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OULIPO (Histoire de la littérature)

Publié le 27/11/2018

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OULIPO. Septembre 1960... C’est la pleine époque des recherches formalistes. Le Nouveau Roman de Robbe-Grillet, de Butor, s’impose au public lettré. Quelques écrivains, intellectuels, poètes et mathématiciens, unis par des intérêts communs, par une certaine conception de l’écriture et, pour quelques-uns, par la complicité pataphysicienne, ont l’idée de créer ce qui va devenir l’« Ouvroir de littérature potentielle » (en abrégé OULIPO). Les membres fondateurs en sont Raymond Queneau, Jean Lescure, Jacques Bens, le mathématicien François Le Lionnais et quelques autres. Par la suite, et selon la règle de la cooptation, en deviendront membres des universitaires (Albert-Marie Schmidt, Marcel Benabou), un romancier, Georges Perec, un poète, Jacques Roubaud... Des correspondants étrangers seront également choisis, les plus notoires étant sans doute Marcel Duchamp pour les Etats-Unis et Italo Calvino pour l’Italie. Enfin des « invités d’honneur» prendront part à ses travaux.

 

Mais qu’est-ce que l’OULIPO? Ni un mouvement littéraire — il ne vise pas à produire ni à promouvoir des œuvres; ni une académie malgré quelques ressemblances formelles; ni un groupe de recherche scientifique, même si ses membres pratiquent volontiers les mathématiques... Son projet n’est pourtant pas si différent de celui d’un séminaire académique. II se donne pour but « d’opérer sur des matériaux constitués, organisés à des fins littéraires » (J. Bens). Il prend comme unique objet d’étude la structure de ces matériaux, « sans considération particulière de la beauté ». Autrement dit, il considère le langage comme une machinerie susceptible de produire toute sorte de matrices correspondant à des structures prédéfinies. Ces structures, observe-t-il, restent souvent cachées, délibérément ou non. En outre, la dépréciation traditionnellement attachée à la notion de « procédé » a fait qu’elles ne sont mises en œuvre que clandestinement, et empiriquement, c’est-à-dire de façon rudimentaire. L’OULIPO prétend : 1. mettre au jour ces structures cachées; 2. en inventorier systématiquement les possibilités de fonctionnement; 3. inventer de nouveaux modèles structurels susceptibles de générer des œuvres nouvelles; 4. mettre à la disposition d’utilisateurs éventuels ses trouvailles.

 

Le développement des travaux de l’OULIPO a rapidement fait apparaître deux grandes orientations complémentaires. L’« anoulipisme » (ou oulipisme analytique) examine, dans la perspective oulipienne, les œuvres existantes, anciennes ou modernes, et détermine leur degré de « potentialité ». Il dégage donc, à partir de textes donnés, les contraintes visibles ou secrètes qui les ont produits. Il s’interroge aussi sur la pérennité du pouvoir créateur de ces structures (peut-on encore écrire valablement un sonnet régulier, une tragédie en alexandrins?). Il écarte celles qui ne lui semblent plus fécondes; il conserve celles qui peuvent encore servir et, au besoin, s’applique à les rénover. Le « synthoulipisme » (ou oulipisme synthétique) vise, lui, à mettre au point des structures textuelles neuves, grâce notamment à l’aide des mathématiques.

 

Exemple d’anoulipisme : F. Le Lionnais s’est intéressé à la structure fondatrice du genre policier reposant sur l\\'identification du ou des coupables, et il a démontré, le 12 janvier 1969, que la seule modalité structurelle du genre à demeurer inexploitée à ce jour correspondrait à l’équation x (le coupable) = le lecteur.

 

Exemple de synthoulipisme : la méthode due à Jean Lescure et dite « S + 7 ». Son maniement est aisé et d’une forte potentialité. On peut l’énoncer ainsi : prendre un texte, littéraire ou non, et remplacer chacun des substantifs (S) de ce texte par le septième substantif qui le suit dans un lexique donné. On peut évidemment déduire de cette formule toute sorte de variantes non moins fécondes, par exemple « S-5 », 

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« l'on en a l'habitude >>! Ce qui donne (à partir du fameux distique holo rim e de Y.

Hugo) : Gall, amant de la reine, alla- c'est étonnant ­ Galamment de l'arène à la Place Dauphine.

Les écrivains contemporains n'ont sans doute pas puisé autant qu'ils l'auraient pu dans les mines que l'OULIPO met à leur disposition.

On peut toutefois men­ tionner deux œuvres dont l'origi nalité a frappé le grand pub lic et dont la fabrique est explicitement oulipienne : les Cent Mille Milliards de poèmes de Queneau (1961), antérieurs à la fondation de l'OULIPO mais à l'origine de son « invention >> [v oi r QUENEAU], et/a Disparition de Georges Perec (1969) [voir PERECl.

Il s'agit sans doute du seul roman lipogrammatique jamais mené à bien et du plus long lipogramme jamais réalisé.

Rappelons qu'un lipogramme se donne pour loi d'exclure une ou plusieurs lettres de l' a lph abet utilisé.

Écrivant en français, et choi­ sissant d'éliminer le e, Perec n'avait pas précisément choisi la facilité! Sérieux, vraiment, ces « oulipistes » qui travaillent sous le patronage du fameux Collège de Pataphysique? Chacun en jugera.

Mais, à l'aube de l'ère informatique, est-il excessif de penser que les recherches de l'OULIPO sont au moins aussi importantes, pour l'avenir de la litté­ rature , que celles de 1 'Académie française dans les mêmes domaines? l Vo ir aussi RoUBAUD].

BIBLIOGRAPHIE Œuvres.

-OCLIPO 1.

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-Rayrnond Queneau.

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Clefs pour la lillémture potentielle.

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in le Maga�ine li11éraire, n• 94, novem· bre 1974.

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J.

ROUBINE. »

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