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Existe-t-il une vérité des apparences ?

Publié le 11/09/2005

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Non certes, ce n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j'ai de la cire ne s'accomplit pas par la faculté d'imaginer.Qu'est-ce maintenant que cette extension (1) ? N'est-elle pas aussi inconnue, puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus encore quand la chaleur augmente davantage ? Et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c'est que la cire, si je ne pensais qu'elle est capable de recevoir plus de variétés selon l'extension, que je n'en ai jamais imaginé. Il faut donc que je tombe d'accord, que je ne saurais pas même concevoir par l'imagination ce que c'est que cette cire, et qu'il n'y a que mon entendement seul qui le conçoive; je dis ce morceau de cire en particulier, car pour la cire en général, il est encore plus évident. Or quelle est cette cire, qui ne peut être conçue que par l'entendement ou l'esprit ? Certes c'est la même que je vois, que je touche, que j'imagine, et la même que je connaissais dès le commencement. Mais ce qui est à remarquer, sa perception, ou bien l'action par laquelle on l'aperçoit, n'est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l'a jamais été, quoiqu'il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l'esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée."(1) L'extension désigne la portion d'espace occupée par un corps.Méditations métaphysiques (1641), Méditation seconde, traduction du duc de Luynes revue par Descartes.

« [Les apparences et les sens sont trompeurs.

La réalité n'est pas celle que nous percevons à travers le filtre trompeur de nos sens.] La science récuse l'apparence des choses C'est bien en s'élevant au-dessus des connaissances sensibles que leshommes sont parvenus à déjouer les pièges de l'apparence et saisir lavérité.L'apparence relève, par excellence, du domaine du sensible.L'apparence est perçue par les sens et non par l'entendement.

Or lesensible, à la différence de l'intelligible, est soumis au changement audevenir.

Il n'y a pas de permanence de l'apparence.

Ce qui m'apparaîtavec telle ou telle qualité, comme le morceau de cire donné en exemplepar Descartes dans les "Méditations métaphysiques", peut la perdre etm'apparaître autrement.

La vérité au contraire doit me monter ce qu'estla chose même: l'apparence ne fait que m'éloigner de cette chose. "Commençons par la considération des choses les plus communes, etque nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corpsque nous touchons et que nous voyons.

Je n'entends pas parler descorps en général, car ces notions générales sont d'ordinaire plusconfuses, mais de quelqu'un en particulier.

Prenons pour exemple cemorceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche : il n'a pas encoreperdu la douceur du miel qu'il contenait, il retient encore quelque chosede l'odeur des fleurs dont il a été recueilli; sa couleur, sa figure, sagrandeur, sont apparentes; il est dur, il est froid, on le touche, et sivous le frappez, il rendra quelque son.

Enfin toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps, se rencontrent en celui-ci.Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu : ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeurs'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, àpeine le peut-on toucher, et quoiqu'on le frappe, il ne rendra plus aucun son.

La même cire demeure-t-elleaprès ce changement ? Il faut avouer qu'elle demeure; et personne ne le peut nier.

Qu'est-ce donc que l'onconnaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'y airemarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l'odorat, ou lavue, ou l'attouchement, ou l'ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure.

Peut-êtreétait-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n'était pas ni cette douceur du miel, ni cetteagréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peuauparavant me paraissait sous ces formes, et qui maintenant se fait remarquer sous d'autres.

Mais qu'est-ce,précisément parlant, que j'imagine, lorsque je la conçois en cette sorte ? Considérons-le attentivement, etéloignant toutes les choses qui n'appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste.

Certes il ne demeure rienque quelque chose d'étendu, de flexible et de muable.

Or qu'est-ce que cela : flexible et muable ? N'est-cepas que j'imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en unefigure triangulaire ? Non certes, ce n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité desemblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et parconséquent cette conception que j'ai de la cire ne s'accomplit pas par la faculté d'imaginer. Qu'est-ce maintenant que cette extension (1) ? N'est-elle pas aussi inconnue, puisque dans la cire qui se fondelle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus encorequand la chaleur augmente davantage ? Et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c'est quela cire, si je ne pensais qu'elle est capable de recevoir plus de variétés selon l'extension, que je n'en ai jamaisimaginé.

Il faut donc que je tombe d'accord, que je ne saurais pas même concevoir par l'imagination ce quec'est que cette cire, et qu'il n'y a que mon entendement seul qui le conçoive; je dis ce morceau de cire enparticulier, car pour la cire en général, il est encore plus évident.

Or quelle est cette cire, qui ne peut êtreconçue que par l'entendement ou l'esprit ? Certes c'est la même que je vois, que je touche, que j'imagine, etla même que je connaissais dès le commencement.

Mais ce qui est à remarquer, sa perception, ou bienl'action par laquelle on l'aperçoit, n'est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l'ajamais été, quoiqu'il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l'esprit, laquelle peut êtreimparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme elle est à présent,selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée.". »

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