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Les femmes savantes au temps de Molière et les apologies de la science des dames

Publié le 07/03/2011

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   On conçoit donc qu'il ait pu y avoir à Paris, dès le commencement du règne de Louis XIV, des femmes qui ont mérité le titre de « savantes «.    Nous en avons plusieurs listes. En 1663, dans un dialogue en vers, le Cercle des Femmes Savantes, J. de la Forge en a compté soixante-sept et, après les avoir louées abondamment sous des noms de fantaisie, il leur a fait le plaisir de faire connaître dans une « Clef « leurs noms véritables. En 1668, Marguerite Buffet, maîtresse de belles-lettres, en célèbre à peu près autant à la fin de ses Nouvelles Observations sur la langue française. Ménage en citera d'autres encore à la fin d'un commentaire sur un sonnet de Pétrarque.

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« Ce qui les attire, c'est ce qui est moderne, ce sont les découvertes nouvelles des sciences, ce sont les systèmesnouveaux des philosophes. A cette époque, on nous signale quelques mathématiciennes, comme Mme de Galland ou Mme de Guédreville, femmed'un maître des requêtes, grand admirateur de Descartes.

On nous assure, sans doute avec quelque complaisance,que la comtesse du Plessis a appris « ce qu'il y a de plus beau dans les sciences les plus élevées ».

Pour la marquisede R*** (probablement la marquise de Richelieu), il paraît qu'« ambitionnant les hautes sciences, par ses pensées etses veilles » elle a imposé « trop de peine et de fatigue à son corps ».

Dans sa maison du faubourg Saint-Jacques,Mme de Sablé s'entretient volontiers avec ses amis de questions scientifiques et particulièrement de la physique deDescartes.

Mme de la Sablière, dont nous aurons à parler encore, est déjà connue comme une savante, qui a étél'élève du fameux géomètre Roberval.

En 1671, dédiant à une grande dame un recueil de contes, l'Amant Oisif, lesieur de Garouville la félicite d'être très avancée dans l'étude de l'astronomie et il ajoute : « Je sais que vous ferezune grande chute en tombant des astres, où vous vous élevez si souvent, sur la lecture d'un livre de nouvelles, oùsont simplement contées les aventures de plusieurs pauvres mortels : mais je ne puis vous tenir compagnie dans unlieu si haut que le ciel ».

Beaucoup de femmes, à Paris, se font expliquer les éclipses et les comètes, elles vontvisiter l'Observatoire, dont la construction s'achève. Les plus dignes d'attirer l'attention, ce sont les dames philosophes. Mme Deshoulières a été instruite des théories de Gassendi par son maître Jean de Hénault et l'on retrouvera plustard dans ses poèmes les plus émouvants l'influence très marquée de la « philosophie naturelle ». Mais la grande lumière vient de Descartes.

Il a éclairé les plus belles intelligences du siècle.

En certains endroits dela province, comme dans la capitale, se forment de petits cercles de ses disciples, où on l'explique, où on lecommente, où l'on entretient son culte.

Beaucoup de dames ont été entraînées par le courant.

Elles, qui sontmodernes d'instinct, devaient être naturellement séduites par cette philosophie « subtile, engageante et hardie »,comme dit La Fontaine, qui rejetait si délibérément le préjugé de l'Antiquité au nom de la raison souveraine. Parmi les cartésiennes une des plus ardentes, c'est, qui l'ignore ? Mme de Grignan.

Lorsque, plus tard, certainsprincipes du maître seront condamnés par l'Eglise, elle souffrira de cette persécution comme d'une atteintepersonnelle, elle en appellera avec persévérance au jugement de la postérité.

Mme de Sévigné sait bien qu'elle nepeut pas lui faire plus de plaisir qu'en lui parlant de celui qu'elle nomme son père spirituel : dans ses lettres, elle nemanque jamais de la renseigner sur ce qui s'écrit sur lui, sur ce qui se dit de lui chez ses amis ou chez elle.

Elle-même, elle s'applique à devenir cartésienne, par amour maternel .

elle demande à l'abbé de la Mousse et à Corbinellide lui expliquer la doctrine.

D'ailleurs elle en sait déjà plus qu'elle ne dit : elle connaît la question des idées innées etcelle des « petits esprits », elle proteste contre le système des bêtes-machines, elle plaisante sur les couleurs qui,pour les cartésiens, sont dans l'âme, au lieu d'appartenir aux objets : « Enfin, après avoir bien tourné, votre âme estverte ».

Elle décide Mme de Coulanges et Mme de Vins à « se mettre en train sur cette philosophie ».

Elle nemanquera pas de la recommander à son médecin à Vichy. Mme de Bonnevaut est aussi une cartésienne, capable de discuter sur de délicats problèmes dans la petiteacadémie de savants qu'elle réunit en son salon.

Jean de la Forge joint à son nom ceux de Mme d'Outresale et deMme d'Hommecour.

On peut citer encore Mme de Richeaume, amie particulière de Lesclache, et sa nièce, Anne deCroze. Mlle de la Vigne, si jolie, si vantée, ne se contente pas d'être une bonne latiniste, elle a si bien étudié les œuvres deDescartes que la nièce du philosophe lui a demandé de publier un résumé, accessible à tous, des théories de sononcle ; elle a d'ailleurs décliné cet honneur, par modestie. A côté d'elle il faut placer Mlle Dupré, que nous avons déjà nommée, cette Mlle Dupré, raisonnable et un peu fière,comme Mme de Grignan, aussi intelligente qu'elle, mais plus aimable, à laquelle Bussy-Rabutin a toujours témoignéune sympathie qu'il ne prodiguait pas.

Sa sagesse a un fond philosophique : on l'appelle « la cartésienne », tant elles'est bien assimilé la pensée du maître. La plupart de ces femmes sortent évidemment du commun, et c'est pour cela que l'on a conservé leurs noms.

On enaperçoit d'autres derrière elles : celles qui garnissaient les salles de conférences en vogue, celles qui occupaient lespremiers bancs aux cours où se distribuait un enseignement plus relevé, toutes celles qui achetaient les manuels etles livres où la science commençait à se mettre à la portée des gens du monde. Il n'est pas douteux qu'un grand progrès s'est fait en peu d'années.

Lorsqu'en 1674 Poulain de la Barre publie dansson livre de l'Education des Dames un programme d'instruction féminine, il ne croit pas aller trop loin en y inscrivant,avec la Physique de Rohault et la Logique de Port-Royal, quatre traités de Descartes, dont le Discours de laméthode et les Méditations, et « l'abrégé de philosophie de Gassendi ou de Lesclache ». *** Ce qui montre bien l'importance de ce mouvement vers la science, c'est le nombre des petits livres où l'on célèbreles conquêtes nouvelles des femmes et où on les encourage à de nouveaux efforts.. »

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