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Dans la passion suis-je moi-même ?

Publié le 16/01/2004

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DÉFINITIONS ► Le terme passion a la même étymologie que «passif«: patior, «supporter«, «souffrir«. La passion en tant qu'inclination constante qu'on ne peut pas maîtriser serait donc une force sur laquelle notre raison et notre volonté n'auraient aucune prise. Comme telle, la passion serait une aliénation. Mais la passion, précisément parce qu'elle a un caractère exclusif, peut être un formidable moteur de l'action et permet ainsi à l'individu d'y puiser de l'énergie pour s'accomplir lui-même, pour surmonter les obstacles qui pourraient entraver son épanouissement. ► Être soi-même, c'est, d'une part, ne pas affecter consciemment d'être autre que l'on est, mais c'est aussi la maîtrise libre et volontaire de soi, en surmontant toute contrainte extérieure: on choisit et l'on assume ses pensées et ses actes - en d'autres termes, on s'autodétermine. PROBLÈME La passion nous aliène-t-elle en nous privant de notre liberté de choix et d'action, de sorte qu'il faudrait l'éradiquer pour reprendre possession de nous-mêmes? Ou, au contraire, la passion est-elle ce qui nous permet de nous réaliser pleinement, de sorte que la passion ne devrait pas être comprise comme ce à quoi on s'abandonne de manière purement passive?

« 2.

Non, dans la passion je ne suis pas moi-même. A.

La passion, en tant qu'elle s'apparente à une forme de folie, me dépossède de moi-même. Lorsqu'il s'agit de punir un crime passionnel, la justice est généralement plus clémente que lorsqu'il s'agit d'un crimeprémédité.

On admet que la passion - la jalousie, l'amour notamment - relève d'une forme de folie.

Victime de lapassion qui l'habite, l'individu n'agit plus librement et n'est plus que le jouet de sa passion.

Si le passionné restecoupable des actes répréhensibles qu'il commet - c'est bien lui qui agit -, sa responsabilité est néanmoins difficile àévaluer car il n'aura pas agi délibérément.

La passion peut donc être qualifiée d'«aliénante» puisque j'agis tout enétant étranger à mes actes.

Dans la passion, je ne suis pas moi-même en tant que ma volonté n'est pas pleinementà l'initiative de mes actes.Demander si je suis moi-même «dans» la passion, c'est déjà supposer que la passion est un état émotionnel danslequel on est pris, une autorité qui nous contraint sans que nous l'ayons choisie.

Je ne suis plus moi-même dans lamesure où la passion dans laquelle je suis pris emporte avec elle tous mes repères, valeurs, impératifs de prudence,devoir moral...

qui régissaient jusqu'à présent mon existence.

La passion est donc un principe d'action qui poussel'individu à enfreindre des règles, des lois dont le passionné reconnaît l'autorité dès lors qu'il «reprend ses esprits». B.

La passion fausse l'usage de l'entendement. Être soi-même, ce n'est pas seulement être maître de ses actes.

Mon identité réside également dans l'usage de mafaculté de juger.

Le passionné n'est pas seulement incapable de vouloir librement: il est d'abord incapable d'examinerobjectivement les termes entre lesquels il s'agit de choisir.

Ainsi, le joueur passionné ne veut pas jouer: il y estcontraint par la passion; mais il n'est pas non plus apte à juger des avantages et des inconvénients du jeu.

Eneffet, la passion une fois à son comble tend à prendre le pas sur tout ce qui constituait jusqu'alors le caractère del'individu: le «moi» est ainsi phagocyté par la passion (cf.

la «cristallisation», Stendhal).

La passion nous fait nonseulement renoncer à tout ce qui ne concerne pas l'objet de notre passion, mais elle parvient même à modifier notreperception du monde, d'autrui, et de nous-mêmes: tout, désormais, sera mesuré à l'aune de l'objet de notrepassion, élevé au rang d'absolu. C.

Dans la passion, je choisis de ne pas être un moi autonome. On pourrait alors penser qu'il suffirait de combattre les passions pour accéder à la pleine possession de soi.Cependant, en tant que «gangrène de la raison pratique» (Anthropologie du point de vue pragmatique, Kant), lapassion est justement comparable à une maladie qu'il faut combattre - au sens d'une obligation morale ici -, maisque le passionné, précisément, choisit de ne pas combattre: il est comme « un malade qui ne veut pas guérir».

Eneffet, bien que les passions empêchent d'être libre, en tant qu'elles sont «une inclination devenue constante qu'onne peut pas ou difficilement maîtriser» (ibid.), elles sont néanmoins choisies par le libre arbitre du sujet.

La présencede la loi morale en nous nous atteste l'existence de la liberté comme autonomie de la volonté, mais lorsque noussommes passionnés nous choisissons en quelque sorte librement de ne pas être libres.

Ainsi, dans la passion je suisbien moi-même en tant que sujet sensible, mais je choisis de ne pas être le sujet raisonnable que ma consciencemorale exige que je sois. "Les passions, puisqu'elles peuvent se conjuguer avec la réflexion laplus calme, qu'elles ne peuvent donc pas être irréfléchies comme lesémotions et que, par conséquent, elles ne sont pas impétueuses' etpassagères, mais qu'elles s'enracinent et peuvent subsister en mêmetemps que le raisonnement, portent, on le comprend aisément, le plusgrand préjudice à la liberté ; si l'émotion est une ivresse, la passion estune maladie, qui exècre toute médication 2, et qui par là est bien pireque tous les mouvements passagers de l'âme; ceux-ci font naître dumoins le propos de s'améliorer, alors que la passion est unensorcellement qui exclut toute amélioration." KANT 1.

Introduction • Ce texte, extrait de l'Anthropologie du point de vue pragmatique, serapporte au thème de la passion et soulève le problème de la nature de cettedernière.

La passion, dysfonctionnement majeur, pathologie dangereuse oumouvement psychique fécond pouvant porter l'âme vers de grandes choses ?• Quelle est l'idée directrice de ces lignes? La passion est une véritablemaladie de l'âme, portant atteinte à notre liberté.• On saisit ce que le texte nous fait gagner, son enjeu: une attitude pratiqueconcernant le jeu passionnel.

Si la passion est une désorganisationpathologique, nous devons tenter — si possible — de la dominer.

Or, la passion porte atteinte à la liberté.

Donc la maîtrise de la passion est difficile. 2.

Étude ordonnée. »

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