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Le progrès des sciences conduit-il a l'abandon de toute croyance religieuse ?

Publié le 04/11/2005

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Cette question historique pourrait donner lieu à une étude très approfondie, qu'on ne peut mener ici. Mais elle ne permet pas du tout d'éluder la question de droit : peut-on légitimement demander à la foi religieuse de s'effacer devant le progrès des sciences expérimentales ? Est-on en droit de prétendre que les découvertes, en particulier les plus récentes, de ces sciences rendent caduque toute attitude religieuse ? En un mot : la foi est-elle dépassée (au sens historique) par le progrès scientifique ?Le progrès des sciences expérimentales concerne en fait deux aspects une connaissance de plus en plus précise et fine, donc plus objective, des réalités qu'elles étudient, et la découverte de nouveaux objets, de nouveaux domaines. Tout au long de son développement historique, la science a expulsé la foi religieuse des domaines qu'elle prétendait légitimement occuper; ce mouvement a débuté par l'astronomie (avec Galilée, bien que cette périodisation soit peu précise). s'est poursuivi avec toute la physique puis la biologie. Un coup fatal a été porté aux prétentions de la religion lorsque la théorie de l'évolution (Darwin) a revendiqué un champ théorique jusque-là réservé : l'origine et le développement des espèces, y compris l'humaine. La religion (en particulier catholique) n'a pas tout de suite accepté les conséquences irréversibles de cette avancée scientifique ; mais un tournant capital avait été pris : la foi religieuse allait désormais devoir comprendre qu'aucun domaine du savoir ne lui est en droit définitivement réservé. Les croyants et théologiens les plus lucides ont alors identifié la conception dépassée qu'il fallait rejeter : l'idée selon laquelle Dieu pourrait servir d'explication dans les domaines où la connaissance scientifique se trouvait provisoirement en défaut.

« celle-ci prétend, occuper des domaines vierges du savoir.

Dans l'Appendice au livre I de L'Éthique, Spinoza exposetrès clairement la logique de ce mouvement; il montre qu'une certaine foi religieuse est condamnée par le progrèsdes sciences : celle qui avait trouvé refuge en Dieu comme en un « asile de l'ignorance ». « Et il ne faut pas oublier ici que les partisans de cette doctrine, qui ont voulu faire étalage de leur talent en assignantdes fins aux choses, ont, pour prouver leur doctrine, apporté unnouveau mode d'argumentation : la réduction, non à l'impossible,mais à l'ignorance ; ce qui montre qu'il n'y avait aucun autremoyen d'argumenter en faveur de cette doctrine.

Si, par exemple,une pierre est tombée d'un toit sur la tête de quelqu'un et l'a tué,ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer l'homme, dela façon suivante : si, en effet, elle n'est pas tombée à cette finpar la volonté de Dieu, comment tant de circonstances ont-ellespu concourir par hasard ? Vous répondrez peut-être que c'estarrivé parce que le vent soufflait et que l'homme passait par là.Mais ils insisteront : pourquoi le vent soufflait-il à ce moment-là ?Pourquoi l'homme passait-il par là à ce même moment ? Si vousrépondez de nouveau que le vent s'est levé parce que la veille,par un temps encore calme, la mer avait commencé à s'agiter, etque l'homme avait été invité par un ami, ils insisteront denouveau, car ils ne sont jamais à court de question : pourquoidonc la mer était-elle agitée ? Pourquoi l'homme a-t-il été invité àce moment-là ? et ils ne cesseront ainsi de vous interroger sur les causes des causes, jusqu'à ce que vous vous soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asiled'ignorance.

» C'est après avoir exposé sa propre conception de Dieu que Spinoza s'attaque à la compréhension traditionnelle de Dieu comme roi ou seigneur , imposant ses volontés aux hommes.

« La volonté de Dieu , cet asile d'ignorance » écrit-il dans l'appendice au livre 1 de l' « Ethique », entendant montrer que la conception vulgaire de Dieu , non contente d'être anthropomorphique, dégénère en superstition et maintient les hommes dans une ignorance qui profite au pouvoir religieux. Pour Spinoza , Dieu n'est pas une personne, mais il se définit par la formule « Deus sive natura » : « Dieu ou la nature ».

Dieu est la force qui produit la totalité de la nature et des êtres : « il est la cause libre de toutes choses [...] tout est en Dieu et dépend de lui ». Après avoir justifié son concept de Dieu , Spinoza entreprend de réfuter les préjugés des hommes au sujet de la divinité. « Tous ceux que j'entreprends de signaler ici [les fausses opinions] dépendent d'ailleurs d'un seul, consistant en ce que les hommes supposent communément que toutes les choses de la nature agissent comme eux en vued'une fin, et vont jusqu'à tenir pour certain que Dieu lui-même dirige tout vers une certaine fin. » Tous les préjugés des hommes reposent donc sur une conception anthropomorphique de la nature (« Les hommes supposent communément que toutes les choses de la nature agissent comme eux en vue d'une fin »), qui culmine dans l'idée que Dieu agit comme un être humain : il est pourvu d'une volonté et dirige tout selon ses buts et ses fins.

Dès lors tout phénomène naturel sera compris comme s'expliquant par la volonté de Dieu . Il deviendra donc impossible d'expliquer la nature par elle-même : tout phénomène (une maladie par exemple) ne sera pas compris par ses causes naturelles, mais saisi comme manifestation, comme signe de la volonté divine (lacolère de Dieu , qui pour punir les hommes leur envoie la maladie en question). Il vaut la peine de suivre la démonstration de Spinoza .

Celui-ci pose en principe un fait indéniable, celui qui veut que : « Tous les hommes naissent sans aucune connaissance des causes des choses, et que tous ont un appétit de rechercher ce qui leur est utile, et qu'ils en ont conscience. » Nous avons conscience de nos désirs, mais non de leurs causes.

Par suite les hommes croient désirer librement, croient que leurs désirs naissent d'eux-mêmes(comme un ivrogne sous l'emprise de l'alcool croit désirer librement sa bouteille). Or une autre caractéristique des êtres humains est qu'ils agissent toujours dans un but, en poursuivant une fin, une utilité.

Pour les hommes, comprendre la nature, c'est donc rechercher dans quel but telle ou telle choseexiste, quelle est son utilité.

Quand nous regardons un objet, notre première impulsion est de nous demander à quoiil sert, comme si son utilité rendait raison de son existence.

Autrement dit, les hommes ne cherchent pas àcomprendre la cause des phénomènes, ce qui les produit, mais leur fin supposée. C'est la combinaison de ces deux principes, de ces deux attitudes : l'ignorance des causes et la recherche de l'utile, qui va être à l'origine d'une conception fausse et aliénante de la nature et de la divinité. Or, « Comme en outre ils trouvent en eux-mêmes et hors d'eux un grand nombre de moyens contribuant grandement à l'atteinte de l'utile [...] ils en viennent à considérer toutes les choses existant dans la nature comme. »

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