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RÉALITÉ ET VÉRITÉ

Publié le 18/01/2020

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Traditionnellement, le problème de la vérité est celui de l’adéquation de la pensée au réel.

Ainsi posé, ce problème recouvre toutes les questions qui n’ont guère cessé d’agiter et de stimuler l’histoire de la philosophie et celle des sciences, à savoir : le réel est-il intégralement pensable ? La connaissance procède-t-elle de l’être à la pensée ou de la pensée à l’être ? Comment penser toutes choses dans leur vérité ? Y a-t-il une ou des vérités ?

On peut illustrer cette immense problématique à l’aide de quelques exemples qui révèlent la concurrence ambiguë entre le réel et le vrai, entre la figuration ou la désignation de la réalité et l’expression ou l’affirmation de la vérité.

Nous avons vu (ci-dessus, pp. 45 sq.) Picasso rêvant de faire «une vraie corrida» avec le taureau «grandeur nature » - : « Il faudrait, dit-il, une toile grande comme les arènes », ajoutant pour finir : « Et pourquoi pas, avec un vrai taureau ? »

Borges imagine de son côté, que «les cartographes de l’Empire» dressèrent une carte de l’Empire ayant le format de l’Empire et qui coïncidait si exactement avec lui, point par point, que les générations suivantes, en vinrent à considérer que cette carte était parfaitement inutile ; elles'cessèrent donc d’en prendre soin et l’abandonnèrent aux intempéries.

Cependant, au siècle dernier, selon l’historien Ranke, l’histoire devait, comme un témoin sincère prêtant serment devant un tribunal, s’engager à dire «la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ».

Freud nous livre pour sa part une « histoire », extrêmement subtile, en réalité fort sérieuse, qui revient à demander si c’est dire la vérité que de présenter la réalité telle qu’elle est : '

■ « Deux juifs se rencontrent en wagon dans une station de Galicie. “Où vas-tu ? dit l’un. - À Cracovie, dit l’autre.

- Vois quel menteur tu fais ! s’exclame l’autre. Tu dis que tu vas à Cracovie pour que je croie que tu vas à Lemberg. Mais je sais bien que tu vas vraiment à Cracovie. Alors, pourquoi mentir ?” »

Freud, Le Mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, Gallimard, «Les Essais», 1953, p. 131.

Enfin, nous emprunterons un dernier exemple à Witt-genstein :

«Je suis assis au jardin avec un philosophe; il va me répétant : “Je sais que ceci est un arbre” en montrant un arbre près de nous. Une tierce personne arrive là-dessus, l’entend et je lui dis : “Cet homme n’est pas fou : nous ne faisons que philosopher.” »

Wittgenstein, De la certitude, art. 467.

À travers ces différents exemples, on remarquera que c’est toujours la même question lancinante qui est posée : la vérité n’est-elle qu’un redoublement impossible, inutile ou suspect de la réalité ?

Qu’est-ce que la vérité ?

Philosopher, c’est chercher la vérité. Et Platon précise : c’est aller au vrai avec toute son âme. Refuser la philosophie, c’est refuser cette recherche. Mais que signifient donc cette recherche et son refus ? Est-il possible de refuser la vérité ? Ou plutôt, en se refusant à sa recherche, ne prétend-on pas qu’on la détient? Mais alors, d’où la tient-on?

Le doute fondamental

«Pour examiner la vérité il est besoin, une fois en sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu’il se peut. » Descartes, Règles pour la direction de l’esprit. Règle II.

  1. Le doute fondamental
  2. Le problème du critère de la vérité
  3. Découvrir la vérité ? La vérité et son langage
  4. La vérité et son « autre »
  5. QUE SIGNIFIE « CHERCHER LA VÉRITÉ » ?

Le problème du critère de la vérité '

Critère : principe auquel on se réfère pour juger, apprécier une chose (du grec critèrion, règle pour discerner le . vrai du faux).

Le problème du critère de la vérité peut s’énoncer ainsi : la reconnaissance de la vérité se fonde-t-elle sur des marques extrinsèques ou intrinsèques ? Ou, en d’autres termes : les indices, les signes ou les caractères qui permettent d’établir la vérité et de la distinguer sûrement de l’erreur, sont-ils extérieurs ou intérieurs à la vérité elle-même ? Sont-ils compris ou non dans sa définition ou son essence ? .

