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ARISTOTE ET LA QUESTION DU BONHEUR

Publié le 11/11/2021

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aristote
 
À LA RENCONTRE DE LA SOPHIA ET DE LA PHRONESIS
Quentin - Heinen
Bac 2 Philo
[email protected]
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I. Introduction 3
II. Perspectives aristotéliciennes 4
A) Les composantes de l’âme chez Aristote 4
B) Les vertus aristotéliciennes 6
B.1 La Sophia 6
B.2 La phronesis 6
C) Quid de l’eudaimonia chez Aristote 8
D) Statut de la vertu « la plus excellente et la plus parfaite » 9
III. Commentaire moderne : critique de Destrée, P. 12
A) Trois interprétations possibles 13
B) L’interprétation inclusiviste 15
B.1 La vertu parfaite comme vertu complète 15
B.2 La complétude comme critère du bonheur 16
B.3 Le bonheur comme vie 18
B.4 Le bonheur complet 21
C) Critiques de l’interprétation inclusiviste 22
IV. Conclusion : rencontre entre sophia et phronesis ? 23
V. Bibliographie 25
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I. Introduction
Selon le World Happiness Report 20131, la Belgique serait classée 21è sur plus de 150
pays parmi les pays qui sont les plus heureux. La quête du bonheur a, et sera, toujours une
question d’actualité. Nombreux sont les articles que l’on peut trouver sur internet à propos du
bonheur. De nombreux philosophes ont également écrits à ce sujet parce que celui-ci concerne
tout le monde. Avec sa petite contribution, le philosophe doit tenter d’apporter des réponses
au monde. Il ne se veut pas le détenteur de La science, ni Des secrets du monde. Mais il peut
tout de même avoir une plus-value sur cette question du bonheur.
Avant d’aller plus loin, il est important de comprendre l’enjeu de ce travail. Car si de
nombreux spécialistes ont traités la question, on ne veut pas prétendre à rendre ce travail
exhaustif. L’enjeu de ce travail est de comprendre ce qui se cache derrière le concept de
bonheur chez Aristote. Comment l’entend-il ? Comment y parvenir ? À qui s’applique-t-il ?
Tant de questions que l’on peut se poser à propos du bonheur. On ne veut pas prétendre
pouvoir répondre à toutes les questions mais l’on souhaite pouvoir comprendre quelles sont
les différentes interprétations, etc.
Aussi, avant d’entrer dans l’analyse proprement dite, il semble intéressant dans cette
introduction de poser les « bases » de la pensée de Aristote sur le sujet. De telle manière, on
n’aura pas à revenir là-dessus durant l’analyse proprement dite. On commencera donc par
expliquer la différence entre le bien humain et le bien divin. On pourra y faire référence par la
suite mais de cette manière, les bases sont bien claires.
Aristote distingue deux types de bonheur : le bonheur humain et celui divin. L’homme
tend vers le Bien appelé Dieu par Aristote mais non pas le Dieu des religions monothéistes.
Aristote pense Dieu comme un moteur voire même un « tracteur » parce qu’il attire tout ce
qui se trouve autour de lui. C’est le principe téléologique de la philosophie de Aristote car
toutes choses tendent vers ce principe premier des choses. La nature et les hommes, en
tendant vers celui-ci, accomplissent leur « office » parce qu’ils tendent vers le Bien.
 Il n’est malheureusement pas possible d’analyser l’ensemble des interprétations sur
Aristote. On devra donc se limiter à l’analyse proprement dite de Aristote et de son ouvrage
l’Éthique à Nicomaque2 ainsi que d’un commentateur, Pierre Destrée qui défend une
interprétation dite inclusiviste dans son article Bonheur et complétude3. On se demandera
donc, entre la sophia et la phronesis, qu’est-ce qui définit le bonheur selon Aristote ?
