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Le Monde comme volonté et comme représentation, § 38

Publié le 23/03/2015

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Mais lorsqu'une occasion extérieure ou qu'une disposition affective intérieure nous tire soudainement du flot infini du vouloir et arrache la connaissance à la servitude de la volonté, l'attention ne se concentre plus alors sur les motifs du vouloir, mais elle regarde les choses indépendamment de leur rapport avec la volonté, les considère d'une manière désintéresssée, non subjective et purement objective : elle s'abandonne totalement aux choses en tant qu'elles sont de simples repré-sentations et non en tant qu'elles sont des motifs. Ainsi sommes-nous subitement mis sur la voie de ce repos qui fuyait toujours tant que la volonté le cherchait, et nous sommes parfaitement heureux. C'est l'état exempt de douleur auquel Épicure donnait la valeur de souverain bien et qu'il considérait comme la condition des dieux ; car, en de tels instants, nous sommes débarrassés de l'odieuse impulsion du vouloir ; notre travail de forçats du vouloir cesse, nous fêtons une journée de sabbat et notre roue d'Ixion ne tourne plus.

Le Monde comme volonté et comme représentation, § 38

« Textes commentés 49 1 Ce texte, qui fait suite, dans Le Monde comme ~olonté et comme rep,7-j 1 sentation, à celui que nous venons de commenter établit la spécificité du 1 1 plaisir esthétique.

Celui-ci ne peut consister en la satisfaction toujours décevante de nos désirs ; il est l'effet d'une élévation soudaine de l'intellect momentanément dégagé du service de la volonté.

Une telle élévation a deux sources ; l'une d'elles est intérieure et subjective.

C'est la prépondérance de la connaissance sur le vouloir qui caractérise les génies et, tout particulièrement, les véritables artistes.

1 L'autre source de l'élévation de notre intellect est externe et objective.

! Certains objets, en effet, certains spectacles favorisent cette élévation.

Ainsi en est-il du ciel étoilé.

«Les étoiles, écrit Goethe, on ne les désire pas ; on ne peut que se réjouir de leur splendeur 1 • » Inaccessibles, étrangères à l'agitation teITestre, elles semblent tout voir sans prendre part à rien.

Et les 1 contempler nous apaise d'autant plus qu'elles éclairent sans échauffer : j offertes exclusivement au plus objectif de nos sens, elles ne peuvent affecter le toucher et exciter par son intermédiaire notre volonté.

Ravis par un tel spectacle, nous oublions momentanément notre misérable individualité ; nos soucis de citoyens, de parents ou d'acteurs de la vie économique nous laissent quelques instants de répit pour laisser place à quelque chose d'autre ...

1 Car le regard que nous portons sur les choses en pareille circonstance équivaut à une délivrance.

Délivré du besoin qu'il pouvait avoir des objets, le sujet contemplateur cesse de les considérer dans la perspective d'une certaine préoccupation ; il ne veut plus les posséder afin d'en disposer ou de les utiliser d'une manière ou de l'autre, mais il les accueille de manière désintéressée, c'est-à-dire pour rien, pour rien d'autre qu'eux-mêmes.

Autrement dit, il se donne entièrement aux choses « en tant qu'elles sont de simples représentations [de l'intellect], non en tant qu'elles sont des motifs [pour la volonté impatiente d'agir] ».

Cette liberté de l'homme enfin délivré de ses besoins ordinaires pour la rencontre apaisante de la beauté est le corrélat subjectif de la délivrance de la chose enfin soustraite aux préoccupations utilitaires de la volonté.

Ainsi la chose apparaît-elle comme pour la première fois, dépouillée des voiles que tisse entre elle et nous le réseau toujours plus serré de nos intérêts.

1 Cette double délivrance est, pour Schopenhauer, la condition de tout bonheur véritable, qui ne peut être atteint qu'à la faveur d'un apaisement de la volonté.

1.

Voir M., p.

1102.. »

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