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le bonheur

Publié le 02/07/2014

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Le bonheur   Introduction________________________________________________________________ 2 La difficulté à définir le bonheur (Kant)__________________________________________________ 2 Le bonheur est-il concret ou abstrait ?___________________________________________________ 3 Le bonheur est-il durable ou éphémère ?_________________________________________________ 4 I. Bonheur et désir___________________________________________________________ 4 A. L’hédonisme___________________________________________________________ 4 1. Le bonheur est dans la satisfaction de tous nos désirs (Calliclès)______________________________ 4 2. Le bonheur est la satisfaction de certains désirs seulement (Epicure)___________________________ 5 B. Le stoïcisme____________________________________________________________ 6 1. Le stoïcisme classique (Sénèque, Epictète, Marc-Aurèle)___________________________________ 6 a. Distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas_______________________________ 6 b. Modifier nos désirs______________________________________________________________ 7 c. La vertu, c’est le bonheur_________________________________________________________ 7 d. Être conscient des maux qui nous guettent____________________________________________ 7 e. Conclusion____________________________________________________________________ 8 2. Un Stoïcien original : Spinoza________________________________________________________ 8 C. Le pessimisme_________________________________________________________ 10 1. Schopenhauer__________________________________________________________________ 10 2. Bouddhisme____________________________________________________________________ 11 3. Christianisme___________________________________________________________________ 11 D. La sublimation________________________________________________________ 11 1. Platon________________________________________________________________________ 11 2. Nietzsche______________________________________________________________________ 12 3. Freud_________________________________________________________________________ 13 II. Bonheur et temps________________________________________________________ 14 A. Le bonheur se distingue du plaisir par sa durée_______________________________ 14 B. Il faut chercher le bonheur dans l’instant présent_____________________________ 14 1. L’espoir nous empêche d’être heureux (Pascal)_________________________________________ 14 2. Le désespoir est la clef du bonheur (Comte-Sponville)____________________________________ 15 3. Carpe diem (Horace, Ronsard)______________________________________________________ 15 C. Le bonheur est au passé : un souvenir heureux…_____________________________ 15 D. Le bonheur est au futur : les lendemains qui chantent__________________________ 16 III. Deux grandes conceptions du bonheur______________________________________ 16 A. L’amour_____________________________________________________________ 16 1. Le bonheur du couple : le mythe d’Aristophane_________________________________________ 16 2. Se contenter d’aimer (Saint François d’Assise)__________________________________________ 17 3. Aimer un objet éternel pour être éternellement heureux (Spinoza)____________________________ 18 B. La connaissance (Aristote)_______________________________________________ 18 1. Poiesis et praxis_________________________________________________________________ 19 2. Le bonheur de l’homme est dans l’activité qui lui est propre________________________________ 19 3. Le rôle de la chance______________________________________________________________ 20 IV. Le bonheur est-il le but de la vie ?__________________________________________ 21 A. La question de droit____________________________________________________ 21 1. Le bonheur doit être le but de la vie : l’eudémonisme antique_______________________________ 21 2. Il ne faut pas chercher le bonheur mais obéir à Dieu (Christianisme)__________________________ 22 3. Il ne faut pas chercher le bonheur mais s’en rendre digne (Kant)____________________________ 22 4. Il faut être juste (Platon)___________________________________________________________ 23 5. Un exemple célèbre : Antigone______________________________________________________ 24 B. Bonheur et politique____________________________________________________ 25 1. Le bonheur doit être le but de la politique______________________________________________ 25 2. Le bonheur ne doit pas être le seul but de la politique_____________________________________ 25 C. La question de fait______________________________________________________ 26 1. De fait, le bonheur est le but de la vie_________________________________________________ 26 2. Qui veut être un imbécile heureux, un porc satisfait ?