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Les autres nous aident-ils à nous connaître ou nous en empêchent-ils ?

Publié le 10/03/2004

Extrait du document

  • « Les autres « désigne ceux qui diffèrent de moi, qui ne sont pas moi, à savoir tout homme par rapport à moi. Ici, il s'agit, bien entendu, des autres consciences. Notons qu'autrui est à la fois "alter" et "ego", le différent et le même que moi.

  • « Aider / aident-ils «, faciliter, permettre.

« Se connaître «, c'est avoir conscience de soi, être capable de se représenter, avoir une connaissance de soi. Par exemple, je sais que je suis jaloux, tolérant, etc... « empêcher / empêchent-ils «, c'est entraver et gêner une opération, en s'y opposant. Un empêchement est un obstacle à la réalisation de quelque chose. • Le sens du sujet est donc le suivant : les autres consciences m'apportent-elles un soutien efficace pour accéder à la mienne ou constituent-elles, au contraire, un obstacle à cette recherche ? • Le problème posé est celui de savoir si je dois tracer ma route solitairement et connaître ma subjectivité à l'écart d'autrui ou bien si l'on se découvre homme parmi les hommes, au sein des Autres. La connaissance de soi est-elle à recherche dans le solipsisme ou dans la relation à autrui ?

D'un mot, Jean-Paul Sartre énonce le problème philosophique que pose autrui à la philosophie moderne : « On rencontre autrui, on ne le constitue pas « (l'Être et le Néant). Du fait, encore qu'on puisse éventuellement le définir comme un alter ego — un autre moi —, autrui est avant tout celui que je ne suis pas, indépendant, extérieur, étranger à moi-même et à un monde de choses dans lequel il apparaît, sans pour autant lui appartenir. La connaissance, cette activité par laquelle l'homme prend acte des données de l'expérience et cherche à les comprendre ou à les expliquer, est reliée de façon indirecte à autrui. Une des questions est de savoir pour quelles raisons les autres peuvent ils nous aider à nous connaître. En nous faisant remarquer des réactions que nous ne voyons pas parce qu'elles sont simplement vécues ou habituelles? Parce qu'ils nous font confiance et nous révèlent le meilleur de nous-même? Parce que comme dit Fitche on ne se pose qu'en s'opposant : notre courage apparaît dans l'affrontement ?

 

Voici ce plan :  

  •  1° Thèse : les autres apportent une aide puissante dans la prise de conscience de soi et dans la saisie réflexive et juste de sa personne (cf. Hegel en particulier).
  •  2° Antithèse: néanmoins, cet apport issu des inter-relations humaines aboutit, trop souvent, à une dépersonnalisation (Heidegger) ou bien à l'inconsistance et à la vacuité (Girard).
  •  3° Synthèse : sans les autres, qui sont (parfois) un obstacle à une authentique connaissance de soi, il n'est cependant pas possible d'atteindre à cette connaissance.

 

« comme conscience, comme autre chose qu'un simple animal, vaut plus que par sa simple survie.

Etre homme, c'est donc pouvoirmettre en jeu sa propre vie pour prouver la valeur même de son existence, c'est pourquoi cette lutte est à la fois nécessaire etabsurde.

L'essentiel est que la conscience de soi véritable requière la médiation d'un autre homme : être conscient de soi-mêmecomme être humain, c'est être reconnu comme homme par un autre homme, par une autre conscience.

Seul, je ne peux faire lapreuve de mon humanité.La conscience immédiate que j'ai de moi-même est celle d'un être vivant et désirant.

Mais tant que mon désir ne porte que sur unobjet naturel (ce fruit par exemple), tout ce que je peux faire est de détruire et d'assimiler cet objet.

Or, dans la mesure même oùje dois sans cesse me procurer un nouvel objet, je fais l'expérience de ma dépendance à l'égard de l'objet, du monde vivant etnaturel.

Tant que je reste enfermé en moi-même, avec un désir qui ne porte que sur des objets, je ne peux en aucune façonprouver mon indépendance à l'égard de la vie.Pour que je me comprenne comme conscience de soi, autre chose qu'un simple animal, il faudra que mon désir porte sur autrechose qu'un simple vivant naturel : il faudra que mon désir porte sur un autre désir, sur un homme.Il faudra que je prouve que je dépasse le simple stade vital, que je ne suis pas un simple vivant, donc que je coure le risque de mamort, pour prouver mon indépendance à l'égard de la vie.

Il sera donc nécessaire que je montre à moi-même et à l'autre que je neme confonds pas avec l'animalité, le souci de la vie.La conscience d'être homme ne se prouve et ne s'éprouve que face à un autre homme, dans le rapport entre deux consciences.Reste à comprendre pourquoi cette reconnaissance prend la forme d'une lutte à mort.D'une part la différence entre l'animalité et l'humanité, je ne peux la faire qu'en prenant un autre à témoin, qu'en montrant maliberté face à la vie.Or, on ne connaît pas autrui par science immédiate.

Autrui surgit face à moi, si l'on peut dire, comme un objet : les deux êtres quisurgissent face à face sont sûrs de leur conscience, mais non de celle de l'autre.

