Devoir de Philosophie

Expliquez et discutez l'une des trois assertions suivantes : 1° la perception est une hallucination vraie (TAINE); 2° les enfants, n'étant pas capables de jugement, n'ont pas de véritable mémoire (ROUSSEAU); 3° en réalité, la conscience est une conséquence de la personnalité et nullement son constitutif (DALBIEZ). ?

Publié le 15/06/2009

Extrait du document

perception
Cette unique question englobant les trois sujets entre lesquels les candidats avaient à choisir nous invite à proposer un exercice de réflexion sur le travail si important du choix préliminaire à tout travail de composition. Je lis d'abord les premiers mots qui me signifient ce qui est demandé de moi : expliquez et discutez. Indications précieuses : s'il faut expliquer les assertions qui suivent, c'est qu'elles ne sont pas très claires et, si elles me paraissent lumineuses, c'est peut-être que je ne les comprends pas très bien et qu'il serait prudent de m'attarder un peu à les examiner; s'il faut les discuter, c'est que leur vérité n'est pas évidente et que d'autres, sans doute, ont émis des opinions différentes. Normalement, le plan comportera d'abord une explication et ensuite une discussion; mais les deux parties sont intimement solidaires l'une de l'autre : la discussion consiste le plus souvent, non pas à prouver qu'une proposition est vraie ou fausse, mais à distinguer plusieurs interprétations ou plusieurs explications de la même formule, puis à montrer qu'une seule est acceptable. Ne passons pas à pieds joints sur la fin de la petite proposition préliminaire : il y a un mot qui peut nous donner une indication. L'objet de la dissertation est une assertion, et non pas une grande théorie, ni, à plus forte raison, un système. Sans doute, tout se tient en philosophie et la position prise dans une question apparemment secondaire peut avoir des répercussions indéfinies; il n'en est pas moins vrai qu'il est des discussions qui en elles-mêmes n'ont pas une grande portée. Souvent, le débat tourne autour des mots et se ramène à cette question : peut-on s'exprimer ainsi ou vaudrait-il mieux adopter une autre formule ? Sans doute, la présence du mot « assertion » dans le texte n'est pas une preuve que telle est bien la pensée du professeur qui a rédigé la question: elle m'invite du moins à orienter mes recherches de ce côté et à réfléchir sur le sens des mots : on ne s'attarde jamais trop à faire l'exégèse des textes proposés, et la majorité des devoirs mal traités sont manqués pour avoir négligé d'en faire le mot à mot.
perception

« assez satisfaisante à la question posée.Si la pensée de ROUSSEAU m'a fait tout d'abord l'impression d'un paradoxe difficilement intelligible, c'est peut-êtreque, comme il arrive souvent, je l'ai lue trop vite.

J'y reviens.

A vrai dire, ROUSSEAU refuse aux enfants, non pas lamémoire, ainsi qu'il m'avait semblé, mais la « véritable mémoire ».

Il y a donc ce qu'on pourrait appeler des imitationsde mémoire.

Et de fait je me rappelle des distinctions que j'ai apprises, et en particulier la distinction, classiquedepuis BERGSON, de la mémoire-habitude et de la mémoire-souvenir.

La première se réduit, sous ses formes les plusélevées, à l'utilisation des expériences passées pour orienter l'activité présente : dans ce cas, le passé a bien laisséune certaine impression, mais il n'est pas pensé comme tel; la mémoire-habitude ne comporte pas de souvenirproprement dit.

Au contraire, la mémoire-souvenir consiste dans la représentation du passé comme passé : elle estla véritable mémoire.

L'animal a une mémoire-habitude : suivant la façon dont les gens l'ont traité, il prend à leurégard une attitude confiante ou hostile.

Mais il ne revit pas pour lui-même le passé qu'il a vécu : il est incapable devéritable mémoire, de mémoire-souvenir.

Pour ROUSSEAU, il en est de même de l'enfant : l'enfant, à son avis, n'apas de souvenirs.

Or, l'observation psychologique lui donne raison; les premiers souvenirs remontent, en moyenne, à l'âge de 4 ans.Mais ROUSSEAU semble dire plus : c'est des enfants en général (et à 12 et 13 ans on est encore enfant) qu'ilaffirme qu'ils manquent de véritable mémoire.

Prétendra-t-on qu'un garçon de 12 ans n'a aucun souvenir et qu'il nerevit jamais par la pensée les événements dont il a été le témoin ? Je relis encore le texte et je comprends que l'auteur de l'Émile veut parler; non pas de tous les enfants, maisseulement des enfants qui n'ont pas encore la faculté de juger.

C'est précisément cette incapacité de juger qui,selon lui, explique son manque de véritable mémoire.

