SONNET (histoire de la littérature)
Publié le 14/10/2018
                             
                        
Extrait du document
 
                                SONNET. L’histoire du sonnet se confond avec celle de la poésie française. L’affirmation de Boileau est lourde de tous les enjeux et de tous les débats qui vont l’agiter au cours des siècles :
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.
{Art poétique, ch. Il, vers 94)
Le génie peut-il s’exprimer sans contraintes? La poésie n’est-elle qu’exercice d’une pure liberté? Par sa codification rigoureuse — et par son succès —, le sonnet semble prouver le contraire. Bien que soient signalées de nombreuses formes irrégulières (notamment l’estrambot, qui possède trois tercets), le terme désigne un petit poème de quatorze vers, composé de deux quatrains et de deux tercets. La règle est d’interdire les répétitions de mots, à l’exception des conjonctions et des verbes auxiliaires. Son mètre, généralement, est typique de chaque poésie nationale (alexandrin en France; hendécasyllabe en Italie; décasyllabe en Angleterre). Les deux quatrains ne doivent jouer que sur deux rimes, impérativement embrassées (ABBA). Les deux tercets, toujours liés par une rime commune, obéissent à des règles plus souples. Tout sc résout en une «chute », trait brillant, image riche ou pensée fermement ramassée comme dans l’épigrammc.
A la recherche d'une forme
On a longtemps attribué à la poésie provençale l’invention du sonnet. Sans doute à cause d’une confusion
linguistique. « Son » (ou sonnet), dans le langage des troubadours, signifiait toute espèce de pièce lyrique accompagnée d’instruments de musique.
Peut-être élaboré au xiiie siècle par l’école sicilienne, le sonnet gagne la Toscane et se répand à travers l’Occident au xvie siècle. En France, la première mention du sonnet apparaît en 1524 chez un rhétoriqueur poitevin. Jean Bouchet. Marot et Mellin de Saint-Gelais l’introduisent.
Le décasyllabe lui sert d’abord de mètre. Apparaissent alors les thèmes et images pétrarquistes, sources d’un courant poétique qui s’épanche en la Pléiade et perdure dans la préciosité. Pétrarque, dans II Canzoniere, révèle combien le sonnet est propre à exprimer l’amour, sentiment cardinal d’une nouvelle éthique mondaine. Ses successeurs italiens en durcissent les règles; ainsi sont exclues les combinaisons qui permettent de décomposer les six derniers vers en un distique et un quatrain. Or, ce sont justement de tels artifices que la France retiendra pour lois.
Marot répartit les rimes des tercets de telle sorte que les quatre derniers vers dessinent un troisième quatrain, ne différant des deux premiers que par les sonorités de ses rimes (CCD-EED) et non par leur disposition (DEED). Des autres formes inventées par les poètes du xvic siècle, une seule s’imposera : celle que du Bellay invente dans l'Olive (CCD-EDE). L’effet est le même que dans le sonnet marotique. Les six derniers vers forment un distique suivi d’un quatrain. Les poètes français savent en varier l’harmonie en jouant sur l’alternance des rimes féminines et masculines. Ne trouve-t-on pas également des pièces à rimes entièrement féminines d’une extrême fluidité?
La France appose sa marque sur le sonnet. Tout en le renouvelant, les poètes vont y trouver une école de perfection. C’est pourquoi, dès la Renaissance, il connaît une fortune extraordinaire à travers l’Europe. A l’imitation de Pétrarque, Shakespeare et Ronsard, il semble exclusivement consacré à ta peinture des amours, à l’effusion lyrique; cependant, dans ses Regrets, du Bellay l’adapte à l’expression de nouvelles idées, d’émotions variées.
Splendeurs et misères du sonnet
Combattue un instant par Malherbe, mais à peine ébranlée, sa vogue sc poursuit au xviie siècle. Gombauld, Voiture, Malleville y trouveront le plus beau de leur gloire; certaines pièces connaissent un succès étourdissant, et les beaux esprits se livrent à d’interminables discussions à propos des sonnets de Job. d’Uranie, ou de la Belle Matineuse de Voiture. Les exigences du genre correspondaient à l’esprit de la préciosité : celle-ci le consacre comme sa forme préférée.
Mais, dès la seconde moitié du Grand Siècle, le sonnet partage la disgrâce des précieux. A travers Oronte. dans le Misanthrope, Molière ridiculise ses vaines virtuosités.
Les Lumières, tout occupées de critique et d’idées sociales, ne voient toujours en lui que frivole badinage d’une littérature de salons. II faut attendre la période romantique, de Musset à Nerval (les Chimères), l’exaltation de la sensibilité et des passions pour que renaissent de leurs cendres le sonnet et ses contraintes.
Les parnassiens (Heredia, Sully Prudhomme) et les symbolistes, tout en refusant l’inspiration romantique, l’idée d’une création poétique abondante et facile, apologistes du travail et du souci de perfection, l’aimeront. Leurs principes trouvent dans le sonnet une rigueur de bon aloi bien propre à renouer avec le « culte du beau » cher à Baudelaire. Celui-ci, au prix de quelques entorses aux règles (quatrains jouant sur quatre rimes croisées,
 
                                «
                                                                                                anaphores 	et 	répétitions), en  a distillé  des poèmes  certes 
:irréguliers,  mais profondément  originaux 	(«Que 	diras-tu 
ce  soir?  ...
                                                            
                                                                                	»,« 	Remords 	posthume»).
                                                            
                                                                                	Le 	xx• 	sièc le ,  malgré  les  tenta t	ives 	souven t réussies 
de  Valéry, 	d'Aragon, 	de 	Cocteau,  de Jean  Cassou,  appré
cie  peu 	l'exigeante 	ordonnance  du sonnet, 	dont 	on a 	oublié 	les 	richesses 	pour 	n'en rappeler  que les  artifices .
                                                            
                                                                                
Apparaît  ainsi , au-delà  des cas particuliers, 	la 	constance 	d'une 	loi : les  époques  où 	le 	sonnet fut 	porl~ 	aux nues 
furent  celles où 	l'amour 	de 	la 	poésie  coïncida peu  ou 
prou 	avec 	le culte 	de 	la 	forme.
                                                            
                                                                                	
BffiLIOGRAPIDE 	Asselineau, 	Histoire  du sonnet, 	Paris,  1855; 	Th	.
                                                            
                                                                                de 	Banvill e, 	Petit 	Traité 	de 	poésie 	française, 	1872;  M.
                                                            
                                                                                	Jasinski, 	Histoire 	du 	sonnet 	en 	France 	(1903).
                                                            
                                                                                	Genève	, Slatkine 	Reprints, 	1 970; 	Dictionnaire 	de 	composition 	poétique 	fran	ç aise 	classique, 	Condé	-sur-Noireau,  1977; D.
                                                            
                                                                                Scott, 	Sonnet 	Theory 	and 	Pra	ctice 	in 	J9JI> 	Centllry 	France, 	Uni 	v.
                                                            
                                                                                of 	Hull 	(G.-8.)	,  1977;  F.
                                                            
                                                                                Rigo l	ot, 
«	Qu'est-ce 	qu' un 	sonnet?  Perspectives 	sur 	les ori	gines 	d'une 	forme 	poétique», 	R.H.LF., 	janv.-févr.
                                                            
                                                                                 1984..
                                                                                            »
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