-Parnasse
 
Si bien que l’historien du Parnasse est obligé de consacrer l’essentiel de son étude à ce pré-Parnasse plus important que le Parnasse lui-même, à Gautier, à Banville, à Leconte de Lisle, à Baudelaire encore, fervent admirateur de Gautier, sans parler des nombreux minores. Ce qui les réunit tous, c’est probablement, au-delà du pittoresque et de l’esthétisme, leur volonté de rompre avec la prose « vulgaire » et bâclée. Ces poètes — pour leur malheur — vivent l’âge du roman, de l’histoire, de la philosophie, de la critique, mais en aucun cas celui de la poésie; Gautier affirme même que « l’on ne saurait peindre l’effarement naïf d’un éditeur à qui un jeune homme propose d'imprimer un volume de vers ». Contre cet ostracisme, les poètes réagissent d’abord en affirmant leur spécificité poétique, en la marquant par une prosodie travaillée et irréprochable; ensuite en ne négligeant pas la science contemporaine, les recherches d’histoire et de philologie, les sciences naturelles. D’où une certaine ambiguïté, par exemple chez Leconte de Lisle, vis-à-vis de la modernité : d’un côté, celle-ci amène l’art à se rapprocher de la science, qui lui rappelle « le sens de ses traditions oubliées », mais d’un autre côté, elle produit aussi l'horrible poésie industrielle et didactique. Au fond, l’hellénisme et l’orientalisme n’existent que grâce à un mouvement scientifique dont les tenants de l’art pour l’art rejettent pourtant les conséquences sur le milieu où ils vivent. Cet « art pour l’art », absolument tributaire de la société où il naît, en vient donc à la refuser, à s’enfermer dans un monde esthétique, par définition incorruptible, se suffisant à lui-même, pur : « A quoi cela sert-il? Cela sert à être beau. N’est-ce pas assez? ». La phrase est de Gautier et date de 1832.
 
Identifié au goût de la forme maîtrisée et parfaite, c’est donc l’art seul qui définit le Parnasse; le mot même offre une piste intéressante dans le maquis de l’histoire littéraire, puisque c’est dans la revue l’Artiste que Gautier défend ses thèses, puis qu’il place sa pièce « l’Art » à la fin de la troisième édition d’Emaux et Camées, puisque l'Art enfin est le titre de la revue que fonde Louis Xavier de Ricard. Le mot les fascine tous, et ils y voient le résumé de leur esthétique, qu’ils prennent pour « l’ »esthétique. Parler d’art, c’est exclure de la création toute négligence, mettre l’accent sur le travail : ces hellénistes voient dans le poète un fabricant, et l’artiste, pour eux, est d’abord un artisan. En cela, Baudelaire les rejoint puisqu’il insiste sur le rôle des contraintes en art, sur l’exigence féconde de ces « règles réclamées par l’organisation même de l’être spirituel ». De même, parler d’art, c’est un peu dire, comme Banville, qu’un poète «n’a d’autre biographie que ses œuvres», c’est susciter cette qualification d’« impassibles », que l’opinion, malgré leurs protestations, attribue aux futurs Parnassiens.
 
Les Parnassiens
 
Peu à peu, en effet, on aperçoit l’originalité de ce néo-romantisme où se tissent des amitiés, où naissent des admirations, des influences, tout ce qui prélude à la naissance d’une école littéraire. D’autant que les auteurs déjà cités, unis par des convergences indéniables, rencontrent entre 1860 et 1865 un public de jeunes poètes où l’on trouve Glatigny, le premier des Parnassiens, élève de Banville, Heredia, Sully Prudhomme et Catulle Mendès. Ce dernier fonde la Revue fantaisiste (1861), et
 
y publie Gautier, Baudelaire et Banville, Glatigny, jusqu’à Champfleury et Alphonse Daudet, le futur auteur, avec Paul Arène, du Parnassiculet contemporain (1866). Mendès devient donc, selon l’expression de Souriau, le roi des futurs parnassiens, avant d’être dépossédé par Leconte de Lisle.
 
