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La formation des habitudes est-elle, pour notre liberté, une aide ou un obstacle ?

Publié le 14/06/2009

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Introduction. — Contrairement à l'opinion commune qui fait de l'acquisition de bonnes habitudes, l'essentiel de l'éducation, Jean-Jacques Rousseau déclare : « La seule habitude qu'on doit laisser prendre à l'enfant est de n'en contracter aucune «. Et, quelques lignes plus loin, il continue : « Préparez de loin le règne de sa liberté et l'usage de ses forces..., en le mettant en état d'être toujours maître de lui-même, et de faire en toute chose sa volonté, dès qu'il en aura une. « Le grand inspirateur de la pédagogie moderne considère donc l'habitude comme un obstacle à l'exercice de la liberté. Pouvons-nous nous ranger à son avis ? I. — L'HABITUDE, OBSTACLE A LA LIBERTÉ La liberté psychologique ou morale dont il est ici question est le caractère d'une volonté qui ne subit aucune contrainte, non seulement extérieure, mais encore intérieure, et conserve la maîtrise de ses actes. Un acte libre est celui qui est déterminé par la vue des motifs et non par la pression des mobiles. On n'agit librement qu'en se conformant aux exigences de la raison. Dès lors, on voit facilement l'opposition qui existe entre la liberté et l'habitude : l'habitude mécanise ou même asservit ; en tout cas, elle fait perdre cette disponibilité caractéristique d'un vouloir maître de soi. Pour expliquer cette mécanisation, regardons les effets de l'habitude sur les fonctions psychiques qui conditionnent le jeu de la volonté.

« s'expliciter clairement.

Laissons de côté les automatismes organiques de l'écriture pour nous en tenir auxautomatismes mentaux : c'est automatiquement que les idées suggèrent les mots et les mots les idées ; c'est parsuite d'habitudes prises au cours de nos lectures ou de nos exercices de composition que les idées s'organisentd'une façon logique ; c'est encore l'habitude d'écrire qui suscite l'image destinée à illustrer la pensée abstraite ou lemot à l'emporte-pièce qui attire l'attention... B.

L'habitude, acte idéal de la liberté. — On pourrait, sans doute, objecter que, si elles facilitent l'exécution d'une décision librement prise, les habitudes n'en restreignent pas moins le champ de la liberté et que, par suite, dans lamesure même où ils comportent des éléments automatiques, nos actes ne sont pas libres.Mais cette objection se fonde sur le préjugé, assez courant, il est vrai, qui mesure le degré de volonté ou de libertéd'un acte à l'effort que celui-ci comporte, à l'énergie nécessaire pour surmonter les difficultés qui s'opposent àl'action.

Or, c'est le contraire qui est vrai : quand je dois faire effort pour vouloir, je ne veux pas à fond puisqu'il y aen moi des forces qui résistent ; la volonté n'est parfaite que lorsqu'elle n'éprouve aucune résistance et que lepassage du jugement à l'action est comme automatique.Par suite, l'habitude qui facilite l'action et monte en nous des automatismes grâce auxquels ce que nous jugeonssage s'effectue presque de lui-même, augmente notre liberté au lieu de la restreindre.

Ce n'est pas au cours de sapremière opération que l'apprenti chirurgien, calculant tous ses coups de bistouri, est maître de ses mouvements etfait exactement ce qu'il veut.

La liberté véritable, il l'acquerra peu à peu, à mesure qu'il contractera des habitudes,et c'est dans les opérations les plus habituelles pour lui qu'il atteindra le maximum de liberté.Ainsi, au lieu de restreindre la liberté, l'habitude et les automatismes élargissent son champ d'action.

Un systèmeautomatique qui répond fidèlement à tous les appels de la volonté prolonge celle-ci : le directeur d'entreprise reliétéléphoniquement avec tous ses services agit vraiment partout où le fil porte ses ordres ; et, de même, c'est moiqui agis dans ces habitudes grâce auxquelles je puis sans effort et rapidement exécuter des opérations difficiles etlongues pour celui qui n'est pas habitué. C.

La liberté, créatrice d'habitudes.

— Aussi, loin de se défendre des habitudes, l'individu soucieux d'assurer la liberté de son action cherche à les multiplier.

Les précieux automatismes qui facilitent le travail et la pensée ne sontpas montés tout seuls.

Que nous prenions la dextérité manuelle de l'ouvrier ou la facilité de plume de l'écrivain, noustrouvons à l'origine un long apprentissage, avec des exercices méthodiques, au cours desquels l'apprenti lui-mêmeaussi bien que ses moniteurs ou professeurs procédaient à la sélection des opérations réussies.

Ce sont ces libreschoix qui, à force de pratique, sont devenus automatiques.Ainsi les habitudes ne constituent pas nécessairement ni même généralement une puissance hostile à la liberté :dans beaucoup d'entre elles nous devons reconnaître son œuvre et sa plus précieuse conquête. D.

La liberté, conquête de l'habitude. — Mais on peut aussi, sans paradoxe, soutenir la réciproque et voir dans la liberté une conquête de l'habitude ou, mieux, une habitude véritable.Si les hommes naissent libres », comme le dit la Déclaration des Droits, ce n'est pas de la liberté morale aupsychologique dont nous traitons ici.

L'homme ne naît pas libre moralement : il le devient.

La liberté, aime-t-on dire,n'est pas un don ; elle est une conquête.

» Une conquête de qui ? de l'habitude.Il n'est, en effet, qu'un moyen d'acquérir la maîtrise de soi qui caractérise l'homme libre : multiplier les actes deliberté, se comporter comme si on était parvenu à cette maîtrise à laquelle on aspire.

En somme, la liberté s'acquiertcomme les habitudes, et on peut la considérer comme la plus noble des habitudes. Conclusion.

— Ceux qui opposent habitude et liberté ne songent qu'à certaines formes d'habitudes, celles que certains psychologues qualifient de « passives » et qu'il serait préférable d'appeler les besoins acquis et lesaccoutumances.

L'habitude proprement dite, celle qui développe ou spécifie nos facultés naturelles d'action, nousrend plus libres au lieu de nous asservir.

Comme le dit Charles Blondel : notre activité se libère en se mécanisant »,et sa mécanisation est le « principe d'économie spirituelle » qui lui permet de maintenir à son budget toujours lesmêmes crédits pour ses réalisations nouvelles.. »

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