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Éloge de la passion en elle-même

Publié le 31/08/2014

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Les classiques, lorsqu'ils condamnaient la passion ou essayaient d'en maîtriser les effets jugés dévastateurs et aliénants, faisaient volontiers une exception pour la « passion de la vérité «, seule digne d'éloge parce que purement orientée par l'activité rationnelle. Ce qui, historiquement, a changé, c'est que l'homme reconnaît désormais plus facilement son exis­tence physique, qui n'est plus perçue comme un fardeau, mais bien comme une chance d'une autre nature : dans ce contexte, l'éloge de la passion est possible puisque la passion anime l'être entier, sans prétendre le censurer ou en refouler une dimension.

« [1 -Condamnation classique de la passion] Pour Platon déjà, la passion entraîne la démesure (l'« ubris » ), sinon la folie.

Elle oblige la raison à se pervertir pour lui obéir ou la justifier ; elle entraîne l'être humain qui en est victime dans un univers illusoire.

Éloi­ gnant de toute vérité, elle constitue une aliénation au moins durable, sinon une maladie visant la chronicité (cf.

le document ci-dessous).

Du point de vue chrétien, c'est ce que la passion suppose d'excessif (où résonne encore quelque chose de l'« ubris » grecque) dans le compor­ tement qui est condamnable; ne désignerait-elle pas une emprise trop forte du corps (du sensible) sur l'âme (sur le spirituel, qui doit dominer la vie)? L'homme ne saurait éprouver, dans un tel contexte, de passion qu'à l'égard de Dieu lui-même- et l'on devine que c'est une passion d'une nature assez particulière -car elle l'élèverait au lieu de le rabaisser.

(On peut toutefois noter que cet attachement passionnel à Dieu, lorsqu'il est vécu sous l'aspect du mysticisme pur, n'est pas très sereinement accueilli par les autorités religieuses, comme si elles en déploraient encore une dimension d'excès).

Au mieux, les « classiques » (Descartes ou Spinoza) opèrent des dis­ tinctions entre les passions -en elles-mêmes pas nécessairement nocives - et l'usage qui peut en être fait.

Une analyse intellectuelle de leurs causes et des débordements auxquels elles risquent de mener devrait en réduire la portée et en assurer une maîtrise.

C'est encore la rationalité, dans une entreprise de ce style, qui décide de ce qui, de la passion, est acceptable ou non, mérite ou non d'être développé.

Au-delà de cette relative réestimation philosophique, il s'agit de savoir si la passion en elle-même, par ce qu'elle apporte à l'homme, peut être digne d'éloge.

[Il -La passion au service d'autres buts que les siens] N'est-ce pas précisément ce que semble affirmer Hegel, pour lequel «Rien de grand ne s'est accompli dans l'Histoire sans passion»? On sait l'importance que Hegel attribue à la dimension historique, et, s'il souligne que la passion y intervient comme un facteur positif, autorisant la « gran­ deur» des actions et permettant ainsi à l'Histoire elle-même d'avancer, on peut être tenté d'en déduire que la passion est bien cette fois conçue comme absolument digne d'éloge.

Il convient pourtant de ne pas oublier que la passion en question anime les« grands hommes>>- ceux à travers lesquels se manifeste, sans qu'ils en aient lucidement conscience, le sens même de l'Histoire: en l'absence de leur passion individuelle (soif de richesses, d'honneur, de gloire), ils seraient incapables d'accéder au rang d'acteurs importants de l'Histoire.

Mais celle-ci réalise en fait les buts d'une Raison, qui cette fois n'est plus. »

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