En tout cas, son activité contribue à donner une cohérence à ce qu’on peut certes appeler une « école », mais dont Mendès disait que ce n’avait été qu’un « groupe », et où des poètes, unis par le respect des mêmes maîtres, ne s’engagent pas pour autant dans une voie unique. En d’autres termes, il n’y a pas, malgré André Thérive, de « parnassisme », il y a le Parnasse, dont les professions de foi tranchantes ne font pas oublier l’éclectisme et la fantaisie. On en aura un exemple avec ce salon bohème de Nina de Villard où se retrouvent, vers 1865, Dierx, Coppée, Mérat, Valade, Villiers de L’Isle-Adam, Émile Goudeau, Verlaine, Charles Cros et Augusta Holmès, autre muse du Parnasse. Dans cette genèse, on n’oubliera pas enfin L.X. de Ricard, dont la mère tient un salon poétique. Quant à lui, il fonde l'Art en 1865 succédant à une Revue du progrès qui, sacrilège, n’aimait pas Gautier : on y lit Coppée et Verlaine, Mendès enfin, avec qui Ricard s’associe pour diriger le Parnasse de mars à juin 1866.

histoire

« romantisme (le mot est également de Catulle Mendès), d'une esthétique on ne peut plus romantique, qui, lente­ ment, s'individualise et s'oppose à des lignées roman­ tiques divergentes.

Le pré-Parnasse Si bien que l'historien du Parnasse est obligé de consacrer l'essentiel de son étude à ce pré-Parnasse plus important que le Parnasse lui-même, à Gautier, à Banville, à Leconte de Lisle, à Baudelaire encore, fer­ vent admirateur de Gautier, sans parler des nombreux minores.

Ce qui les réunit tous, c'est probablement, au­ delà du pittoresque et de l'esthétisme, leur volonté de rompre avec la prose « vulgaire» et bâclée.

Ces poètes -p our leur malhe ur-vivent l'âge du roman, de l'his­ toire, de la philosophie, de la critique, mais en aucun cas celui de la poésie; Gautier affirme même que «l'on ne saurait peindre l'effarement naïf d'un éditeur à qui un jeune homme propose d'imprimer un volume de vers>> .

Contre cet ostracisme, les poètes réagissent d'abord en affirmant leur spécificité poétique, en la marquant par une prosodie travaillée et irréprochable; ensuite en ne négligeant pas la science contemporaine, les recherches d'histoire et de philologie, les sciences naturelles.

D'où une certaine ambiguïté, par exemple chez Leconte de Lisle, vis-à-vis de la moderni té: d'un côté, celle-ci amène l'art à se rapprocher de la science, qui lui rappelle «le sens de ses traditions oubliées>>, mais d'un autre côté, elle produit aussi l'horrible poésie industrielle et didactique.

Au fond, l'hellénisme et l'orientalisme n'existent que grâce à un mouvement scientifique dont les tenants de l'art pour l'art rejettent pourtant les consé­ quences sur le milieu où ils vivent.

Cet« art pour l'art>>, absolument tributaire de la société où il naît, en vient donc à la refuser, à s'enfermer dans un monde esthétique, par définition incorruptible, se suffisant à lui-même, pur : «A quoi cela sert-il? Cela sert à être beau.

N'est-ce pas assez? >>.

La phrase est de Gautier et date de 1832.

Identifié au goût de la forme maîtrisée et parfaite, c'est donc l'art seul qui définit le Parnasse; le mot même offre une piste intéressante dans le maquis de l'histoire littéraire, puisque c'est dans la revue l'Artiste que Gau­ tier défend ses thèses, puis qu'il place sa pièce « l'Art » à la fin de la troisième édition d'Emaux et Camées, puis­ que l'Art enfin est le titre de la revue que fonde Louis Xavier de Ricard.

Le mot les fascine tous, et ils y voient le résumé de leur esthétique, qu'ils prennent pour «l' »esthétique.

Parler d'art, c'est exclure de la création toute négligence, mettre 1 'accent sur le travail : ces hellé­ nistes voient dans le poète un fabricant, et l'artiste, pour eux, est d'abord un artisan.

En cela, Baudelaire les rejoint puisqu'il insiste sur le rôle des contraintes en art, sur l'exigence féconde de ces «règles réclamées par l'organisation même de l'être spirituel >>.

De même, parler d'art, c'est un peu dire, comme Banville, qu'un poète «n'a d'autre biographie que ses œuvres», c'est susciter cette qualification d'« impassibles>>, que l'opi­ nion, malgré leurs protestations, attribue aux futurs Parnassiens.

Les Parnassiens Peu à peu, en effet, on aperçoit l'originalité de ce néo-romantisme où se tissent des amitiés, où naissent des admirations, des influences, tout ce qui prélude à la naissance d'une école littéraire.

D'autant que les auteurs déjà cités, unis par des convergences indéniables, ren­ contrent entre 1860 et 1865 un public de jeunes poètes où l'on trouve Glatigny, Je premier des Parnassiens, élève de Banville, Heredia, Sully Prudhomme et Catulle Mendès.