Il faut donc prouver à l'autre mon caractère deconscience : je dois mettre ma vie en jeu.« Chacune [des deux consciences] est bien certaine de soi-même, mais non de l'autre, et ainsi sa propre certitude de soi n'a aucunevérité [...] Le comportement des deux consciences de soi est donc déterminé de telle sorte qu'elles se prouvent elles-mêmes etl'une à l'autre au moyen de la lutte pour la vie et la mort.

Elles doivent nécessairement engager cette lutte, car elles doivent éleverleur certitude d'être pour soi à la vérité, en l'autre et en elles-mêmes.

»Il est essentiel de noter que la lutte engagée est le contraire de la violence naturelle.

Cette dernière a toujours pour enjeu la survie.Je me bats avec un autre pour assurer les moyens de ma conservation.

Mais ici, la violence, le conflit ont précisément pour enjeu lerefus d'être assimilé à un simple vivant qui ne serait guidé que par le souci de survivre.

Cette lutte n'a pas pour enjeu la survie «biologique », mais la valeur.Une fois comprise la nécessité de cette lutte à mort par laquelle j'essaie de faire la preuve de mon humanité comme liberté face àla vie, reste à en comprendre l'absurdité.

L'enjeu est la reconnaissance par l'autre, qui seule peut faire la preuve que je suis bien ceque je prétends être.

Or il est certain tout d'abord que cette lutte ne sert à rien si les deux meurent, ou refusent la lutte, ou qu'unseul survit.

La seule configuration où la reconnaissance est possible est que l'un abdique par peur de la mort, souci de la survie, etl'autre non.

La mort sert donc de discriminant entre deux consciences, l'issue du conflit dépend du rapport que chacun des deuxentretient avec la mort.Celui qui a véritablement accepté de courir le risque de la mort pour prouver la valeur de sa liberté et son indépendance face à la viebiologique est dit « le maître ».

« C'est seulement par le risque de sa vie que l'on conserve la liberté » L'autre, qui a préféré laservitude à la mort, est dit « l'esclave ».Le maître a prouvé qu'il méprisait la vie au point de la risquer pour montrer qu'il n'était pas ce qu'il paraissait être immédiatement,un simple vivant.

C'est face à la vie que s'éprouvent les valeurs.Mais, et là réside l'absurdité de cette lutte, pour être reconnu, pour prouver sa valeur, il faut rester en vie : « Dans cette expérience,la conscience de soi apprend que la Vie lui est aussi essentielle que la pure conscience de soi.

»Le maître réalise ici une expérience qui est exemplaire de la dialectique : à la fois il nie la vie (il la met en jeu), il la dépasse (enprouvant qu'il ne se réduit pas à la simple animalité guidée par le souci de se conserver) et il la conserve (sinon la lutte seraitratée).

C'est une opération que Hegel nomme une « Aufhebung » et qu'on traduit parfois par sursomption (nier, dépasse,conserver).On comprend dès lors la différence entre la mort naturelle (le simple fait de périr) et la mort telle qu'elle apparaît ici et qui viseautre chose, non pas le simple anéantissement de la vie, mais son dépassement.

Enfin si c'est face à la vie que se pose toutevaleur, la valeur se détache sur un horizon de vie et en reste dépendante.

C'est pourquoi la lutte à mort est à la fois nécessaire etcontradictoire.Il faut enfin comprendre cette dialectique comme la matrice logique de toutes les luttes réelles ou symboliques qui ont lieu dansl'histoire.

La violence historique n'est pas une violence naturelle.

On la verra réapparaître chaque fois que l'on tendra à assimilerl'homme à un simple vivant, à un simple animal.

On verra resurgir la violence chaque fois qu'on déniera à l'individu toute valeur.Se joue, dans la lutte à mort, la condition d'émergence de la sphère véritablement humaine, celle des valeurs.

L'homme s'élève au-dessus de la vie parce que seul il est capable de mettre ainsi sa vie en jeu pour se libérer du seul esclavage possible, celui de lavie.

La phrase est aussi une réponse à tous ceux qui font de l'angoisse sécuritaire et de la préservation de la vie le motif principaldes actions humaines.

Par exemple à Hobbes qui faisait de la peur de la mort le socle de la politique et de la construction de l'Etat,Hegel répond : « L'individu qui n'a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n'a pas atteint la vérité decette reconnaissance comme reconnaissance d'une conscience de soi indépendante.

»Par un retournement dialectique, l'esclave contraint au travail deviendra le moteur de la libération humaine, de la discipline del'instinct : le maître sombrant dans la barbarie du caprice.Mais il faut retenir de la lutte à mort pour la reconnaissance que l'on est véritablement humain, autre qu'animal, que l'on ne prouvesa spiritualité, sa liberté, que pour autant qu'on soit reconnu comme tel par un autre homme.

L'aspect conflictuel de la rencontreavec autrui montre que notre humanité est toujours à reconquérir contre tout ce qui tend à nous assimiler à un simple vivant. [toutefois, la relations intersubjectives sont souvent inauthentiques (Heidegger).]. »

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