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Les droits de l'homme: évidence ou problème

Publié le 21/03/2004

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Suffit-il par exemple de proclamer des droits sans se soucier des conditions de leur exercice ? La liberté, comme puissance d'agir, ne requiert pas seulement la reconnaissance de sa possibilité : elle appelle aussi les moyens qui la rendent effective. Invoquer les droits de l'homme, c'est alors exiger ce qui permet à l'humanité de s'épanouir en chaque homme, et non pas se contenter de rappeler les libertés juridiques reconnues. Interprétation exigeante, qui n'est pas admise de tous, car elle a des implications sociales et même politiques précises. Un autre type de problème surgit lorsqu'on évoque la diversité des cultures (au sens ethnographique du terme). Les droits de l'homme relèvent-ils d'une culture particulière, ou peuvent-ils légitimement prétendre à l'universalité, une telle prétention signifiant qu'ils transcendent les cultures particulières et leurs normes propres ? Problème majeur, en une époque où tout à la fois se «mondialisent« les problèmes et s'exacerbent les particularismes ethno-culturels. La vocation à l'universel tourne les hommes vers ce qui leur est commun : du même mouvement, elle les invite à s'affranchir de ces particularismes. Un idéal permettant de fonder authentiquement les droits de l'homme n'a donc rien d'évident, car il requiert une distanciation toujours difficile.

Introduction I. Les droits de l'homme sont-ils des droits? 1. Différence entre les droits de l'homme et les droits qui régissent les États. 2. Droit naturel et droit positif. 3. Quel est le fondement des droits naturels de l'homme? II. Vers un fondement des droits de l'homme. 1. Cette recherche du fondement est nécessaire car une réaction affective est insuffisante. 2. Cette recherche du fondement est nécessaire pour répondre aux objections contre les droits de l'homme. 3. Le fondement moral de notre révolte devant les violations des droits de l'homme. III. Du fondement de la morale aux droits de l'homme. 1. Le fondement des droits de l'homme. 2. Le problème de la déduction des droits de l'homme. 3. Comment des principes moraux peuvent-ils avoir la force d'un véritable droit? Conclusion

« Nous nous référons souvent aux « droits de l'homme », comme à quelque chose qui irait de soi, qui serait « évident».

Or, le moins qu'on puisse dire est que cette notion pose des problèmes.

La simple juxtaposition des termes de «droits » et d'« homme » est déjà un paradoxe, s'il est vrai que le droit s'applique aux citoyens d'un État donné, etnon à l'homme en général.

On lèvera alors la difficulté en faisant des droits 132de l'homme de simples principes moraux.

Mais qu'est-ce qui en justifie l'existence ? Qu'y a-t-il en l'homme de sacréqui fonde la possibilité de droits inaliénables? [I.

Les droits de l'homme sont-ils des droits?] [1.

Différence entre les droits de l'homme et les droits qui régissent les États.]La juxtaposition des termes de « droits » et d'« homme » est déjà en elle-même un paradoxe.

Le droit est en effettoujours le droit qui existe dans un État donné.

Il s'applique aux citoyens de cet État, non à l'homme en général.

Lasouveraineté des États les rend libres de se donner leur propre droit.

Même si nous pensons qu'il existe des loisjustes qui doivent être promulguées et appliquées dans tous les États, aucun Etat ne peut décider de cettepromulgation ou de cette application pour un autre.Si aucun État ne peut prétendre édicter des lois qui s'appliquent à l'homme en général, peut-être les droits del'homme sont-ils promulgués d'un commun accord par l'ensemble des États? C'est à peu près ce qui se passe dans laDéclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

A la différence de la Déclaration française de 1789, elle n'estpas faite par un seul pays, mais elle a l'avantage d'avoir été votée par presque tous les États (sauf quelquesabstentions, dont celle de l'U.R.S.S.).

S'agit-il pour autant d'un droit à proprement parler? Pour qu'il puisse êtrequestion de droit, il faut qu'il y ait plus qu'une simple déclaration de principes, il faut encore que ces principes aientforce de lois.

Pour cela, il faut une force qui les fasse exécuter, des tribunaux qui jugent des violations de cesdroits.

Quand un homme a enfreint le droit, il est recherché par la police, jugé par un tribunal, et exposé à unepeine.

