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LA CONSCIENCE DU CONTINU ET LE PROBLÈME DES CRISES

Publié le 15/03/2011

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   Discontinu et continu sont à beaucoup d'égard arithmétique et géométrie : l'arithmétique du nombre entier étant, par excellence, le type du discontinu. L'invention du calcul infinitésimal (Leibniz, Newton, après les promesses de Pascal et la géométrie analytique cartésienne) exprime l'effort pour ne pas laisser extérieures l'une à l'autre arithmétique et géométrie. Le problème qui se posait depuis Zénon et les Éléates, Leibniz essaie de le résoudre par l'infiniment petit. Cette corrélation arithmétique-géométrie peut symboliser dans des domaines très éloignés de la mathématique l'opposition du continu et du discontinu. L'arithmétique, c'est l'individualité; c'est l'atomicité, c'est le multiple, c'est le séparé. La géométrie, l'espace, symbolise, au-delà de la mathématique, la solidarité, la continuité, la compénétration, la fluidité. S'il n'est pas faux de dire que le continu se définit par une possibilité inépuisable de division, l'on n'a pas épuisé par là le sens de l'idée de continu. Même, à beaucoup d'égards, ce n'est qu'une définition négative du continu, puisque c'est déclarer que le continu est susceptible de n'importe quelle division idéale, mais non pas qu'il est divisé de façon actuelle, déterminée. Il y a lieu d'introduire dans l'idée du continu l'idée d'une certaine liaison satisfaisante pour la pensée rationnelle, certaines connexions excluant la thèse d'une intermittence, d'une rupture, d'une césure qui à certains égards serait de l'irrationnel.

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« Rien donc n'exclut la possibilité qu'il y ait à la fois continuité et discontinuité pour la pensée qui donne et qui agit,mais aussi continuité et discontinuité du point de vue phénoménal, à condition qu'arithmétique et géométrie nesoient pas employées en sens univoque pour la pensée et pour le donné des phénomènes. Or les difficultés s'augmentent du fait que la psychologie se présente tantôt comme une science analytique,explicative du réel, tantôt s'annexe des opérations et des actes qui ne sont pas des événements et qui répugnent àêtre considérés sous l'aspect des événements.

La psychologie descriptive tantôt (James), se présente commeexprimant fidèlement la vie de la conscience en la représentant comme un courant; d'où symbiose de la psychologiede James et de la métaphysique de Bergson : on dit alors que la continuité, dans le réel et dans les actes, exclut lediscontinu; mais que fait-on des crises? Du point de vue de la psychologie, on s'applique à les considérer comme dessaillies dans un continu, dans une histoire que l'on retrace, et par conséquent comme n'étant qu'apparentes; dupoint de vue de la philosophie, elles n'apparaissent que comme des moments, particulièrement énergiques, relevésdans une histoire que l'on dit créatrice et novatrice : dans les Données Immédiates, de Bergson, le continu mouvantn'est saisi que dans des moments privilégiés, que rien ne distingue autrement des autres : a - la description est-elle fidèle, qui ne surprend rien que le courant continu? b - sur l'exemple de la conversion, on peut préparer l'examen philosophique de la crise, pour arriver à l'examen dutemps vécu et de la continuité bergsonienne, en faire la critique; c - ne faut-il pas chercher une orientation différente, pour qu'elle puisse conjuguer continuité et discontinuité, surle plan des actes, allier les reprises, voire les origines radicales, avec la continuité entendue non pas à la manière dugéomètre, mais à la manière dont on peut concevoir l'invariance d'une décision créatrice immanente à l'histoire d'uneconscience, histoire qu'elle fait. Essai de solution. — Plaçons-nous sur le terrain de la description : il n'est pas tout à fait rigoureux de prétendre que la discontinuitéest l'exception.

L'idée du courant n'est qu'une métaphore : que mettre dessous? Faut-il entendre par là ou l'absencepour la conscience de ruptures apparentes, ou une continuité réelle? On peut remarquer d'abord qu'il y a parfoiscontinuité réelle et discontinuité apparente, parfois aussi le contraire (« apparent » désignant ici ce que croit laconscience sur elle-même).

Continuité réelle, discontinuité apparente, tout se passe comme si nous percevions ennous des changements inédits, sans antécédents, alors qu'un examen plus attentif montrerait que ces discontinuitésreposent sur une continuité réelle — du corps, de l'inconscient. D'une façon réciproque, on pense n'avoir pas changé, alors qu'une observation plus fine découvre desdéplacements, voire des ruptures; nous croyons qu'un sentiment ne s'est pas modifié, mais un discernement plusperspicace montrerait le changement, la différence.

La parenté est étroite entre le problème de la différence de soià soi et la ressemblance de soi à soi.

Les catégories qui ne visent que l'objet sont abusivement transportées à laconscience; en outre n'est-ce pas — la continuité du courant de conscience étant seule considérée — méconnaîtretant d'aspects où il n'y a pas rupture radicale mais des états à caractère insulaire : émotions furtives, fugitives,plaisirs nés et morts très vite, heurts, chocs, surprises.

Le prétendu courant de la conscience est séparé de lui —non pas que nous n'ayons pas comme un sentiment de la continuité de notre être, mais parce que ce sentiment —sur ce plan — est peut-être l'expression de certaine cénesthésie, d'un timbre affectif, ou bien encore parce qu'iltient à la permanence extérieure du sentiment de notre corps.

Tout cela n'exclut pas la discontinuité insulaire quenous évoquions.

Maine de Biran maintient la discontinuité de certains ordres de vie : religieux, philosophiques — quin'a rien de commun avec la discontinuité émotionnelle, source de mécontentement et d'instabilité.

(Pour étudier laconversion, lire : Delacroix : La Religion et la foi; W.

James : Variétés de l'expérience religieuse; Claudel : in Revuedes Jeunes, 1913.) Il y a un mystérieux instantané, époque du changement, et dans le changement le sujet qui change n'est dansaucun temps, disait déjà Platon dans le Parménide.. »

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