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Affirme-t-on sa liberté en refusant d'admettre une vérité évidente ?

Publié le 13/03/2004

Extrait du document

* Kant fait apparaître que l'opposition entre liberté et contrainte ne fonctionne pas toujours. Ainsi, une colombe en vol pourrait croire que l'air la freine, mais s'il n'y avait pas d'air, elle ne pourrait pas voler du tout. Ce qui la freine est aussi ce qui la porte. De même, la notion de liberté absolue, au sens d'une complète absence de contrainte, n'a pas de sens. En effet, sans aucune contrainte, dans le vide pur, aucune action n'est possible, à plus forte raison aucune action libre.* Ainsi, il n'y a d'action et donc de liberté possible qu'au sein d'une certaine structure, qui définit notre champ d'action tout en le délimitant. - Négativement, on affirme que la liberté est infinie en refusant d'admettre une vérité évidente. Positivement, on affirme sa liberté en reconnaissant rationnellement les limites et en les acceptant. Ce que les stoïciens résumait en disant: "Ne cherche pas à faire que ce qui arrive, arrive comme tu le désires; veuille, au contraire, ce qui arrive comme il arrive. Alors tu jouiras de la paix intérieure.

« richesses, la réputation, les honneurs, « en un mot toutes les choses qui ne sont pas du nombre de nos actions ».Une telle alternative sert de crible parfaitement efficace pour éprouver la valeur de ce qui advient.

Les choses quiarrivent de l'extérieur dépendent-elles de nous ? Certainement pas.

Dès lors, nous devons les considérer commehors de notre pouvoir.

Car les choses qui ne dépendent pas de nous échappent à notre volonté libre.

L'homme quis'attacherait à ces choses deviendrait faible, esclave, dépendant, insensé.

Plus encore, il nous faut admettre queles choses extérieures, puisqu'elles ne dépendent pas de nous, ne sont rien.

Ce que nous croyons apprécier, ce nesont pas les choses, mais seulement l'opinion que nous en avons.

Et c'est là l'origine de nos troubles, de nossouffrances, de nos malheurs.

Épictète l'affirme : « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinionsqu'ils en ont [...] Lors donc que nous sommes traversés, troublés ou tristes,n'en accusons pas d'autres que nous-mêmes, c'est-à-dire nos opinions»(Manuel, V ).Mors, mis en garde contre le trouble (taraxé), nouspourrons, comme le sage, écarter de nous les opinions vides et atteindre lavéritable sagesse.

En effet, chez les stoïciens, la vie du sage parvenu ausommet de la perfection consiste à jouir d'une constante et complète ataraxie(a — taraxé, c'est-à-dire absence de trouble).

Mais parvenir à de telssommets, ce n'est pas, comme on le croit parfois hâtivement, se retirer dumonde, ou plus simplement manifester une vague indifférence sceptique.Certes, celui qui progresse vers la sagesse donne parfois l'image d'un hommeà l'écart du monde :«Il ne blâme personne, il ne loue personne, il ne se plaint de personne, iln'accuse personne, il ne parle pas de lui comme s'il était quelque chose, ouqu'il sût quelque chose ; quand il trouve quelque obstacle ou quelqueempêchement à ce qu'il veut, il ne s'en prend qu'à lui-même» (Manuel,XLVIII).Mais l'homme en marche vers la sagesse doit, plus profondément, et plusdifficilement sans doute, être « en accord avec lui-même », ce qui en réalitéest la même chose qu'être en conformité avec la nature, puisque l'homme,comme tout être vivant, fait partie de la nature.

Cette conformité va de soi pour l'animal.

Mais pour l'homme, lorsqu'il quitte l'enfance, elle ne se fait plus spontanément.

Lorsqu'elle se produit,ce ne peut être qu'à la suite d'un choix réfléchi :« Aux êtres raisonnables, la raison a été donnée en vue d'une fonction plus parfaite ; aussi, pour les hommes, vivreselon la nature devient vivre selon la raison » (Diogène Laêrce, Livre VII, 86).Connaître sa propre nature, pour l'homme, c'est reconnaître qu'il y a en lui une faculté capable « d'avoir conscienced'elle-même, de sa nature, de son pouvoir, de la valeur qu'elle apporte en venant en nous », en bref, c'estreconnaître l'existence de la Raison (Épictète, Entretiens, Livre I, Chap.

1). Dès lors, la paix intérieure, gage du bonheur que la sagesse nous permet d'atteindre par un effort soutenu etconstant, coïncide avec la compréhension de la marche du monde.

Soumettre les choses à nos désirs, tel est lepropos de l'insensé : cela n'a pas de sens, parce que tout simplement cela n'est pas possible.

Alors, puisque leschoses sont plus fortes que tout, convient-il de soumettre son propre désir aux choses qui adviennent, enatténuant, voire même en annulant nos désirs ? Tel est d'ailleurs le thème que l'on retrouvera beaucoup plus tard,presque mot pour mot, sous la plume de Descartes, lorsque dans la troisième partie du Discours de la méthode il estamené à composer sa morale provisoire :« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs quel'ordre du monde, et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir quenos pensées.

» Cela convient au penseur lorsqu'il entreprend sa démarche vers le vrai.

Mais le sage, lui, n'oppose plus les désirs etles choses.

Ce qu'il désire, ce sont les choses telles qu'elles adviennent, et il sait en même temps que les choses quiadviennent ne peuvent être que conformes à ses désirs, puisque tout ce qui vient n'arrive que selon l'ordreuniversel.

Si bien que le sage en vient à proclamer : non seulement j'obéis aux dieux, mais j'approuve.Avec Épictète, s'il est donné à l'homme de « vouloir que les choses arrivent comme elles arrivent », il lui est, aussiet surtout, donné de « faire que tout événement lui apparaisse comme il le veut ».

N'est-ce pas, en effet, le regardque nous portons sur les choses qui leur donne une signification ? Ce qui compte, avant tout, chez l'homme, n'est-ce pas sa vie intérieure, ce qui est en lui, au dedans de lui ? N'est-ce pas la connaissance et la volonté libre quiorientent l'homme à l'intérieur de lui-même vers la sagesse, dans l'indifférence à l'égard de ce qui se passe àl'extérieur ? Dès lors, tout ce qui se passe à l'extérieur ne peut-il pas apparaître à l'homme comme il le veut ? Danscette affirmation de l'autonomie du sujet face au monde extérieur, il y a, sans doute, un aspect positif.

Enparticulier lorsque nous sommes confrontés à ce qui ne dépend vraiment pas de nous et qui pourrait nous troubler. Reste, cependant, que la morale prônée par Épictète n'est qu'une morale négative contre le monde et les hommes,dont il se désintéresse.

Faute de pouvoir changer l'ordre du monde, le stoïcien se réfugie dans « la pure universalitéde la pensée ».

C'est aussi une morale abstraite, car le stoïcien pense mais n'agit pas.

Son moi reste avec lui-même.Il s'oppose au monde, se retire dans la pensée, mais ne lutte pas pour transformer les choses.. »

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