À vrai dire, nous avons ici affaire à deux conceptions du critère de vérité :

- Conception scientifique de la vérité : si la vérité consiste en une représentation adéquate du réel, d’un réel objectif, qui nous est extérieur, le critère de vérité est par conséquent extrinsèque à toute affirmation qui se dit vraie. La vérité est assujettie à la vérification. À travers le dispositif expérimental mis en place par le savant pour interroger la Nature, ç’est finalement la Nature qui répond au savant : « c’est vrai » ou « c’est faux ».

Quelle que soit la vraisemblance rationnelle d’une idée, d’une hypothèse ou d’une théorie, c’est l’expérience qui a le dernier mot.

On peut donc appeler empirique (du grec empeïria = expérience) ou mieux expérimentale, cette conception 'scientifique de la vérité, nécessairement relative aux conditions de possibilité d’une expérience objective.

- Conception philosophique de la vérité : en un tout autre sens, la vérité est le fruit, non d’une contemplation, mais, pour parler comme Hegel, d’une pénétration plus ou moins étendue, plus ou moins profonde, dans la réalité. S’il est vrai que, nécessairement, quoi que nous fassions et quoi que nous pensions, « nous sommes dans le vrai » -mais, certes, à des degrés divers de connaissance -, alors la distance entre le vrai et le réel s’abolit et la vérité n’a nul besoin d’un critère extérieur. L’expérience n’est que le lieu du déploiement de la sagesse, c’est-à-dire de la vérité intérieure et rayonnante. .

«Le vrai, comme dit Spinoza, est à lui-même sa marque. » C’est dans ce- sens que, pour le sage stoïcien, comme pour Montaigne, la présence au monde et la pénétration dans la vérité s’identifient avec le bonheur d’exister (cf. «Épictète», «Marc Aurèle», «Montaigne», in Les Philosophes/1, de Platon à Montesquieu).

Il y a plus qu’une différence entre ces deux conceptions de la.vérité, qui, portées à leur limite extrême, finissent par s’exclure mutuellement : en effet, au regard de l’esprit scientifique de typé laplacien (cf p. 183), une vérité qui ne serait pas rigoureusement objective serait une vérité sans ancrage, une vérité à la dériye çt; à la merci des illusions, des confusions et du délire de la subjectivité. « La physique, écrit Einstein, est un effort pour appréhender l’étant (das Seiende) comme quelque Chose de conceptuel, qui est pensé indépendamment du fait d’être observé.» Ainsi, «pour nous autres physiciens convaincus, la. distinction entre passé, présent et futur n’est qu’une illusion, même si elle est tenace ».

Au regard de l’esprit philosophique, au contraire, une vérité est menacée de dérive et de vacuité si elle n’est pas chevillée, dans l’espace et dans le temps, au plus profond de l’être, c’est-à-dire, au cœur de l’intersubjectivité, en tant que constitutive de « la réalité » et en. tarit que fondatrice du sens de toute activité humaine. =

. « Quand un homme serait persuadé que les proportions des nombres sont des vérités immatérielles, étemelles et

« 262 La problématique du langage demander si c'est dire la vérité que de présenter la réalité telle qu'elle est : .

· · « Deux juifs se rencontrent en wagon dans une station de Galicie.

"Où vas-tu? dit l'un.

-À Cracovie, dit l'autre.

-Vois quel menteur tu fais! s'exclame l'autre.

Tu dis que tu vas à Cracovie pour que je croie que tu vas à Lemberg.

Mais je sais bien que tu vas vraiment à Cracovie.

Alors, pourquoi mentir?"» Freud, Le Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient, Gallimard, «Les Essais», 1953, p.

131.

Enfin, nous emprunterons un dernier exemple à Witt­ genstein : «Je suis assis au jardin avec un philosophe ; il va me répétant : "Je sais que ceci est un arbre" en montrant un arbre près de nous.

Une tierce personne arrive là-dessus, l'entend et je lui dis : "Cet homme n'est pas fou : nous ne faisons que philosopher."» · Wittgenstein, De la certitude, art.

467.

À travers ces différents exemples, on remarquera que c'est toujours la même question lancinante qui est posée : la vérité n'est-elle qu'un redoublement impossible, inutile ou suspect de la réalité ? Qu'est-ce que la vérité? Philosopher, c'est chercher la vérité.

Et Platon précise : c'est aller au vrai avec toute son âme.

Refuser la philoso­ phie, c'est refuser cette recherche.

Mais que signifient donc cette recherche et son refus? Est-il possible de refuser la vérité ? Ou plutôt, en se refusant à sa recherche; ne pré­ tend-on pas qu'on la détient? Mais alors, d'où la tient-on? Le doute fondamental « Pour examiner la vérité il est besoin, une fois en sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu'il se peut.» Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, Règle II.. »

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