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L'art peut-il nous affranchir de l'ordre du temps ?

Publié le 17/01/2022

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La beauté échappe au temps
Toute oeuvre d'art exprime une forme de la beauté ou de la vérité humaine. Or la beauté et la vérité sont des essences immuables, universelles et intemporelles. Voilà pourquoi une conscience occidentale du XXIe siècle peut encore être fascinée par les peintures rupestres de Lascaux ou par des masques africains. L'art est une expérience qui dure Dans A la Recherche du temps perdu, Marcel Proust constate que l'oeuvre littéraire permet d'abolir le temps en fixant le souvenir par l'écriture. Le lecteur de Proust peut revivre lui aussi, comme si la conscience de l'auteur était la sienne, des événements et des sentiments qui ont existé bien avant sa naissance. De même, dans dix siècles, la vision de Proust sera toujours vivante grâce aux lecteurs à venir. Déjà la mémoire, dans les analyses de Proust, peut nous affranchir de l'ordre du temps : l'évocation et l'expérience de la « petite madeleine « - avec la médiation de la mémoire involontaire - nous conduisent à « une minute affranchie de l'ordre du temps « (Proust). L'auteur (ou le narrateur) cesse alors de se sentir médiocre, contingent, mortel. De même, entrant dans la cour de l'hôtel de Guermantes, hôtel particulier habité par une grande famille aristocratique, le narrateur revit une sensation vécue auparavant à Venise. Situé hors du temps, affranchi de son ordre, le narrateur expérimente la joie.
- L'art : ici, création de choses belles procurant une satisfaction désintéressée. - pouvoir : détenir la possibilité (mais aussi un accès à la légitimité). - affranchir: ici, libérer de; ce terme sous-entend que l'homme est prisonnier du temps, qui lui impose sa structure.  - ordre : ici, organisation, structure, disposition.  - temps : en première approche, changement perpétuel transformant le présent en passé.


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« de liberté, concept normatif fondamental auquel revoient les jugements esthétiques.

Mais pour quoi l'art et que peutl'art ? Que veut-il et qu'est-il capable de réaliser ? L'art représente la création d'une réalité nouvelle et spirituelle: ilest démiurgie et invention de formes.

Il arrache ces dernières au monde simplement empirique pour les faire entrerdans l'ordre de l'intelligence et du spirituel.

Paul Klee disait dans ce sens: "L'art ne reproduit pas le visible, il rendvisible." L'artiste n'est pas une sorte de copiste du réel, se contentant de représenter le monde.

De ce point de vue, nouspouvons jouer sur le verbe " représenter " qui signifie littéralement " présenter deux fois ".

Il ne s'agit pas en effetde se limiter à une imitation du monde.

Si l'art n'était qu'imitation de la nature, il serait alors une activité oiseuse etsuperflue comme le dit Hegel dans l'Esthétique (il ajoute d'ailleurs que l'imitation parfaite de la nature est impossible; l'artiste étant alors semblable à un " ver faisant des efforts pour égaler un éléphant ").

Quelle est alors la valeur dutravail de l'artiste ? C'est une sorte de révélation de ce que nos yeux ne voient pas, ne veulent pas voir ou nevoient plus.

C'est un rapport au réel différent mais peut-être plus authentique et plus parlant.

C'est ce que veut dire" rendre visible " ou " créer le visible ".

Ainsi, l'art fait que nous ne sommes plus dans un rapport utilitaire au mondeet aux choses.

Un rapport utilitaire aux choses qui nous entourent nous conduit à ne saisir le monde que sous uncertain aspect.

L'art nous révèle le monde autrement, nous le dévoile autrement.

C'est dans une telle perspectiveque Heidegger, philosophe allemand du XXème siècle, assimilera l'art à la vérité.

Il ne faut pas alors entendre la notion de vérité dans son sens logico-mathématique, le terme de véritérenvoie à son sens premier de dévoilement, alèthéia en grec.

