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Rousseau: Sagesse et bonheur

Publié le 17/04/2009

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rousseau
«En quoi donc consiste la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur ? Ce n'est pas précisément à diminuer nos désirs ; car, s'ils étaient au-dessous de notre puissance, une partie de nos facultés resterait oisive, et nous ne jouirions pas de tout notre être. Ce n'est pas non plus à étendre nos facultés, car si nos désirs s'étendaient à la fois en plus grand rapport, nous n'en deviendrions que plus misérables : mais c'est à diminuer l'excès des désirs sur les facultés, et à mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté. C'est alors seulement que, toutes les forces étant en action, l'âme cependant restera paisible, et que l'homme se trouvera bien ordonné. C'est ainsi que la nature, qui fait tout pour le mieux, l'a d'abord institué. Elle ne lui donne immédiatement que les désirs nécessaires à sa conservation et les facultés suffisantes pour les satisfaire. Elle a mis toutes les autres comme en réserve au fond de son âme, pour s'y développer au besoin. Ce n'est que dans cet état primitif que l'équilibre du pouvoir et du désir se rencontre, et que l'homme n'est pas malheureux. Sitôt que ses facultés virtuelles se mettent en action, l'imagination, la plus active de toutes, s'éveille et les devance. C'est l'imagination qui étend pour nous la mesure des possibles, soit en bien, soit en mal, et qui, par conséquent, excite et nourrit les désirs par l'espoir de les satisfaire. Mais l'objet qui paraissait d'abord sous la main fuit plus vite qu'on ne peut le poursuivre ; quand on croit l'atteindre. il se transforme et se montre au loin devant nous. Ne voyant plus le pays déjà parcouru, nous le comptons pour rien ; celui qui reste à parcourir s'agrandit, s'étend sans cesse. Ainsi l'on s'épuise sans arriver au terme ; et plus nous gagnons sur la jouissance, plus le bonheur s'éloigne de nous. Au contraire, plus l'homme est resté près de sa condition naturelle, plus la différence de ses facultés à ses désirs est petite, et moins par conséquent il est éloigné d'être heureux. Il n'est jamais moins misérable que quand il paraît dépourvu de tout ; car la misère ne consiste pas dans la privation des choses, mais dans le besoin qui s'en fait sentir. Le monde réel a ses bornes, le monde imaginaire est infini ; ne pouvant élargir l'un, rétrécissons l'autre ; car c'est de leur seule différence que naissent toutes les peines qui nous rendent vraiment malheureux.» Rousseau, Emile ou De l'éducation

L'homme se caractérise par plusieurs facultés qui lui sont propres:  La faculté de raisonner qui lui permet d'adapter ses actes aux buts qu'il poursuit; la faculté d'imaginer qui lui permet de se projeter dans le futur afin d'anticiper ce qu'il pourrait devenir et posséder; enfin la faculté de désirer qui mobilise notre énergie au delà de la satisfaction de nos besoins et nous fait convoiter ce que nous ne sommes pas et ce que nous ne possédons pas également.    Il existe pour Rousseau un grave dysfonctionnement entre ces 3 facultés: l'imagination multiplie les objets de notre désir bien plus vite que notre raison nous permet de les satisfaire.  Conséquences de ce déséquilibre: lorsque nous réussissons à réaliser un désir en affrontant victorieusement la réalité, un autre désir naît grâce à la puissance illimitée de notre imagination. Autre possibilité: l'objet de notre désir étant le produit de notre imagination, il n'existe aucun objet réel dans le monde qui lui corresponde véritablement; la déception est ici également au rendez-vous.  

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