KANT: La conscience de la faute...
Publié le 03/05/2005
                             
                        
Extrait du document
 
                                ► Thème: la conscience de la faute commise. ► Thèse: rien ne peut faire taire en nous la conscience de la faute.
- lignes 1 à 6: énoncé d'une hypothèse: la nécessité naturelle nous semble pouvoir excuser nos fautes; - lignes 6 à 9 : objection : nous ne pouvons supprimer de nous-mêmes la conscience de notre liberté; - lignes 9 à 13: reprise de l'hypothèse de départ: la mauvaise habitude nous semble pouvoir expliquer nos fautes; - lignes 13 à 15: reprise de l'objection précédente: nous ne pouvons jamais nous prémunir contre les reproches que nous nous adressons à nous-mêmes; - lignes 15 à 17 : conclusion : la conscience de la faute produit le repentir.
 
                                «
                                                                                                                            C.
                                                            
                                                                                
                                                                    La nécessité naturelleCes trois causes possibles de la faute ne suffisent cependant pas pour excuser cette dernière.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pour que je puisseen effet me sentir innocent, il faut que ces causes soient déterminantes au point de me priver de ma liberté: je nepuis être tenu pour coupable d'une faute que si cen'est pas moi qui l'ai commise, mais quelque chose en moi qui me dépasse.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est là tout le sens des expressions de«nécessité naturelle» et de «conséquence naturelle», qui me semblent me dégager de toute responsabilité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Qu'est-ce en effet que cette nature? Est naturel tout ce qui obéit à des lois qui ne sont pas celles de la raison pratique, dela liberté, mais celles de l'expérience sensible.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi, la chute des corps, le phénomène des marées, la croissance desplantes, la rumination  de la vache  sont tout aussi  naturels  que l'erreur  de calcul  due à une  fatigue  cérébraleexcessive,  l'effet secondaire  non désiré d'un remède  nouveau insuffisamment mis  à l'épreuve, la disposition  à ladélinquance liée à un milieu social.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce qui distingue la première série d'exemples de la seconde, c'est que dans lepremier cas la nature obéit à une loi physique ou biologique alors que dans le second la nature est psychologique ousociologique.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais dans  un cas  comme  dans l'autre,  les actions  doivent pouvoir s'expliquer  parce qu'elles  sontsoumises entièrement à des lois qui ne dépendent pas de l'agent lui-même.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'acte contraire à la loi (morale) n'estque l'effet,  la conséquence  d'une nécessité  naturelle, qui s'inscrit  dans une relation  de causalité  comme l'effetnécessaire d'une cause qui n'est pas en mon pouvoir, ou qui ne l'est plus.
D.
                                                            
                                                                                
                                                                    Explication et innocentementPlus précisément, il faut encore comprendre en quoi de telles explications par une nécessité naturelle peuvent merendre innocent d'une  faute commise.
                                                            
                                                                                
                                                                     La nécessité naturelle ne constitue pas  en effet une simple  circonstanceatténuante qui permettrait d'abaisser le degré de culpabilité sans toutefois annuler purement et simplement cetteresponsabilité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle supprime au contraire, comme nous l'avons déjà suggéré, cette culpabilité dans la mesure où l'onpeut rendre complètement compte de l'action contraire à la loi par cette nécessité naturelle.
                                                            
                                                                                
                                                                    Si mon acte n'en estqu'une conséquence, j'en suis alors aussi peu coupable que le loup d'avoir dévoré l'agneau.
                                                            
                                                                                
                                                                    La nécessité naturellen'est pas un simple facteur, parmi d'autres, contribuant à mon acte, il explique ce dernier.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cette explication ne merend donc pas moins coupable, mais innocent.
2.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le tribunal intérieur
A.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'avocat et l'accusateurSi je puis me convaincre de mon innocence, c'est que je me fais l'avocat de ma propre cause.
                                                            
                                                                                
                                                                    Tout se passe commesi j'avais à me défendre d'accusations qui me sont faites (par moi ou par d'autres).
                                                            
                                                                                
                                                                    Je me défends moi-même de cesaccusations, m'emploie à y travailler avec autant d'art que possible, afin de me justifier à mes propres yeux.
                                                            