_____________________________________ 27 3. Le bonheur n’est jamais le but de la vie_______________________________________________ 27 V. Bonheur et technique_____________________________________________________ 28 A. La technique peut mener au bonheur (Descartes)_____________________________ 28 B. La technique nous éloigne du bonheur (Rousseau)_____________________________ 29 Conclusion (Freud)_________________________________________________________ 30 Annexe___________________________________________________________________ 32 Quelques idées supplémentaires_____________________________________________ 32 Sois prêt à te suicider_______________________________________________________________ 32 Le monde n’est pas un panorama_____________________________________________________ 32 Illustrations  et références__________________________________________________ 32 La pilule du bonheur_______________________________________________________________ 33 Citations________________________________________________________________________ 33 Quelques lectures…________________________________________________________________ 33 Questions et sujets________________________________________________________ 33 Questions d’auto-évaluation_________________________________________________________ 33 Sujets de dissertation_______________________________________________________________ 33     Introduction   La difficulté à définir le bonheur (Kant) Selon Kant, le bonheur ne peut pas être défini : nous ne pouvons dire avec certitude ce qui nous rendra heureux car pour cela il nous faudrait une connaissance absolue de nous-mêmes et du monde. Le bonheur n’est pas un idéal de la raison mais un idéal de l’imagination :   [L]e concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. (…) [I]l est impossible qu’un être fini, si perspicace et en même temps si puissant qu’on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu’il veut ici véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d’envie, que de pièces ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d’une manière d’autant plus terrible les maux qui jusqu’à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu’il a déjà bien assez de peine à satisfaire. Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue souffrance ? Veut-il du moins la santé ? Que de fois l’indisposition du corps a détourné d’excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc. ! Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d’après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l’omniscience. On ne peut donc pas agir, pour être heureux, d’après des principes déterminés, mais seulement d’après des conseils empiriques, qui recommandent, par exemple, un régime sévère, l’économie, la politesse, la réserve, etc., toutes choses qui, selon les enseignements de l’expérience, contribuent en thèse générale pour la plus grande part au bien-être. Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, c’est-à-dire représenter des actions d’une manière objective comme pratiquement nécessaires, qu’il faut les tenir plutôt pour des conseils (consilia) que pour des commandements (proecepta) de la raison ; le problème qui consiste à déterminer d’une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d’un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n’y a donc pas à cet égard d’impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l’imagination. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. Victor Delbos, 2e section, p. 90-91   Le bonheur est-il concret ou abstrait ? Le bonheur peut être conçu de deux manières différentes : ou bien comme un sentiment concret, ou bien comme une idée abstraite. Dans le premier cas, le bonheur serait donc un vécu, un ressenti, une sorte de plaisir : il s’éprouverait. Dans le second cas, le bonheur ne s’éprouverait pas dans l’instant, il consisterait plutôt en un jugement porté après coup, a posteriori, sur sa vie. Si le bonheur est un jugement, on peut encore le concevoir de plusieurs façons : (1) d’abord, comme un jugement visant à estimer si nous avons été bien ou mal « lotis », si nous pouvons ou non nous « estimer heureux », c’est-à-dire si nous avons eu ou non de la chance. Cela rappelle d’ailleurs l’étymologie du mot « bonheur » (bon heur, bonne chance : « heur » veut dire « chance » en vieux français, et encore aujourd’hui dans l’expression avoir l’heur de : « je n’ai pas l’heur de lui plaire ») et certaines expressions (au petit bonheur, par bonheur). C’est en ce sens qu’on se jugera heureux, par exemple, si on est sorti vivant d’un accident d’avion, même si on est handicapé à vie, même si on souffre physiquement (et qu’on ne saurait donc être heureux au sens d’un vécu, d’un sentiment). (2) On peut aussi penser que le bonheur est un jugement parce que toute sensation est douloureuse : seuls la douleur et le malheur s’éprouveraient, le bonheur, au contraire, ne serait rien de