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1 HELLIWELL, J., World Happiness Report 2013, p. 22
2 ARISTOTE, (trad. TRICOT, J.), Ethique à Nicomaque, France, 2007, Vrin (coll. Bibliothèque des textes philosophiques)
3 DESTRÉE, P. (coord.), Bonheur et complétude, in Aristote : bonheur et vertu, France, 2003, PUF (coll. Débats
philosophiques)
II. Perspectives aristotéliciennes
A) Les composantes de l’âme4 chez Aristote
Pour comprendre la pensée d’Aristote, il est tout d’abord fondamental de comprendre une
distinction que fait ce dernier au niveau de l’âme. On représentera cette distinction sous forme
de schéma et on l’expliquera ensuite. L’âme se « divise » en plusieurs parties selon différentes
raisons. Ce schéma se présente comme suit :
Légende :
: Se manifeste à travers
: Se divise
: L’agir moral
: Les vertus morales
: Les vertus intellectuelles
Ce schéma mérite quelques explications. L’âme, selon Aristote, se divise en deux
parties ; l’une rationnelle et l’autre irrationnelle. La partie irrationnelle tout d’abord, possède
une partie végétative, commune à tous les vivants (végétaux, animaux et humains). L’homme
est le seul vivant possédant une partie sensitive. Celle-ci est capable de « maitriser » des
vertus mais uniquement là où il y a de la raison, c’est-à-dire dans la partie rationnelle de l’âme
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4 Cette partie du travail se base sur le chapitre 13 du livre I de l’Éthique à Nicomaque. Afin d’éviter de nombreuses
notes de bas de page qui pourraient alourdir le travail, on se permet de renvoyer le lecteur au passage 1102a - 1103a 10.
Âme
Partie irrationnelle
Partie rationnelle
Obéit à la raison
Possède la raison
Savoir-faire exécutif
Savoir théorétique
Phronesis (sagacité ou prudence)
Sophia (sagesse ou contemplation)
Partie végétative
Partie désirante
Désir droit (boulésis)
Emportement (thumos)
Convoitise (epithumia)
Vertus morales ou
éthiques
Vertus intellectuelles
Agir moral
- Bien humain
que l’on approfondira ultérieurement. Cette partie sensitive est inexistante chez les animaux
bien qu’ils possèdent toutefois des sensations et soient capables d’imaginer. On a donc les
végétaux qui possèdent une âme végétative ; les animaux qui possèdent une âme végétative et
des capacités de sensations et d’imagination ; et les hommes qui possèdent une âme
végétative ainsi qu’une âme sensitive tout en restant dans le cadre de la partie de l’âme
irrationnelle. Trois désirs peuvent être retrouvés dans cette partie de l’âme irrationnelle
soumise à la raison (la partie sensitive donc propre à l’homme) ; l’appétit ou convoitise (qui
se « ferme » complètement à la raison), l’ardeur ou l’emportement (qui se soumet à la raison
mais celle-ci n’est pas bien comprise) et le souhait qui est le désir correct, c’est-à-dire le désir
accompagné de raison. Dans ce désir droit apparaissent les vertus éthiques ou morales, qui
sont au nombre de quatre ; le courage, la justice, la tempérance et la force. Ces vertus
représentent le juste milieu dans une situation concrète5. C’est-à-dire qu’elles ne sont ni en
excès, ni en défaut. Ces vertus sont bonnes et relatives à nous car elles sont déterminées par la
droite règle6, qui est déterminé par l’homme prudent (l’homme phronimos), lequel décide
dans une situation concrète. Comment être vertueux alors ? Pour s’actualiser, ces vertus
doivent être choisies concrètement afin qu’elles deviennent des habitudes. L’une des
caractéristiques de l’homme rationnel est qu’il est fait de logos, ce qui lui permet de raisonner,
de délibérer.
Il est maintenant temps d’expliquer la partie rationnelle de l’âme. La différence
essentielle entre l’âme rationnelle et l’âme irrationnelle, c’est que l’âme rationnelle fait preuve
de choix (de proairesis). L’âme rationnelle peut guider l’individu à prendre le choix qui est
bien. C’est ici que l’éthique commence7. Cette âme rationnelle peut également être divisée en
deux parties ; une partie qui possède la raison et une partie qui peut obéir à la raison. La partie
possédant la raison renvoie aux savoirs théorétiques (dont la vertu est la sophia) mais aussi
aux savoirs-faire exécutifs (qui se manifeste par la vertu de la phronesis). Ces deux vertus ; la
sophia et la phronesis sont des vertus dites intellectuelles car elles font références à la partie
scientifique (qui est le savoir théorétique) de l’âme rationnelle (qui se réfère aux choses
nécessaires) et à la partie calculative (qui se réfère aux choses contingentes et délibèrent à
leurs sujets). La partie de l’âme rationnelle qui obéit à la raison forment, avec la partie de
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5 Ce ne sont pas uniquement ces quatre vertus qui forment le juste milieu. Ce dernier est une opération de délibération
de l’individu phronimos ; c’est-à-dire capable de discernement.
6 La droite règle est justement ce juste milieu, ni en excès, ni en défaut. Elle s’acquiert avec l’expérience et devient une
habitude au fil du temps. C’est la vertu de la phronesis qui la représente.
7 Pourquoi commence-t-elle par cette distinction ? Parce que l’éthique est une affaire de choix. Si l’âme n’est
qu’irrationnelle, la question du choix ne se pose pas. Or le choix est primordial chez Aristote car il faut bien délibérer
dans une situation concrète afin de prendre la meilleure des décisions possibles en fonction des circonstances. 
l’âme irrationnelle soumise à la raison et produisant le désir droit, les vertus morales ou
éthiques. L’âme de l’homme est donc constituée d’une partie rationnelle qui possède et obéit à
la raison, et d’une partie irrationnelle qui est toutefois soumise à la raison et qui produit trois
désirs, dont le désir droit.
B) Les vertus aristotéliciennes8
Comme on l’a expliqué antérieurement dans l’introduction, le propos du présent travail
traite de la relation qu’il y a entre les vertus aristotéliciennes et le bonheur (que l’on
expliquera dans le point suivant). Ce qui intéresse cette partie, ce n’est pas tant les vertus en
général que les vertus intellectuelles particulières de la sophia et de la phronesis.
B.1 La Sophia9
La sophia signifie la sagesse en grec. La sagesse est réservée aux sages, aux philosophes
qui aspirent à la partie divine qu’il y a en chacun d’eux. La sophia est une vertu intellectuelle,
et qui plus est, un élément divin. Au travers de l’homme, l’intelligence est un élément divin.
Aristote dit bien que
Ce n’est pas en tant qu’homme qu’on vivra de cette façon10, mais en tant que quelque élément
divin vivant en nous. Et autant cet élément est supérieur au composé humain, autant son activité
est elle-même supérieure à celle de l’autre sorte de vertu11
La sophia est donc, selon Aristote, la plus importante des vertus car elle amène au
bonheur divin. Elle est même plus importante que la phronesis sans pour autant la
subordonner à la sophia. Aristote distingue vraiment ces deux vertus. Elles ne s’appliquent
pas au même champ (voir ultérieurement point A.3). L’enjeu de cette analyse est justement de
comprendre les rapports entre la sophia et la phronesis, en particulier sur la question du
bonheur.
B.2 La phronesis12
La traduction du terme « phronesis » n’est pas aussi univoque que celle de la sophia. En
effet, le mot employé en français est différent suivant les traducteurs. Pour certains (BODÉÜS
notamment13), la phronesis sera traduite par sagacité alors que d’autres (TRICOT par
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8 ARISTOTE, EN, VI, 1 - 13, 1138 b 15 - 1145 a 13
9 Ibid., VI, 1 - 2, 1138 b 15 - 1139 b 13
10 « De cette façon » signifie en suivant la sophia.
11 ARISTOTE, EN, 1177 b 28-32
12 Ibid., VI, 5, 1140 a 25 - 1140 b 30
13 DESTRÉE, P. (coord.), Bonheur et complétude, p. 146
exemple14) traduiront par la prudence. Si on s’en réfère à la description qu’en donne Aristote,
il n’y a pas de problème de compréhension sur le fond. La signification actuelle de la
prudence et de la sagacité n’est cependant pas la même qu’à l’époque d’Aristote.
De l’avis général, le propre d’un homme prudent c’est d’être capable de délibérer correctement sur
ce qui est bon et avantageux pour lui-même, non pas sur un point partiel {...} mais d’une façon
générale, quelles sortes de choses par exemple conduisent à la vie heureuse15
ARISTOTE ET LA QUESTION DU BONHEUR

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