Or, rien de tel n'existe dans le cas des droits de l'homme. [2.

Droit naturel et droit positif.]Pour penser le statut des droits de l'homme, nous en reviendrons donc à la distinction classique du droit naturel etdu droit positif.

Le droit positif est promulgué par un État et vaut à l'intérieur de cet État.

À cet égard, laDéclaration des droits de l'homme peut en faire partie, si elle est inscrite en tête de la Constitution par exemple.Mais nous dirons que ces droits continuent d'être valables, même dans les pays où ils ne sont pas proclamés par laConstitution, car ils appartiennent à l'homme en tant que tel, quel que soit le système politique sous lequel il vit.

Ilssont inscrits dans la nature humaine : c'est le droit naturel.

On dira alors que les Déclarations des droits de l'hommede 1789 et de 1948 ne font que proclamer ce droit naturel.Cela pose un problème.

Le droit naturel, en effet, n'a pas besoin d'être proclamé, ni à plus forte raison appliqué dansun pays, pour exister, puisqu'il est inscrit dans la nature humaine.

Il existe avant même qu'on en reconnaissel'existence.

Seulement, il est sans doute de la première importance qu'à une certaine époque de l'histoire, onéprouve la nécessité de dire, de proclamer, ce droit naturel.

C'est ici le statut de la Déclaration des droits del'homme qui fait problème : elle ne relève pas du droit positif puisqu'elle n'a pas force de loi, mais elle est déjà plusque le droit naturel puisque le droit naturel n'est pas proclamé. [3.

Quel est le fondement des droits naturels de l'homme?]Une autre difficulté, plus importante encore, se présente.

Si les droits de l'homme sont des droits naturels, ilconvient de justifier l'existence de droits naturels.

La référence à la nature est en effet ici problématique, car lesrapports de force par lesquels les puissants écrasent les faibles sont aussi « naturels ».

Quand nous parlons de «nature », nous ne voulons donc pas désigner les faits, ce qui existe dans la réalité.

Nous visons plutôt l'essence del'homme, ce qu'il est au fond de lui-même, mais auquel la réalité peut apporter un démenti.

Par là, le droit naturel serapproche de la morale, c'est-à-dire d'un ensemble de valeurs, de normes, qui définissent le bien et le mal, ce quidoit être et ce qui ne doit pas être.Le problème est donc de déterminer quelle est cette « essence », cette « nature » humaine, cette norme moraledéfinissant ce que l'homme doit être.

En d'autres termes, nous devons déterminer ce qui fonde les droits de l'homme: qu'y a-t-il en l'homme de sacré, d'inviolable, qui justifie que l'on parle de droits de l'homme? [II.

Vers un fondement des droits de l'homme.] [1.

Cette recherche du fondement est nécessaire car une réaction affective est insuffisante.]Cette recherche du fondement des droits de l'homme pourra paraître illégitime, déplacée, car il y a des actes siodieux qu'ils suscitent une réprobation immédiate, sans qu'il soit nécessaire pour justifier cette condamnation d'avoirrecours à un quelconque fondement.

Le viol, la torture nous en fournissent des exemples.

Nous ne mettons pas encause l'existence de cette réaction spontanée, affective.

Elle est même sans doute le point de départ de touteréflexion sur les droits de l'homme.

En effet, s'il y a une réflexion à mener sur les droits de l'homme, c'est d'abordparce que certains actes soulèvent un sentiment de révolte, le sentiment qu'il y a là quelque chose qui, pour êtreexplicable, n'en est pas moins injustifiable.

Cette réaction spontanée est cependant insuffisante, elle appelle unapprofondissement qui s'efforce d'en comprendre la signification, et d'en justifier la légitimité.

À ce sujet, nousdevons prendre garde de ne pas confondre notre sentiment de révolte devant certains actes, et l'interprétation quenous en donnons.

Autre chose est de dire : « il y a des actes odieux » et « ils sont odieux parce que ce sont desviolations des droits de l'homme ».

Si le sentiment est évident en ce sens qu'il s'impose à nous avec force, lajustification ou l'explication que nous en donnons ne l'est pas.

Le recours à la notion de droits de l'homme est unemanière de rendre compte de notre indignation, mais celle-ci doit être justifiée.. »

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