Son explication est-elle indiscutable ?Nous pouvons lui accorder que l'apparition de la vraie mémoire est contemporaine de l'apparition de la faculté dejuger, mais devons-nous établir entre les deux fonctions le rapport de dépendance exprimé par le participe présent «n'étant pas capables de juger » ? Pourquoi les souvenirs dépendent-ils de la faculté de juger ? Parce que, sembledire ROUSSEAU, le souvenir est un jugement ou du moins implique un jugement.

Et, en effet, il n'y a de véritablesouvenir que lorsque le passé est représenté comme passé.

Le souvenir semble donc impliquer un double jugement :1° l'objet de ma pensée a existé; 2° il n'existe plus.

Sans ces deux jugements, j'aurais une image ou une perception: je n'aurais pas un souvenir.

Peut-on admettre que tout souvenir implique un jugement ?Sans doute, les représentations mémorielles se présentent à notre esprit avec les caractéristiques qui nous ferontjuger qu'elles correspondent à un objet qui exista et qui n'existe plus; mais ces caractéristiques sont perçues avantque soit porté ce jugement.

Le souvenir est complet ou véritable avant le jugement qui peut le suivre.

On ne peutdonc pas affirmer que la véritable mémoire dépend du jugement.Mais peut-être avons-nous fait dire à ROUSSEAU plus qu'il n'affirme explicitement.

Peut-être pourrions-nousinterpréter son assertion d'une autre manière : l'absence de véritable mémoire et l'incapacité de juger sont laconséquence d'un même déficit mental : l'impossibilité d'abstraire.Ainsi comprise, l'affirmation de ROUSSEAU peut être acceptée.

En effet, si l'enfant est incapable de juger, c'est qu'ilne peut pas former par abstraction les normes générales qui sont nécessaires pour apprécier les objets qui s'offrent.De même, s'il n'a pas de souvenirs véritables, c'est qu'il est impuissant à s'abstraire du présent pour porter sonesprit vers le passé.

Qu'il s'agisse du jugement ou de la mémoire, l'enfant en est au mode de connaissance agie : ilse tient à distance du feu qui cause des brûlures, mais il n'affirme pas que le feu brûle; sa prudence résulte del'expérience qu'il a faite de la chaleur du charbon incandescent, mais il ne revit pas cette expérience pour elle-même.

Plus tard -seulement, il accède au niveau de la connaissance proprement dite, la connaissance-pensée,propre à l'homme.L'homme étant caractérisé par la raison et la raison ayant pour prérogative essentielle le pouvoir d'abstraire, nouspourrions formuler ainsi la pensée de ROUSSEAU : « Les enfants dont la raison n'est pas encore développée n'ontpas de véritable mémoire.

» III.

- EN RÉALITÉ, LA CONSCIENCE EST UNE CONSÉQUENCE DE LA PERSONNALITÉ, ET NULLEMENT SONCONSTITUTIF (DALBIEZ). Ce sujet aura sans doute tenté peu d'élèves, et il me semble qu'il était prudent de ne pas s'y aventurer.

Toutd'abord, un grand nombre n'auraient pas compris exactement la question, pourtant fort simple.

Ensuite, RolandDALBIEZ est peu connu encore, du moins dans les classes de Philosophie; or, interpréter la pensée d'un inconnu estdifficile.

On peut, sans doute, se contenter d'un examen objectif du texte sans se préoccuper du contexte; maiscette exégèse est dangereuse et peut amener à des quiproquos cocasses.

Voyons cependant ce qu'on pourrait diresur l'assertion de DALBIEZ.On définit ordinairement la personnalité par la conscience : une personne est un individu conscient de lui-même(conscience psychologique), libre, et, par conséquent, sujet de droits et de devoirs (devoirs intimés par laconscience morale).Mais cette définition est-elle simplement une définition accidentelle, c'est-à-dire ne faisant connaître l'objet définique par des caractères qu'il présente toujours mais qui ne le constituent pas P Est-elle une définition essentielle etprétend-on que la personnalité est essentiellement constituée par la conscience ?Cette dernière conception est celle des empiristes et des phénoménistes comme HUME ou TAINE.

DALBIEZ se placedans le camp opposé : pour lui, ce n'est pas parce que nous sommes conscients que nous sommes des personnes;c'est parce que nous sommes des personnes que nous sommes conscients.On ne peut le nier, la conscience ne saurait être acceptée comme une explication ultime de la personnalité.

Eneffet, il faut rendre compte de la conscience elle-même : pourquoi suis-je conscient de moi-même, pourquoi ai-je lesentiment de l'obligation tandis que l'animal ne l'a pas ? Il n'y a qu'une réponse : c'est qu'il y a en moi une réalitécapable de se replier sur elle-même; c'est ce que je suis qui explique ce que j'éprouve.. »

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