Ce n'est doncpas ainsi à partir de la question du beau que le problème de l'art peut êtresaisi : une œuvre d'art n'est pas nécessairement belle ; ce n'est pas non plussa fidélité à ce qu'elle représente ou sa perfection dans la représentation quifait une œuvre d'art.

L'œuvre d'art serait ce qui dévoile, ce qui convertit ettransforme notre regard sur le monde en nous le donnant à voir autrementque dans notre rapport quotidien.

Qui prendrait le temps de regarder un fruitpar exemple ? Notre préoccupation est de le manger et, comme tel, il estlittéralement invisible, il se dérobe à toute valeur esthétique.

Or, dans lanature morte, nous prenons le temps de contempler ces mêmes choses quinous laissent indifférents hors de l'œuvre et l'invisible se fait visible, il donne àvoir ce que nos préoccupations immédiatement pratiques nous masquent. La parole de Klee est un plaidoyer pour l'art « non figuratif » ou abstrait.

Non,l'art n'est pas une imitation de formes.

Devant une oeuvre, la question «qu'est-ce que cela représente ? » est une question plate.

Mais cela ne veutpas dire que l'artiste se détourne du réel, bien au contraire : tout artiste esthanté par la question : « Comment le visible devient-il visible, en quoi l'artpeut-il nous permettre de voir ce qui ordinairement ne se voit pas : lesurgissement du visible lui-même ? Comment le réel devient-il sensible ? »Cette question suppose que le visible ne soit pas une appréhension confusede la réalité intelligible mais constitue une sphère propre de réalité qui mérite d'être explorée.

Le peintre, luttantavec la lumière, les couleurs et les formes, explore les éléments de cette réalité, et de même que le poète se bat àla frontière du langage et du silence, de même le peintre se bat-il à la frontière du visible et de l'invisible. Si l'art nous détourne de la réalité sensible; s'il transmute le plomb du réel en or spirituel, ne s'ensuit-il pas qu'ilpuisse nous affranchir et nous libérer de l'ordre du temps ? Ce dernier étant changement perpétuel transformant leprésent en passé, l'oeuvre d'art ne met-elle pas à distance cette fuite spirituelle, cette perpétuelle évanescencequ'incarne la temporalité et son irréversibilité ? Non, dirons-nous en premier lieu: comment pourrait-on échapper au temps et s'affranchir de l'ordre de la temporalité? Kant, dans la "Critique de la raison pure", nous signale que nul ne saurait se soustraire au temps, cettereprésentation nécessaire qui sert de fondement à toutes les intuitions.

On ne saurait supprimer le temps lui-mêmepar rapport aux phénomènes en général.

Donc il est impossible, par l'art, de se soustraire au temps, qu'il s'agisse dela temporalité vécue ou de la forme a priori dans laquelle se déroulent les événements. Toutefois, si l'art crée une réalité spirituelle, ne peut-on mieux comprendre une fonction possible de mise à distancedu temps ? Ne faut-il pas approfondir l'essence de la création artistique ? L'art peut nous affranchir de l'ordre du temps (antithèse). Les oeuvres d'art sont intemporellesUne oeuvre d'art, aussitôt achevée, échappe au temps.

Elle ne vieillit pas (même si son support matériel - toile,pierre, bois, etc.

- peut se dégrader).

Les frises du Parthénon, les madones des primitifs siennois du XIIIe siècle, lesautoportraits de Rembrandt nous parlent encore par-delà les siècles, comme si les interrogations de l'artistes'étaient figées en elles et continuaient de nous interpeller. La beauté échappe au tempsToute oeuvre d'art exprime une forme de la beauté ou de la vérité humaine.

Or la beauté et la vérité sont desessences immuables, universelles et intemporelles.

Voilà pourquoi une conscience occidentale du XXIe siècle peutencore être fascinée par les peintures rupestres de Lascaux ou par des masques africains.. »

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