                                                                                
                                                                    Car sije puis être avocat de ma propre cause, c'est que je suis en position d'accusé, sinon de coupable.
                                                            
                                                                                
                                                                    Or, si quelqu'unm'accuse, ce n'est nul autre que  moi, puisque,  comme nous l'avons  vu, la loi  que j'ai  enfreinte  n'est pas  la loipositive mais la loi morale.
                                                            
                                                                        
                                                                    En d'autres termes, je ne puis échapper à cette accusation que je formule contre moi-même par nul subterfuge, nulle échappatoire, nul mensonge, puisque je ne peux jamais complètement me dissimulerà moi-même ce que je sais avoir fait, comme je le dissimulerais à d'autres.
B.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le tribunal de la conscienceCet accusateur à qui j'ai à rendre compte de chacun de mes actes n'est nul autre que ma conscience (morale).Cette conscience dépasse ma nature d'être sensible, et c'est pourquoi l'accusé ou l'avocat que je suis en un sensne se confondent pas avec l'accusateur ou le juge que je suis en un autre sens, sans quoi le procès serait vicié,sans quoi nul jugement serein ne saurait être rendu.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ma conscience, ce n'est pas mon individualité psychologique,mais ma personnalité morale en général.
                                                            
                                                                                
                                                                    Celle-ci n'est pas à proprement parler mienne, puisque tout autre homme,tout autre  être raisonnable pourrait me  demander les mêmes comptes  que «ma» conscience.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ma conscience mereprésente mon devoir,  que j'accomplisse  ou non  ce dernier;  ma conscience,  c'est moi-même  en tant  que jem'interdis de me soustraire à un devoir qui s'impose à moi.
                                                            
                                                                                
                                                                    Quoique ce terme de «conscience» ne soit pas prononcédans ce texte, sa présence ne fait aucun doute, car si je puis être placé en position d'accusé, c'est qu'il y a en moid'abord, originairement, une conscience qui constitue ma personnalité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Je ne suis mon propre avocat que parce queje suis avant cela mon propre juge, mon propre accusateur.
                                                            
                                                                                
                                                                    Je peux toujours refuser le verdict de ma conscience, jene peux la faire taire.
C.
                                                            
                                                                                
                                                                    La libertéIl reste encore à examiner ce qui peut motiver le verdict de la conscience.
                                                            
                                                                                
                                                                    Si cette dernière est en effet fondée àrendre un arrêt, ce ne peut être qu'en jugeant de la liberté de mon action et de sa légalité ou illégalité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Comme danstout procès,  l'accusé n'est  coupable que s'il a violé la loi  et qu'il l'a fait librement, en pleine  possession de sesmoyens.
                                                            
                                                                                
                                                                    En l'occurrence, ma conscience ne peut me reprocher qu'une infraction à la loi morale commise librement.C'est pour cela que je plaide, en tantqu'avocat, soit l'absence d'intention ou l'imprévoyance au moment des faits (dans ce cas, je plaide l'erreur en medéfendant d'avoir commis une faute), soit une habitude irrésistible (dans ce cas, je ne nie pas matériellement lafaute, mais je conteste ma responsabilité).
                                                            
                                                                                
                                                                    Dans l'un et l'autre cas, j'invoque une nécessité naturelle, c'est-à-direl'absence de liberté.
                                                            
                                                                                
                                                                    Or, s'il est vrai que j'étais dans mon bon sens, c'est-à-dire effectivement libre au moment oùj'ai contrevenu à la loi, je suis alors pleinement responsable.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il faut prendre au sérieux cette restriction de Kant («s'ila conscience qu' [...] il était dans son bon sens [...1»), car il ne s'agit pas pour ma conscience de me condamner àtout prix.
                                                            
                                                                                
                                                                    Je peux en effet avoir agi en état de démence, et je suis alors innocent; mais je ne peux plaider l'absenced'intention ou l'imprévoyance  si je  savais  ce que  je faisais,  ni la mauvaise  habitude si je  l'ai  contractéevolontairement, parce que je ne peux prétendre ignorer la loi qui m'ordonne de ne pas agir à la légère et de ne pas.
                                                                                                                    »
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