positif, il ne désignerait que l’absence de malheur ou de douleur. C’est par exemple la conception de Schopenhauer. (3) Enfin, le bonheur sera encore un jugement si on le conçoit non comme un plaisir mais comme le contentement ou la satisfaction d’avoir bien agi : là encore il s’agit d’un jugement sur notre passé. Ainsi, selon les Stoïciens, le bonheur se réduit à la vertu : l’homme vertueux, qui agit bien, est heureux. Il ne s’agit pas ici d’une sensation (la conception stoïcienne du bonheur vise précisément à montrer qu’on peut être heureux dans la souffrance) mais au contraire d’un jugement sur notre action passée, sur son caractère vertueux, sur la capacité que nous avons eue à maîtriser nos penchants et nos désirs et à faire le bien. On voit que la distinction entre vécu et jugement coïncide avec la distinction entre abstrait et concret, et aussi avec la distinction entre relatif et absolu : plus précisément, si le bonheur est vécu, c’est quelque chose de donné, d’absolu au sens où ça ne dépend de rien d’autre ; en revanche, si notre bonheur est un jugement qui compare notre sort à celui des autres ou à un sort moyen (ce qu’il était raisonnablement permis d’espérer), alors le bonheur provient d’une comparaison : c’est un « être de comparaison », il est relatif.   Résumons tout cela dans un tableau : Bonheur vécu jugement concret abstrait absolu relatif   juger que nous avons eu de la chance juger que nous ne souffrons plus juger que nous avons bien agi bonheur = bien-être, plaisir bonheur = chance bonheur = absence de malheur bonheur = contentement, vertu Est heureux en ce sens celui qui savoure un état de bien-être. Ex : Adam et Eve au jardin d’Eden, avant le péché originel. Ex : vivre des instants de plaisir (musique, soleil, cuisine, etc.). Est heureux en ce sens celui qui est rescapé d’un accident, même s’il souffre. Est heureux en ce sens celui qui a cessé de souffrir : par exemple le convalescent qui sort d’une longue maladie. Est heureux en ce sens celui qui, malgré les maux, a bonne conscience car il est sûr d’avoir bien agi, d’avoir fait tout ce qu’il pouvait ou d’avoir fait ce qu’il fallait. Ex : perdre un match de rugby en ayant « tout donné ».   Le bonheur est-il durable ou éphémère ? L’opposition entre bonheur et plaisir peut être pensée de deux manières : on peut dire que le bonheur est durable, tandis que le plaisir est éphémère. Mais on parle parfois d’un « instant de bonheur », et on ne veut alors pas seulement dire un instant de plaisir : ce qui distingue donc, outre la durée, le bonheur du plaisir, c’est l’idée que le bonheur est plus entier, qu’il désigne un bien-être complet du corps et de l’esprit, tandis que le plaisir ne concerne que le corps. On peut aussi remarquer que toute sensation semble éphémère : car nous avons surtout conscience du changement : par exemple, dans un spectacle, notre œil est attiré par ce qui bouge ; de même, bien souvent on ne prend conscience d’un son qu’au moment où il s’arrête, ou au moment où il commence ; de même, on peut penser que toutes les sensations sont éphémères, donc que le plaisir est la conscience d’un changement. Cela expliquerait que le plaisir ne puisse être durable : car toute sensation qui dure finit par se faire oublier, on s’y habitude. Par exemple, l’homme s’habitue à la souffrance (le malade finit par ne plus penser à son mal) aussi bien qu’au plaisir (une fois guéri, il se réjouira dans les premiers moments, mais après quelques jours il n’aura plus conscience de son bien-être). Le plaisir et le bonheur ne pourraient exister que dans le changement, et à partir de leurs contraires (la douleur et le malheur). Si la sensation est essentiellement différentielle, nous avons donc le choix entre vivre de grands plaisirs entrecoupés de grandes douleurs, ou ne vivre qu’un état permanent de « bien-être » mais qui nous paraîtrait fade et serait ressenti sans grand plaisir.   I. Bonheur et désir   Le bonheur est étroitement lié au désir : en effet, l’objet par excellence du désir n’est-il pas le bonheur ? Et le bonheur ne consiste-t-il pas en la satisfaction de nos désirs ? Nous allons donc commencer par étudier les relations entre le bonheur et le désir.   