Ce dernier fonde la Revue fantaisiste (1861), et y publie Gautier, Baudelaire et Banville, Glatigny, jus­ qu'à Champfleury et Alphonse Daudet, le futur auteur, avec Paul Arène, du Parnassiculet contemporain (1866).

Mendès devient donc, selon J'expression de Souriau, le roi des futurs parnassiens, avant d'être dépossédé par Leconte de Lisle.

En tout cas, son activité contribue à donner une cohé­ rence à ce qu'on peut certes appeler une «école », mais dont Mendès disait que ce n'avait été qu'un « groupe>>, et où des poètes, unis par le respect des mêmes maîtres, ne s'engagent pas pour autant dans une voie unique.

En d'autres termes, il n'y a pas, malgré André Thérive, de « parnassisme >>, il y a le Parnasse, dont les professions de foi tranchantes ne font pas oublier l'éclectisme et la fantaisie.

On en aura un exemple avec ce salon bohème de Nina de Villard où se retrouvent, vers 1865, Dierx, Coppée, Mérat, Valade, Villiers de L'Isle-Adam, Émile Goudeau, Verlaine, Charles Cros et Augusta Holmès, autre muse du Parnasse.

Dans cette genèse, on n'oubliera pas enfin L.X.

de Ricard, dont la mère tient un salon poétique.

Quant à lui, il fonde l'Art en 1865 succédant à une Revue du progrès qui, sacrilège, n'aimait pas Gautier : on y lit Coppée et Verlaine, Mendès enfin, avec qui Ricard s'associe pour diriger le Parnasse de mars à juin 1866.

Y figurent en première ligne Gautier, Banville et Leconte de Lisle, précédé de Heredia.

Louis Ménard les suit avant Coppée, Vacquerie, Mendès et Baudelaire, réduit à la portion congrue.

Viennent ensuite Dierx, Sully Prudhomme, Lemoyne et Ricard, puis Verlaine et Mal­ larmé, en tout trente-sept poètes.

Le pire voisine avec le meilleur, et dans tous les genres.

Il est difficile d'en dégager vraiment un projet poétique cohérent puisque les vétérans du romantisme Émile et Antony Deschamps voisinent avec Vacquerie -ombre de Hugo -, avec Verlaine et Baudelaire.

Devant cette réunion un peu arti­ ficielle, on est tenté de penser alors, avec Gustave Kahn, que le Parnasse n'exista que par la fréquente affirmation de Mendès qu'il y avait Parnasse (ou que le côté hétéro­ clite du Parnasse rejoint au fond la forme « kaléidosco­ pique» de l'esprit de Mendès).

Gautier lui-même n'y voit pas plus clair puisqu'il estime, dans son Rapport sur les progrès de la poésie française en 1867 (1868), qu'il est bien difficile de caractériser la manière et le type de ces jeunes écrivains, «dont 1 'originalité n'est pas encore dégagée des premières incertitudes >>, inspirés par Leconte de Lisle, Banville, ou même Hugo, « le Père>>, le maître, d'autant plus présent qu'il est exilé.

Succès et dispersion Pour le public, au contraire, pas de doute : il y a un style parnassien, que pastichent Arène et Daudet dans le Parnassiculet contemporain ( ...

) orné d'une étrange eau-forte (une Muse au chat).

De même, Barbey d'Aure­ villy publie les Trente-Sept Médaillonnets du Parnasse pour démolir «les babouins et ouistitis poétiques >>.

S'il y a ce que Souriau appelle une réaction, c'est donc qu'il existe un Parnasse.

En tout cas, c'est l'opinion de Lemerre, dont ces poètes vont faire la fortune.

Il publie bientôt les Épreuves de Sully Prudhomme, le Reliquaire de Coppée et les Poèmes saturniens de Verlaine; il lance aussi une deuxième série du Parnasse (qui ne paraîtra qu'en 1871, à cause de la guerre).

Baudelaire disparaît, alors qu'on y trouve quatre poètes consacrés que rien ne prédestinait à devenir parnassiens : Auguste Barbier, Victor de Laprade, Sainte-Beuve et Joséphin Soulary.

Apparaissent également Charles Cros et André Theuriet.

Petit à petit, Je Parnasse définit plus une entreprise d' édi­ tion qu'une esthétique, et l'affaire s'aggrave encore avec la prise de pouvoir d'Anatole France, que Lemerre charge de juger les envois pour la troisième série du. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles