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Parlant de « l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés »... « je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde », écrit Tocqueville en 1840 dans son Traité De la Démocratie en Amérique. Sur quelles bases se développe cette « imagination » et quelle valeur, quelle portée faut-il lui attribuer dans le monde actuel ?

Publié le 29/03/2011

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tocqueville

PLAN

Introduction ■ Quelques détails rapides sur Tocqueville. ■ Annonce du plan : — la démocratie et ses bienfaits; — ses tares et l'annonce de la société actuelle. Ire Partie ■ 3 définitions de la Démocratie. ■ La société bourgeoise : — sa montée irréversible après la Révolution Française. ■ L'agonie de la société aristocratique. ■ Le bien-être matériel. IIe Partie ■ Parallélisme avec notre société de consommation. ■ Égalité. ■ Mais toute-puissance de l'argent. ■ Mais égoïsme. ■ Mais médiocrité. ■ Technocratie. ■ Conformisme de pensée et même de loisirs. ■ Univers totalitaire ?

Conclusion ■ Grande avance de la pensée politique de Tocqueville. ■ Il a prévu et abordé les problèmes cruciaux de notre époque. ■ Théoricien presque digne de Marx.   

tocqueville

« d'abord l'agonie d'une société de type aristocratique, celle à laquelle appartenait d'ailleurs la famille de Tocqueville;mais aussi la faillite de la Révolution elle-même « moulue au pilon de l'Empire » (Peter), l'échec de la Restauration,les débats passionnés et recherches doctrinaires qui en ont résulté.

On ne peut plus en rester au rêve de cet autresociologue et grand écrivain Montesquieu, qui croyait encore à l'instauration d'une monarchie modérée dont unrouage essentiel aurait été une aristocratie ayant retrouvé la véritable noblesse — qui dépend à la fois de lanaissance et de l'élévation morale —.

« L'esprit de modération, écrit-il dans L'Esprit des Lois, est ce qu'on appelle lavertu dans l'aristocratie; il y tient la place de l'esprit d'égalité dans l'état populaire.

» Mais cet idéal est loin.Tocqueville sait que le mouvement auquel il assiste, est irréversible.

Il constate un ordre nouveau des choses.

Unenouvelle couche sociale, la bourgeoisie, a conquis le pouvoir.

Le commerce, le progrès des techniques, les abus —spécialement le mépris des hommes — des temps aristocratiques ont favorisé la lente et forte croissance de labourgeoisie.

Tocqueville y voit d'ailleurs un parallélisme certain avec l'évolution même de l'Occident « destiné à unecivilisation égalitaire ».

Le conseil qu'il donne d'ailleurs est de s'intégrer à une telle transformation qu'il se garde biende condamner, — comme le faisaient presque tous ses pairs —, de l'accepter, fut-ce au prix du « régime commodeet terne de l'égalité ».

Car le refuser serait jeter les hommes dans les luttes, la souffrance, la disparition des valeursmême originelles.

Par contre la nouvelle société devra posséder des garanties : l'indépendance de la justice, laliberté des consciences et de la presse, qui seront aussi essentielles que le principe d'égalité.

Tocqueville,s'appuyant sur l'étude de son modèle l'Amérique, dénombre les bienfaits d'un tel régime, de cette « démocratiebourgeoise ».

Il y voit particulièrement une prospérité quasi générale, des vertus de travail, un dynamisme efficacedes affaires, et une « liberté politique » qui est « antidote de l'individualisme.

» Tous ces avantages, notre société de consommation — intuitivement prévue par Tocqueville — nous les aréellement apportés.

Il n'est pas possible de ne pas reconnaître à quel point le niveau de vie a monté en EuropeOccidentale, comme aux États-Unis, combien de détails techniques, de machines, de robots, gadgets, ont supprimédes tâches astreignantes, élargi l'horizon ménager et matériel, ouvert bien des possibilités de culture, de loisir ou derepos.

Mais cette « égalité », principe de la démocratie, qu'en advient-il ? L'argent, produit accru, précisément, deces progrès des techniques et du commerce, que les vertus bourgeoises de travail, d'épargne, de « bourse » fontfructifier, fait naître une classe de riches dont le pouvoir peut devenir sans limites et impitoyable.

L'étonnantefaculté intuitive de Tocqueville lui fait reconnaître, sous l'égalité — qui va y « préparer » — les formes futures de lasociété capitaliste industrielle et de l'inégalité qu'elle rétablit à partir de l'argent; il prévoit également une aliénationde l'individu, dont il brosse un tableau vigoureux, précisant : « ...

l'homme se dégrade à mesure que l'ouvrier seperfectionne » ou « sa (de l'ouvrier) pensée est arrêtée pour jamais; son corps a contracté certaines habitudes...En un mot, il n'appartient plus à lui-même » (II.

16).

Depuis Les Temps Modernes de Chaplin, combien d'études ontété écrites, d'images tournées sur l'abêtissement de l'homme par le travail à la chaîne ou autres mécanisations :voilà qui montre la véracité des projections sur le futur, de Tocqueville.

Or la démocratie ne souffre pas seulementde l'excès de sa réussite pécuniaire — pour certains du moins! — mais sa « tare originelle », comme l'a révéléTocqueville, est en effet d'être fondée sur l'intérêt, d'où cet égoïsme d'hommes qui s'occupent de moins en moinsd'une communication, d'une compréhension mutuelles, mais qui, bien plus qu'à l'époque de La Rochefoucauld, voientleurs « vertus se perd[re] dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer ».

Le mot intérêt comporte alorsson double sens principal : un égoïsme, un amour de soi-même certains, et une féroce tension vers tout ce qui estréussite, matérielle d'abord.

« La pensée, la morale et les mœurs, la société elle-même, dévorées du souci debénéfices immédiats et réduites à des conceptions étroitement bourgeoises, abandonnent tout esprit de grandeur »(J.

P.

Peter).

Le pratique, le solide, l'assuré risquent bien en effet de triompher alors de la pensée, et de faire régnerle médiocre.

Après les intuitives analyses de Tocqueville, Flaubert, dans Bouvard et Pécuchet peint l'étroitessed'esprit, les lamentables tentatives d'êtres affadis —, ayant perdu l'usage, l'application de leur responsabilité — depetits bourgeois, produits d'une société qui s'étrique elle-même.

Ainsi « chacun...

retiré à l'écart est commeétranger à la destinée de tous les autres » prévoit Tocqueville.

L'isolement du monde moderne, qui provoque sitragiquement son angoisse, est doublé non seulement par la veulerie qui naît de son égoïsme et de sa médiocrité(voir également les dures peintures de Balzac), mais par la veulerie que le mode de gouvernement — plus ou moinschoisi par lui — multiplie en lui.

Car, comme Tocqueville le fait encore remarquer, le gouvernement démocratiquesouffre a d'abstraction ».

Bien que progrès technique et développement économique dussent rendre aux travailleursleur dignité et l'aisance matérielle, l'uniformisation des conditions de vie et de pensée fond les individus dans lamasse.

Tout devient trompe-l'œil.

Ainsi le film de Robbe-Grillet : L'année Dernière à Marienbad — qui peint ce modede vie aliénant et cette société vidée — présente-t-il un monde de richesses, d'amoncellement d'ors, de meublesprécieux et de colonnades de marbre.

Mais ce décor est faux, sans fonction : ce sont de fausses portes, de faussesperspectives, de fausses colonnes, des stucs et des plâtres où la vie est figée, la liberté absente : « C'est un drôled'endroit, dit le héros.

— Vous voulez dire pour être libre ? — Oui, en particulier ».

Les adjectifs utilisés pourcaractériser cet « endroit » sont toujours : « lugubre, désert, froid, sombre, silencieux, noir », comme sonpropriétaire, le mari de la jeune femme est toujours « glacé, implacable, impassible ».

Ce propriétaire, n'est-ce pasce « pouvoir immense et tutélaire » dont parle Tocqueville qui « aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu'ils nesongent qu'à se réjouir ».

Voilà bien le gouvernement de techniciens correspondant à une humanité empêtrée dansson bien-être, à la conscience forcée par les moyens modernes de communication ; les mass-media, journaux,disques, Radio, T.V.

endorment ses critiques ou sa résistance dans le conformisme; les loisirs mêmes ne sont que «non-travail..., pur divertissement qui ne saurait donner aux individus le moyen ni le goût de travailler à leur propredéveloppement »; « la liberté devient une notion abstraite » (Peter).

Pour peu que l'on bascule dans quelque excèset l'on n'est pas loin de la pénible peinture du Château de Kafka qui présente le côté totalitaire de certainessociétés modernes. * * *. »

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