A. L’hédonisme   Le bonheur est dans la satisfaction de nos désirs : telle est la thèse hédoniste. L’hédonisme est la conception qui fait du plaisir la valeur suprême, le but de la vie, qui identifie bonheur et plaisir. Or le plaisir est conçu comme ce qui accompagne la satisfaction de tout désir ; donc le bonheur consistera, pour l’hédoniste, dans la satisfaction des désirs. On peut distinguer deux versions principales de la théorie hédoniste : il y a ceux qui affirment que le bonheur consiste à satisfaire tous nos désirs, et ceux qui recommandent de ne chercher à satisfaire que certains désirs. Les hédonistes modérés et les hédonistes démesurés, pourrait-on dire.   1. Le bonheur est dans la satisfaction de tous nos désirs (Calliclès) La manière la plus simple de concevoir le bonheur est d’affirmer qu’il consiste en la satisfaction de tous nos désirs. C’est la conception de Calliclès, personnage d’un dialogue de Platon, le Gorgias, qui met en scène Socrate. Socrate, critiquant l’hédonisme, utilise une métaphore pour pousser Calliclès au bout de son idée : c’est la célèbre image du tonneau des Danaïdes :   Socrate : Considère si tu ne pourrais pas assimiler chacune des deux vies, la tempérante et l’incontinente, au cas de deux hommes, dont chacun posséderait de nombreux tonneaux, l’un des tonneaux en bon état et remplis, celui-ci de vin, celui-là de miel, un troisième de lait et beaucoup d’autres remplis d’autres liqueurs, toutes rares et coûteuses et acquises au prix de mille peines et de difficultés ; mais une fois ses tonneaux remplis, notre homme n’y verserait plus rien, ne s’en inquiéterait plus et serait tranquille à cet égard. L’autre aurait, comme le premier, des liqueurs qu’il pourrait se procurer, quoique avec peine, mais n’ayant que des tonneaux percés et fêlés, il serait forcé de les remplir jour et nuit sans relâche, sous peine des plus grands ennuis. Si tu admets que les deux vies sont pareilles au cas de ces deux hommes, est-ce que tu soutiendras que la vie de l’homme déréglé est plus heureuse que celle de l’homme réglé ? Mon allégorie t’amène-t-elle à reconnaître que la vie réglée vaut mieux que la vie déréglée, ou n’es-tu pas convaincu ? Calliclès : Je ne le suis pas, Socrate. L’homme aux tonneaux pleins n’a plus aucun plaisir, et c’est cela que j’appelais tout à l’heure vivre à la façon d’une pierre, puisque, quand il les a remplis, il n’a plus ni plaisir ni peine ; mais ce qui fait l’agrément de la vie, c’est d’y verser le plus qu’on peut. Platon, Gorgias, 493b – 494b   Calliclès définit le bonheur comme la capacité de satisfaire tous nos désirs, y compris nos passions les plus intenses :   Calliclès : Mais voici ce qui est beau et juste suivant la nature, je te le dis en toute franchise : pour bien vivre, il faut entretenir en soi-même les plus fortes passions au lieu de les réprimer, et, quand elles ont atteint toute leur force, il faut être capable de leur donner satisfaction par son courage et son intelligence et de remplir tous ses désirs à mesure qu’ils éclosent. (…) [L]e luxe, l’intempérance et la liberté, quand ils sont soutenus par la force, constituent la vertu et le bonheur. Platon, Gorgias, 492a – 492c   C’est aussi la thèse de Thomas Hobbes, philosophe anglais du XVIIe siècle :   Un succès constant dans l’obtention de ces choses que, de temps en temps, l’on désire, autrement dit une constante prospérité, est appelé félicité. J’entends la félicité en cette vie. Car il n’y a rien qui ressemble à la béatitude perpétuelle de l’esprit, tant que nous vivons ici, parce que la vie n’est elle-même que le mouvement et ne peut être ni sans désir, ni sans crainte. Hobbes, Léviathan, I, 6   Dom Juan est un hédoniste au sens de Calliclès et Hobbes : il cherche à satisfaire sans cesse tous ses désirs, notamment ses désirs de conquêtes féminines. L’inconvénient d’une telle théorie est qu’un tel bonheur n’est pas facile à atteindre. L’homme est plein de désirs infinis et démesurés : s’il cherche à satisfaire tous ses désirs, y compris les plus fous, ne risque-t-il pas d’être voué à l’échec et à la frustration, et ainsi de rencontrer un malheur cinglant au lieu du bonheur tant espéré ?   2. Le bonheur est la satisfaction de certains désirs seulement (Epicure) C’est pour cette raison que le philosophe Epicure recommande de chercher à satisfaire certains désirs seulement, les plus fondamentaux. En effet, si le but est d’atteindre le plaisir, c’est-à-dire pour Epicure l’ataraxie, ou « absence de douleurs dans le corps et de troubles dans l’âme », alors il convient de fuir les désirs démesurés qui seront bien difficiles à satisfaire et qui, par conséquent, nous apporteront davantage de troubles que de sérénité. Epicure distingue trois catégories de désirs et de plaisirs : (1) les désirs/plaisirs naturels et nécessaires : ex : manger et boire quand on a faim et soif. Ces plaisirs sont tous ceux qui sont naturels et nécessaires à notre survie. (2) les désirs/plaisirs naturels mais non nécessaires : ex : manger des mets raffinés (3) les désirs/plaisirs ni naturels ni nécessaires : ex : le désir de gloire, de richesse, etc. Epicure affirme que seuls les plaisirs de la catégorie (1) sont à satisfaire pour atteindre l’ataraxie. Les plaisirs de la catégorie (2) sont à éviter, dans la mesure du possible, car il faut apprendre à se contenter de peu. Enfin, les désirs de la catégorie (3) sont à fuir absolument, car ils nous apporteront bien plus de maux (jalousie, etc.) et de troubles que de bien. Aujourd’hui, « épicurien » signifie « bon vivant » : on entend par là quelqu’un qui mange bien, qui boit bien, qui savoure tous les plaisirs de la vie. Mais à l’origine, le véritable épicurien est bien plutôt un ascète, un personnage austère qui vit dans une simplicité extrême, qui ne mange que du pain, des olives et de l’eau et s’en contente. Le véritable épicurien ressemble davantage au moine dans son monastère qu’au bon vivant dans son restaurant. On peut pousser un peu plus loin la théorie d’Epicure : si l’objectif est d’atteindre l’ataraxie, pourquoi ne pas modifier tous ses désirs, même les plus simples, s’ils ne peuvent être satisfaits ? Ainsi notre bonheur, qui pour Epicure dépend encore de notre capacité à satisfaire nos plaisirs, et donc du monde extérieur, ne dépend plus que de nous. Celui qui ne désire que ce qu’il peut avoir ne restera jamais frustré ; au contraire, tous ses désirs seront toujours satisfaits, et il connaîtra donc un bonheur perpétuel et indépendant de la fortune.     B. Le stoïcisme   Le bonheur est dans la restriction de nos désirs : telle est la thèse stoïcienne. En effet, si le bonheur consiste en la satisfaction de nos désirs, cette satisfaction peut être atteinte de deux manières : (1) en ajustant le monde à nos désirs, c’est-à-dire en cherchant à avoir ce qu’on désire (méthode épicurienne) ; (2) en ajustant nos désirs au monde, c’est-à-dire en essayant de désirer ce que l’on a (méthode stoïcienne). Ce renversement de perspective (agir sur soi plutôt que sur le monde) est miraculeux : il semble permettre d’atteindre un bonheur absolu, quelles que soient les circonstances. Mais il ne va pas sans difficulté.     1. Le stoïcisme classique (Sénèque, Epictète, Marc-Aurèle)   a. Distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas Les Stoïciens (Sénèque, Epictète et Marc-Aurèle sont les plus connus) recommandent tout d’abord de distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous :   Souviens-toi donc de ceci : si tu crois soumis à ta volonté ce qui est, par nature, esclave d’autrui, si tu crois que dépende de toi ce qui dépend d’un autre, tu te sentiras entravé, tu gémiras, tu auras l’âme inquiète, tu t’en prendras aux dieux et aux hommes. Mais si tu penses que seul dépend de toi ce qui dépend de toi, que dépend d’autrui ce qui réellement dépend d’autrui, tu ne te sentiras jamais contraint à agir, jamais entravé dans ton action, tu ne t’en prendras à personne, tu n’accuseras personne, tu ne feras aucun acte qui ne soit volontaire ; nul ne pourra te léser, nul ne sera ton ennemi, car aucun malheur ne pourra t’atteindre. Epictète, Manuel, I, 1   Ce qui dépend de nous, ce sont nos désirs et nos pensées : tout ce qui est notre œuvre. Ce qui ne dépend pas de nous, ce sont le corps (la santé et la maladie), la richesse, la réputation, le pouvoir, etc. (Epictète, Ibid.)   b. Modifier nos désirs Une fois que nous avons bien fait la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas, nous pouvons tâcher de modifier nos désirs : il faut supprimer tous nos désirs qui portent sur le destin (ce qui ne dépend pas de nous) afin de se rendre indépendant de la fortune. Si nous ne désirons que des choses qui dépendent de nous, nos désirs seront toujours satisfaits, donc nous connaîtrons un bonheur parfait. « Ne cherche pas à ce que les événements arrivent comme tu veux, mais veuille que les événements arrivent comme ils arrivent, et tu seras heureux. » (Epictète, Manuel, VIII) Par exemple, si nous avons clairement conscience de la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui est au contraire impossible, nous ne désirerons pas plus être en bonne santé quand nous sommes malades que nous ne désirons posséder les royaumes de la Chine ou du Mexique[1]. Et ainsi nous ne souffrirons pas de ne pas avoir cette chose complètement inaccessible (la santé).   c. La vertu, c’est le bonheur On peut aller un peu plus loin. Si nous parvenons à limiter nos désirs, en plus du bonheur de les voir toujours satisfaits, nous aurons le plaisir d’avoir su maîtriser ce qui dépend de nous (nos désirs) et d’avoir su mépriser ce qui ne dépend pas de nous (les coups du destin). C’est-à-dire que le sage se réjouira de sa force d’âme :   Ainsi, ressentant de la douleur en leurs corps, [les grandes âmes] s’exercent à la supporter patiemment, et cette épreuve qu’elles font de leur force, leur est agréable ; ainsi, voyant leurs amis en quelque grande affliction, elles compatissent à leur mal, et font tout leur possible pour les en délivrer, et ne craignent pas même de s’exposer à la mort pour ce sujet, s’il en est besoin. Mais, cependant, le témoignage que leur donne leur conscience, de ce qu’elles s’acquittent en cela de leur devoir, et font une action louable et vertueuse, les rend plus heureuses, que toute la tristesse, que leur donne la compassion, ne les afflige. Descartes, Lettre à Elisabeth, 18 mai 1645   Il ne faut pas accorder d’importance à la douleur, car elle ne dépend pas de nous. Il faut « rester stoïque », la supporter d’une âm...

« D.

La sublimation________________________________________________________ 11 1.

Platon________________________________________________________________________ 11 2.

Nietzsche______________________________________________________________________ 12 3.

Freud_________________________________________________________________________ 13 II.

Bonheur et temps________________________________________________________ 14 A.

Le bonheur se distingue du plaisir par sa durée_______________________________ 14 B.

Il faut chercher le bonheur dans l'instant présent_____________________________ 14 1.

L'espoir nous empêche d'être heureux (Pascal)_________________________________________ 14 2.

Le désespoir est la clef du bonheur (Comte-Sponville)____________________________________ 15 3.

Carpe diem (Horace, Ronsard)______________________________________________________ 15 C.

Le bonheur est au passé : un souvenir heureux..._____________________________ 15 D.

Le bonheur est au futur : les lendemains qui chantent__________________________ 16 III.

Deux grandes conceptions du bonheur______________________________________ 16 A.

L'amour_____________________________________________________________ 16 1.

Le bonheur du couple : le mythe d'Aristophane_________________________________________ 16 2.

Se contenter d'aimer (Saint François d'Assise)__________________________________________ 17 3.

Aimer un objet éternel pour être éternellement heureux (Spinoza)____________________________ 18 B.

La connaissance (Aristote)_______________________________________________ 18 1.

Poiesis et praxis_________________________________________________________________ 19 2.

Le bonheur de l'homme est dans l'activité qui lui est propre________________________________ 19 3.

Le rôle de la chance______________________________________________________________ 20 IV.

Le bonheur est-il le but de la vie ?__________________________________________ 21 A.

La question de droit____________________________________________________ 21 1.

Le bonheur doit être le but de la vie : l'eudémonisme antique_______________________________ 21 2.

Il ne faut pas chercher le bonheur mais obéir à Dieu (Christianisme)__________________________ 22 3.

Il ne faut pas chercher le bonheur mais s'en rendre digne (Kant)____________________________ 22. »

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